Alors que le monde ne cesse d'évoquer et de s'inquiéter de la toute-puissance voire de l' « hyperpuissance » des Etats-Unis ainsi que de sa politique extérieure unilatérale et belliqueuse, Emmanuel Todd entend montrer, dans Après l'empire, essai sur la décomposition du système américain, que le comportement actuel des Etats-Unis n'est pas celui d'une hyperpuissance qui, seule, dominerait le monde, mais bien au contraire celui d'un empire sur le déclin. Evitant aussi bien l'anti-américanisme que l'américanophilie, l'auteur cherche à dégager un « modèle explicatif satisfaisant » du comportement des Etats-Unis. Pour cela, il fait appel à la démographie, mais aussi à l'économie, à l'anthropologie, à la géostratégie. Il tente ainsi, au-delà de la seule vision de la perte de puissance des Etats-Unis, à élaborer une grille d'analyse destinée à comprendre le monde contemporain dans sa globalité.
La question est alors de savoir si les Etats-Unis sont, comme il l'affirme, une puissance économique, militaire et idéologique déclinante, et s'il existe alors un « problème américain », et pourquoi la « superpuissance solitaire » est-elle si active et déstabilisatrice : parce qu'elle est toute-puissante, ou bien parce qu'au contraire, elle sent lui échapper le monde qui est en train de naître ?
Autrement dit, le déclin de l'empire américain aura-t-il lieu ?...
[...] - La Russie dont le retour sur la scène internationale est perçu comme un facteur stabilisant par Emmanuel Todd qui rappelle le caractère universaliste et égalitaire du fond anthropologique russe. La Russie est en train de retrouver une assise solide, renforcée par la perception croissante de l'Europe de ses intérêts convergents avec le monde russe. L'analyse de cette nouvelle donne par les Etats-Unis les rend alors agressifs non pas par volonté de puissance, mais conscience de leur décadence. Incapables d'adopter une stratégie claire et pragmatique, ils choisissent la facilité et le court terme : ils entretiennent par leur empire théâtral l'illusion d'un monde dangereux, harcelant les faibles (Irak, Corée, Cuba ) et provoquant les forts (Chine, Russie Certes, ces pays peuvent profiter du déclin des Etats-Unis, en se rapprochant pour contenir l'agressivité américaine et créer un équilibre international au sein duquel les Etats-Unis ne seront qu'une puissance parmi d'autres. [...]
[...] Cela explique que la posture américaine dans les relations internationales est celle d'un pays conjoncturellement surpuissant devenu structurellement prédateur. L'Amérique n'est plus essentielle au monde par sa production, mais par sa consommation dans une situation d'insuffisance de la demande globale Il faut donc aux Etats-Unis prouver au monde qu'il a besoin d'eux afin de conserver politiquement la prédominance qui, dans les autres domaines, leur échappe. Pour ce faire, la puissance américaine, désormais stérile au regard objectif du monde, sur-consommatrice et sous-productrice, ayant perdu la bataille économique face à l'Asie et à l'Europe, se doit de jouer son dernier atout maître sur l'échiquier mondial : sa puissance militaire héritée de l'ancien affrontement Est-Ouest. [...]
[...] -enfin, développer des armes nouvelles supposées mettre les Etats-Unis loin devant, dans une course aux armements qui ne doit jamais cesser. Ainsi, comme le dit Emmanuel Todd, dépendante économiquement, l'Amérique a besoin d'un niveau de désordre qui justifie sa présence politico-militaire dans l'Ancien Monde Enfin, la tentation impériale américaine, motivée par des contraintes économiques, bute sévèrement sur la vision de moins en moins universaliste et de plus en plus inégalitaire des Etats-Unis. En effet, selon l'auteur, une ambition impériale n'est possible qu'à la condition de véhiculer des valeurs universalistes d'égalité entre les hommes. [...]
[...] Les adversaires à la mesure des Etats-Unis sont évidemment en dehors de cet axe du mal Car si le complexe militaro-industriel américain est démesuré en proportion du pays lui-même, il est en revanche insuffisant pour assurer aux Etats-Unis une domination planétaire. L'appareil militaire américain est surdimensionné pour assurer la sécurité de la nation, mais sous- dimensionné pour contrôler un empire, et plus largement pour maintenir durablement une hégémonie en Eurasie Les Etats-Unis développent alors ce que l'auteur appelle un militarisme théâtral : -ne jamais résoudre définitivement un problème, pour justifier l'action militaire indéfinie de l' unique superpuissance à l'échelle planétaire -se fixer sur des micropuissances, car la seule façon de rester politiquement au cœur du monde est d'affronter des acteurs mineurs, valorisant pour la puissance américaine, afin d'empêcher, ou du moins de retarder la prise de conscience des puissances majeures appelées à partager avec les Etats-Unis le contrôle de la planète : l'Europe, le Japon, la Russie, la Chine. [...]
[...] Les Etats-Unis apparaissent comme un empire théâtral et narcissique Comme point de départ de sa réflexion, Emmanuel Todd dresse un certain nombre de constats, tous inquiétants pour la position et les intérêts des Etats-Unis en établissant le tableau d'une Amérique en déclin. L'un des arguments majeurs de l'auteur repose sur l'état croissant de dépendance économique des Etats-Unis à l'égard du reste du monde. Loin d'être le pays le plus productif au monde comme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis sont désormais distancés sur le terrain de la production par leurs concurrents européens et japonais. [...]
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