L'« appeasement » est défini par Paul Kennedy dans son œuvre Strategy and diplomacy (1983-1984) comme la « politique de résolution des querelles internationales par l'acceptation et la satisfaction de griefs au prix d'une négociation et de compromis raisonnables, en éliminant ainsi le recours à un conflit armé qui aurait été coûteux, sanglant et peut-être très dangereux. » Si cette définition oublie de préciser quels sont les auteurs de cette politique (la Grande Bretagne) et à l'égard de qui elle fut appliquée (essentiellement l'Allemagne d'Hitler), cette définition a le mérite de poser clairement les grands enjeux de ce qu'est l'appeasement et d'éviter les truismes simplistes. En effet, l'appeasement n'est pas, contrairement aux idées reçues, la volonté inconditionnelle et aveugle d'une paix absolue, recherchée coûte que coûte par la Grande Bretagne, vis-à-vis de l'Allemagne. Il s'agit plus raisonnablement dans l'esprit des dirigeants britanniques de satisfaire des aspirations géopolitiques, tout en évitant une guerre grâce à une politique résolument orientée vers le compromis. Toutefois, il semble que cette définition, louable du fait de son laconisme rigoureux, ne rende pas totalement compte de la complexité de ce concept. Qu'est-ce que l'appeasement et comment est-il devenu la doctrine officielle du gouvernement britannique ? Quels sont les principaux aspects et facteurs qui ont marqué le développement de cette politique ? Quel rôle l'appeasement a-t-il joué dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale ? Autant de questions qu'il est important de se poser afin d'avoir une approche du sujet la plus complète possible. S'interroger sur ce qu'est l'appeasement, c'est tout d'abord s'interroger sur la nature de cette politique et sur les conditions de son émergence dans la période de l'entre-deux-guerres (1919-1939) (I), mais c'est également tenter d'analyser ses modes concrets de manifestations sur la scène internationale (II), et ce en vue de parvenir, dans une démarche historiographique, à en comprendre la portée (III).
[...] Les Britanniques ne manquent pas de protester, mais dans les faits rien n'est entrepris. La politique d'appeasement est sur le faîte. Lord Halifax avait en effet exprimé à Schuschnigg avant sa démission son incapacité de lui donner la moindre garantie. De même, comme le note Roland Marx, le Conseil de Cabinet sur les affaires internationales approuve la décision de ne pas protester matériellement, adhérant ainsi la politique d'appeasement. Roland Marx affirme : Les chefs militaires ont à nouveau pesé sur cette résignation, se révélant comme les appeasers par excellence. [...]
[...] Cette règle des dix ans montre certes une fois encore que le contexte dans lequel la politique d'appeasement s'est développée était plus que favorable, mais montre également qu'en 1938, le processus de réarmement de la Grande Bretagne, engagé en 1932, ne pouvait suffit en cas d'une guerre contre l'Allemagne. Une évolution plus récente de l'historiographie, voit naître des auteurs comme J. Charmley, et F. Delpla, qui lisent dans l'appeasement non pas une politique pusillanime mais une véritable tactique. Il s'agissait de satisfaire les ambitions d'Hitler en Tchécoslovaquie, afin que celui-ci finisse par se heurter inévitablement à l'est à l'URSS, ce qui aurait pu conduire à une destruction mutuelle de ces deux puissances. ( l'appeasement est-il une lâche politique de démission ou une véritable stratégie ? [...]
[...] MARX, L'Angleterre de 1914 à nos jours, Armand Colin R.MARX, La Grande-Bretagne et le monde au XXe siècle, Masson P.CHASSAIGNE, La Grande-Bretagne et le monde de 1815 à nos jours, Armand Colin J.B Durosselle, Histoire des Relations internationales, tome Armand Colin J-P AZÉMA, F.BÉDARIDA, Munich, 1938-1948, Les Années de tourmente, Paris, Flammarion H.NOGUÈRES, Munich ou la drôle de paix, Paris, Laffont 1963. A. PARKER, Chamberlain and Appeasement, Londres 1993. William R. ROCK, British Appeasement in the 1930's, Londres 1976. L'Histoire, 58, juillet-août 1983, spécial : Les années trente, «L'esprit de Munich», Michel Winock. [...]
[...] C'est la fin des illusions pour Chamberlain, qui décide alors d'accélérer son programme de réarmement et d'accorder sa garantie à la Pologne, la Grèce, la Roumanie et la Turquie, et même si, fidèle jusqu'au bout à sa politique d'appeasement (on le verra dans un dernier effort, croire à la possibilité d'une ultime négociation, après l'invasion de la Pologne, en 1939), il affirme après cette invasion de la Tchécoslovaquie que la Grande-Bretagne sera prête à réagir de toutes ses forces Lord Halifax et Henderson opèrent le même changement d'attitude, les appeasers renoncent à leur doctrine. III. L'appeasement au cœur des controverses et des débats historiographiques L'appeasement : une lâche politique de renoncement ? Avec l'échec des accords de Munich, c'est toute la politique de l'appeasement qui semble avoir échoué. Nombreux ont été les intellectuels à associer les événements de 1939, avec la perte de crédibilité des démocraties, perte liée au désastre de la politique d'appeasement. [...]
[...] Il convient également de préciser que l'appeasement ne fut pas la politique personnelle de Chamberlain, elle semble en effet, être en conformité avec le vœu du peuple, comme nous avons pu le faire remarquer précédemment. Chamberlain ne fut jamais le dictateur de la politique gouvernementale affirmait S. Hoare à ce sujet. D'autre part, il semble que l'historiographie ne s'est toujours pas mise d'accord sur une acception unique et univoque de ce terme. En effet, pour certains l'appeasement renvoie à une réalité plus complexe et hétérogène que la simple politique de compromis de la Grande Bretagne envers l'Allemagne. [...]
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