Lloyd Axworthy définit la sécurité humaine comme « la protection contre les menaces chroniques, telles que la famine, la maladie et la répression et la protection contre tout événement brutal susceptible de perturber la vie quotidienne ou de porter préjudice à son organisation dans les foyers, sur le lieu de travail ou au sein de la communauté ».
Autrement dit, la sécurité nationale ne pourrait plus s'analyser de manière parfaitement autonome puisqu'elle interfère toujours avec d'autres niveaux de sécurité, notamment, avec la sécurité des individus. Et pour cause, lorsque la sécurité nationale est assurée, elle l'est au prix de risques, de menaces qui peuvent devenir abusives sur les individus. Toutefois, se passer de sécurité nationale, s'effectue au prix d'une anarchie collective, également dangereuse. Si bien que la relation entre les sécurités du groupe et celle des individus devient conflictuelle, voire contradictoire.
[...] Garantir la sécurité humaine revient in fine à favoriser le développement. Dès lors, l'aide au développement s'inscrirait essentiellement dans la recherche de garanties apportées à la sécurité humaine, sur les plans politique, juridique et militaire. Conception renouvelée du concept classique de sécurité, la sécurité humaine se situe-t-elle pour autant en marge des actions de sécurité traditionnelles ? C'est bien au nom des dimensions individuelle, politique, et collective de la sécurité, que les interventions en Bosnie, au Kosovo, voire en Irak, ont pu être entreprises. [...]
[...] Cependant un droit sans mécanismes d'imposition de son respect ne saurait être efficace. Si bien que l'ultime question à se poser semble bien être celle des modes de contrôle de la puissance étatique (potentiellement nuisible à l'individu), pourtant nécessaire à la garantie de la sécurité humaine. Autrement dit, garantir la sécurité humaine pensée comme universelle passe par une restauration de l'autorité étatique, afin de paradoxalement pouvoir la dépasser par le haut (normes juridiques supranationales, voire droit cosmopolitique) et par le bas (droit de l'individu érigé comme norme suprême). [...]
[...] Eviter l'instrumentalisation de la notion de sécurité humaine suppose de repenser la politique étrangère traditionnelle à l'aune d'une prise en compte des risques individuels qu'elle peut entraîner. Prendre en compte ce concept d'une sécurité renouvelée invite également à approfondir la place d'acteurs de plus en plus diversifiés dans la définition de la politique extérieure ; autrement dit, à penser la promotion de la sécurité en lien avec le multilatéralisme et le répertoire d'action qu'il propose. Le droit a un rôle éminemment important à jouer à cet égard. [...]
[...] Insérée dans un jeu d'interactions perpétuel entre individu et mécanismes de garantie établis au niveau supranational, la notion de sécurité humaine déplace le rôle de l'Etat. De détenteur du monopole de la violence légitime, celui-ci devient un élément de menaces parmi d'autres sur l'individu tout en étant un des principaux garants de sa sécurité. La sécurité de l'individu nécessite donc un Etat agissant, non pas effondré mais protecteur, respectant les principes d'un régime pluraliste- constitutionnel. Si l'Etat est une pièce indispensable de la sécurité humaine, il n'en est qu'une pièce parmi d'autres. [...]
[...] Si bien que la relation entre les sécurités du groupe et celle des individus devient conflictuelle, voire contradictoire. Cette tension peut prendre la forme d'un découplage des deux sécurités (individus et sécurité du groupe) qui s'illustre par une privatisation de la sécurité, notamment dans les situations où la nationalisation de la sécurité est faible, impossible ou quasi-inexistante (ce qui s'avère tout particulièrement dans les Collapsed States). La sécurité nationale ne peut se construire que dans un rapport à déterminer avec les individus et ne peut constituer un objectif en tant que tel. [...]
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