Dans la quatrième de couverture et l'introduction déjà, Samuel Huntington fait penser à Francis Fukuyama, Harvardeux s'il en est, qui avait pondu en son temps un ouvrage intitule La fin de l'Histoire. Ce livre était un ramassis de billevesées, d'assertions gratuites, d'inepties pseudo philosophiques, et que quelques années ont suffit à balayer et à néantiser; bref, c'était un livre « happening » qui voulait démontrer la victoire totale et planétaire de l'idéologie libérale et démocratique après la chute du mur de Berlin ; le monde connaissant aujourd'hui la fin de l'histoire. Fukuyama était un Top adviser, consultant, Harvardeux, tout comme Huntington d'ailleurs lequel est, en plus, expert auprès du Conseil National Américain. Voilà donc un livre qui se trouve objet de discussions en Amphi à l'ENA, débattu dans les cénacles parisiens "autorises", etc.
Mais qu'en est-il de la réalité et la validité de sa thèse du choc des civilisations. Pour connaître un auteur, il n'y a pas deux solutions. Comme le disait un professeur de Philosophie (Fr. Vezin) : "Il vaut mieux lire une page d'un auteur que cinq livres sur cet auteur".
C'est une vision américaine du monde qui apparaît dès les premières pages. Dans la méthode, tout d'abord, on est choqué dès l'introduction par la somme d'assertions déversées et par le manque de questionnement ; par le fond ensuite, avec le survol hâtif de l'histoire venant soi-disant démontrer que ce choc des civilisations n'a jamais existé avant la chute du Mur de Berlin. Ce serait un comble pour l'auteur américain de dire que le monde régresse d'autant plus que celui-ci (pour sa partie occidentale laquelle/ domine actuellement le reste de la planète) est conduit par les Etats-Unis…
La thèse du livre tient dans sa vision originale du monde d'aujourd'hui et des conflits de demain ; nous sommes confrontés à une nouvelle structure organisationnelle du monde, laquelle n'est plus idéologique, politique, ou économique, mais culturelle et civilisationnelle. Les conflits à venir seront inter-civilisationnels, et s'opèreront surtout aux différentes zones de ruptures, aux zones de contacts inter-civilisationnelles. Il y a, dans ce monde Huntingtonien, des « civilisations », des Etats phares et des pays déchirés.
[...] L'Afrique du Sud, nous dit Huntington, finit par donner dans sa culture la prépondérance aux éléments africains sur les éléments afrikaners et britanniques ; africains, oui, et précisément tribaux, quand on constate la prépondérance des Kxosas de l'ANC au pouvoir face aux Zoulous de l'Inkata. Bonne analyse de Carroll Quigley reprise par Huntington : quand la civilisation n'est plus capable de se défendre elle-même parce qu'elle n'a plus la volonté de le faire, elle s'ouvre aux envahisseurs barbares qui viennent souvent d'une autre civilisation, plus jeune et plus puissante. C'est en fait le Camp des Saints de Jean Raspail qui est décrit là. [...]
[...] Nous sommes en plein brouillard Quant à la cause définie par Malcolm Rifkind (Ministre de la Défense Britannique) sur la nécessité de l'établissement d'une communauté atlantique est en fait la cause de Davos tout simplement Le scénario catastrophe qui clos le dernier chapitre veut démontrer la logique des conflits intercivilisationnels et de leurs méfaits : tous le monde en sortirait affaibli sauf les non-belligérants, le centre politique se déplacerait vers le Sud. Mais la démonstration relève simplement d'une évidence ; il décrit une logique et l'enchaînement à partir d'un conflit régional vers un conflit majeur intercivilisationnel. [...]
[...] Plus loin, voulant démontrer la nécessité de l'existence d'Etat phare à l'intérieur des unités civilisationnelles et de leur rôle structurant, apaisant, Huntington retrace l'histoire récente des Balkans et des conflits qui s'y déroulent ; il nous donne son appréciation toute américaine de la situation : les Etats-Unis ont été obligés (sic) d'intervenir en faveur de la Bosnie, ceci dans la défense des intérêts musulmans qui n'ont pas d'Etat phare. Les USA se substituent donc aux états musulmans contre les intérêts européens, ceci alors qu'ils revendiquent le rôle d'état phare de l'Occident. A plus ou moins long terme, et à l'évidence dans cette démonstration, le Nouvel Ordre Mondial américain se trouvera confronté à ce nouvel ordre international fondé, lui, sur les civilisations. [...]
[...] Et quand l'auteur établit une comparaison avec les Etats-Unis, c'est une juxtaposition tout aussi irrecevable ; les pays européens ne sont pas des pays d'immigrations. Par contre, le danger d'une islamisation de l'Europe semble inquiéter Huntington, et à juste titre ; les gouvernements et les électeurs européens doivent être prêts, nous dit-il, à payer le coût (social, fiscal, économique) des mesures de sauvegarde. Clairvoyance et lucidité de Huntington apparaissent dans son approche de la politique globale des civilisations : Tant que l'islam restera l'islam (ce qui est certain) et que l'Occident restera l'Occident ( ce qui l'est moins), le conflit fondamental entre les deux grandes civilisations et les deux modes de vie continuera à influencer leurs relations à venir, tout comme il les a définies depuis quatorze siècles Le choc des civilisations, titre de l'ouvrage, est tiré d'une analyse de Bernard Lewis sur les racines de la violence musulmane datant de 1990 ; on ne l'apprend pas dans l'introduction, mais au détour du chapitre neuf de l'ouvrage Chose amusante, un terme apparaît dans la terminologie Huntingtonienne, et qui plus est avec une acception particulière, celui de révisionnistes pour désigner les américains optant pour une position plus dure vis-à-vis du Japon sur les questions économiques. [...]
[...] Il y dans ce monde Huntingtonien, des civilisations des Etats phares et des pays déchirés. Après une ouverture où apparaît la notion importante pour l'appréciation de la politique globale (le monde d'aujourd'hui est un monde multipolaire), l'auteur cherche en premier lieu à mettre en évidence l'utilité d'un paradigme pour lire le monde de l'après guerre froide ; Etats-nations, zones de conflits, cultures, et enfin civilisation(s). Il développe ce dernier comme étant celui qui évite les différents écueils que présentent les autres paradigmes (parcimonie, réalisme aveugle). [...]
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