Les stratégies aériennes se distinguent par leurs fondements théoriques spécifiques. Aussi, comprendre un auteur appelle-t-il l'étude de la notion même de puissance aérienne, ce à travers ses multiples conceptions. Hervé Coutau-Bégarie évoque dans son traité de stratégie « le paradigme intermittent de la puissance aérienne » . En effet, cette branche de la stratégie, bien que fort dense, n'a su développer de structure théorique cohérente, voire de cadre conceptuel fondateur. Cet état de fait influant sur l'ensemble des théorisations de la puissance aérienne, il ne saurait être éludé de l'observation pouvant en être faite, à fortiori, de l'analyse d'un auteur.
Edward Warner propose ici une synthèse critique des théorisations de Giulio Douhet. Il présente la réflexion de l'auteur italien comme il en évalue la portée, immédiate et historique. Fort de ce préalable théorique, les idées de Warner et de Douhet doivent être restituées au regard d'impératifs explicatifs nés de l'absence de paradigme fondateur. A ce titre, l'étude du texte de Warner renvoie à une réflexion, plus globale, sur la notion de puissance aérienne et ses diverses conceptions.
[...] De même, la stratégie totale, de frappe, comme de mobilisation des moyens, envisagée par Douhet fait montre, encore une fois, comme le dit Warner, d'un trop grand optimisme. En outre, la question de la résistance civile et de l'endurance des populations est une autre pierre d'achoppement. Les exemples historiques témoignant d'une résistance inébranlable, voire d'une radicalisation, sont nombreux, le Royaume-Uni, le Viêt-Nam etc. D'autre part, Warner oppose à la théorie de Douhet une série d'objections techniques, sinon tactiques, nées d'une ignorance relativement importante de certaines contraintes matérielles et opérationnelles de l'aviation. [...]
[...] En effet, il appartient principalement au plan tactico-technique de s'être révélé, plus ou moins rapidement, défectueux, comme le montrent les calculs erronés de Douhet. Par contre, à n'observer que les principes majeurs, la pensée de Douhet témoigne d'une grande explicativité, d'une valeur théorique indéniable quant à la tentative de systématisation qu'elle représente. Ce, d'autant plus, au regard du contexte théorique L'airpower, les aléas d'un concept Si Mahan propose une vision très structurée du concept de seapower, celui d'airpower ne fait que transparaître des théories de Douhet. [...]
[...] Cette logique s'incarne dans les deux concepts particuliers, fondamentaux chez Douhet, que sont la maîtrise de l'air et le bombardement stratégique. La notion de maîtrise de l'air appelle quelques précisions. Pour Douhet, elle signifie l'aptitude à la conduite d'opérations aériennes tendant à abattre la force adverse et à protéger le territoire national puis, à développer des actions rendant l'ennemi inoffensif, incapable de rétablir l'équilibre. Cette acquisition répond à une logique d'anéantissement au sol de la force adverse, par une frappe massive et rapide, ce qui renvoie au rôle du bombardement stratégique chez Douhet. [...]
[...] Enfin, il est à noter que la stratégie de Douhet obéit au principe de l'anéantissement rapide, mobilisant la totalité des ressources, dès le départ, conception que l'on retrouvera, alors affinée, dans la Blitzkrieg allemande, avec le couple char-avion Corollairement, il insiste sur l'importance, selon lui, prééminente, de l'action offensive, purement offensive. Par exemple, il préconise fortement l'usage du bombardier plutôt que celui de l'avion de chasse, peu utile, à son avis. La critique de Warner, objections techniques et dogmatisme S'il ne nie pas la portée et la pertinence des théories de Douhet, Warner n'en stigmatise pas moins les failles, souvent majeures. Ces aléas ne sauraient être attribués dans leur ensemble à un manque de connaissance relevant d'un contexte scientifique moins avancé. [...]
[...] A l'image de toutes les théorisations de la puissance aériennes ? Eut égard à son aspect extrêmement technique, la stratégie aérienne ne semble avoir offert que peu de place à une véritable structure conceptuelle. La dimension opérationnelle est rendue prépondérante par la primauté du facteur technique. Si chez les premiers auteurs, elle ne se départit pas de la vision plus globale d'une stratégie générale, ce mouvement répondait essentiellement aux besoins de promotion de l'arme aérienne, s'accompagnant de la place quasi-omniprésente du facteur aérien, faisant ainsi preuve d'un dogmatisme certain. [...]
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