Les guerres modernes représentent une mort massive et organisée, à laquelle les sociétés qui y participent sont obligées de faire face, débouchant sur une nouvelle conception de la vie publique et une évolution dans les nationalismes.
A cet égard la Grande Guerre est déterminante car la mort de masse y fut la plus importante : 10 millions de morts, soit autant que tous les conflits entre 1790 et 1914. Le manque de comparaison avec les guerres précédentes (la dernière sur le sol français est la guerre franco prussienne de 1870-1871) accentua l'ampleur des pertes et le désir de les sublimer.
D'autres facteurs mettent en exergue un deuil général qui a défini, non une peine, mais un nouveau sens à la vie : la camaraderie des soldats des tranchées, confrontés à une mort quotidienne, leur donna le sentiment d'avoir défendu la nation.
L'objet de Mosse sera d'étudier ce mythe de la guerre, c'est-à-dire la façon dont la guerre a été sacralisée (culte du soldat mort au champ d'honneur) mais aussi banalisée (tourisme des champs de bataille)...
[...] C'est là que, selon Mosse, il convient de chercher un des liens principaux entre l'expérience de guerre outre-Rhin et la brutalité nouvelle du champ politique allemand lors de l'entre-deux-guerres. S. Audoin-Rouzeau souligne enfin l'apport de Mosse à l'historiographie récente sur les deux guerres mondiales. La notion centrale de culture de guerre définie comme la manière dont les contemporains d'un conflit le représentent et se le représentent, n'aurait sans doute pas pu émerger sans son apport. Une guerre d'un autre type Les guerres modernes représentent une mort massive et organisée, à laquelle les sociétés qui y participent sont obligées de faire face, débouchant sur une nouvelle conception de la vie publique et une évolution dans les nationalismes. [...]
[...] Les drames traditionnels apportent aussi leur lot de sentimentalité propre à rendre la guerre familière et émouvante (dans la pièce Der Hias de Heinrich Gillardone, un amoureux est obligé de quitter sa bien-aimée pour aller à la guerre). Le cinéma se tourna très tôt vers le film de propagande : David W. Griffith en donna l'exemple avec les Cœurs du monde en 1918 (ce film, comme bien d'autres, représentait la guerre comme un mélodrame ou une aventure amoureuse). Des tentatives réalistes furent tentées mais vite abandonnées ou marginalisées. [...]
[...] L'artisan et son savoir-faire, tout comme la nature inviolée, représentent la pérennité de la nation et participent de la fonction régénératrice du mythe de guerre. Les cimetières devinrent des lieux de pèlerinage. Les sentiments nationalistes provoquèrent une séparation des morts : à Verdun les crânes et les ossements supposés des soldats français et anglais furent réunis dans l'ossuaire de Douaumont tandis que ceux des soldats allemands étaient recouverts de terre. L'idée d'une cérémonie d'inhumation d'un Soldat Inconnu devait permettre de représenter en une seule cérémonie toute la mythologie de la guerre. [...]
[...] Une nouvelle fois un mythe de guerre fut créé par l'élite intellectuelle. Il s'agissait d'un idéal de liberté pour lequel il fallait combattre, qu'on véhicula aux moyens de chants, de romans et de poésies : Bertolt Brecht écrivit ainsi le texte du Chant du Front uni Cette dimension du mythe ne se retrouve pas auprès de ceux qui s'engagèrent pour Franco. Moins nombreux, ils ne bénéficièrent pas non plus de la culture de guerre propagandiste que la République espagnole avait su insuffler. [...]
[...] Henri Massis écrivit des lignes sur la pure joie de tuer (Impressions de guerre). Frédéric Manning estimait que les soldats revenaient à un état premier de leur évolution quand ils montaient à l'assaut. Il fallait désormais vivre des aventures exceptionnelles au-delà de la civilisation, au niveau des instincts primaires. La mort devint tellement habituelle qu'on n'accorda plus de considération pour la vie. La mort de l'ennemi fut rejetée, malgré les clauses du Traité de Versailles pour le respect des morts adverses : l'Allemagne condamna l'absence du drapeau allemand à l'ossuaire de Douaumont. [...]
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