Dans The tragedy of the commons , Garrett Hardin a bien formalisé la nature des problèmes relatifs à ce qu'il appelle, par analogie, les “commons” (ou « ressources publiques ») : des biens à la fois « non-confiscables » (disponibles à tous ceux qui veulent les utiliser) et « exclusifs » (quand on en consomme, il y en a moins pour les autres). Le problème avec ce type de bien vient de ce que l'accès à ces ressources étant libre, les gens en consomment excessivement, de sorte qu'il ne reste finalement rien : « Ruin is the destination toward which all men rush, each pursuing his own best interest in a society that believes in the freedom of the commons » .
Dans un premier temps, la tragédie des ressources publiques se pose d'abord au niveau national. Mais cette logique est aussi l'un des aspects les plus problématiques des relations internationales, car les « ressources communes » renvoient généralement au domaine sensible de l'environnement (air, océans, ressources poissonnières…), lequel peut être affecté par la pollution ou l'épuisement des réserves, sans qu'une instance supérieure légitime puisse, à ce niveau, légiférer en la matière pour protéger l'intérêt général. Mais Hardin élargit davantage la perspective : les richesses, notamment celles des pays développés, sont aussi des ressources communes mises en péril par la « surpopulation ». En fait, notre réflexion s'articulera autour de son texte et de son explication de la « tragédie ». Si nous convenons de la pertinence de son analyse quant à la nature des problèmes relatifs aux ressources communes aujourd'hui, nous réfutons tant son analyse des causes du problème que les solutions qu'il propose.
[...] Une deuxième source est de type exogène : la volonté d'agir est imposée à certains acteurs réticents de l'extérieur, par exemple dans le cadre d'institutions multilatérales ou d'autres types de négociations dans lesquels divers instruments de pressions peuvent être employés. [xix] Karen Litfin, Employment of Knowledge in the Montreal Protocol Negotiations”, in Karen Litfin, Ozone Discourses, pp. 78-116. Van Rensselaer Potter, Science 185 (1974) : 813, cité par Susan Buck, op. cit., p. 51. [...]
[...] C'est d'ailleurs bien dans cette direction que Garrett Hardin nous entraîne. Comme l'a montré Jean Starobinski[xvi], la conception hégélienne de la liberté comme conscience de la nécessité dont il se réclame véhicule un principe de soumission qui a changé depuis le siècle des Lumières. A moins de retomber dans l'obscurantisme, le concept de liberté dans le cadre duquel il nous faut réfléchir pour solutionner la tragédie est incarné par la Déclaration des droits de l'homme, qui défend justement le droit de se marier et de fonder une famille »[xvii]. [...]
[...] Dans cette perspective, la logique des ressources communes selon Hardin est critiquable. S'il est vrai qu'il existe aujourd'hui des tragédie des ressources communes nous pensons pour notre part que ce n'est pas originellement parce que l'accès à ce type de ressource est libre et parce que chaque individu, naturellement égoïste et rationnel cherche à maximiser son profit. Nous réfutons donc la vision ontologique qui sous- tend l'analyse de Harding et qui explique selon lui le phénomène. En fait, le concept même de tragedy of commons est un produit de la modernité : il apparaît avec le long développement qui, de Luther à Mandeville en passant par Smith, a conduit à la formation d'un ethos capitaliste et individualiste dans lequel, c'est vrai, chacun considère son seul intérêt au détriment de l'intérêt général. [...]
[...] Le concept de tragedy of the commons et les implications qu'en tire Hardin doivent beaucoup à Malthus. Son discours est alarmiste the alternative of the commons is too horrifying to contemplate la cause de tous les malheurs est la surpopulation Freedom to breed will bring ruin to et la solution passe par un contrôle des naissances we must now recognize the necessity of abandoning the commons in breeding En bref, sa pensée, aux antipodes de celle d'un Peter Singer, est une éthique de la barque pleine : refuser l'accès au bateau aux pauvres, ne pas les aider[ix]. [...]
[...] Une perspective néo-malthusienne Situons le texte de Hardin dans un contexte et dans un courant de pensée. Le contexte, c'est la fin des années 60[iv] : la découverte récente des antibiotiques et leur emploi dans les pays pauvres a fait baisser le taux de mortalité infantile sans régler simultanément la question du taux de natalité. D'où une panique : on brandit la menace de la bombe démographique on craint que les ressources ne viennent à manquer. Quant au courant de pensée, Hardin est un néo-malthusien Rappelons que Malthus avait le premier développé le concept de surpopulation par rapport aux ressources[v] : en s'élargissant, le fossé entre population et ressources entraîne la famine et une grande mortalité. [...]
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