Robert Kagan, auteur d'un essai, « la puissance et la faiblesse », qui avait fait grand bruit à l'été 2002, continue avec ce nouvel ouvrage d'exploiter cette veine. Rattaché au Carnegie Endowment for International Peace, il est généralement associé à la mouvance néo-conservatrice, dont il est certainement un des porte-parole les plus éloquents.
Dans ce nouvel essai, Kagan convient que la puissance ne peut s'exercer qu'appuyée sur un socle de légitimité, que seule l'Europe est à même, à raison des valeurs libérales partagées avec l'Amérique, de lui apporter. Et propose qu'en contrepartie, les Etats-Unis concèdent aux Européens une certaine influence.
[...] Ce précédent, du reste vivement critiqué par la plupart des autres membres de la communauté des nations, avait donc été invoqué par les Etats-Unis et leurs alliés pour justifier l'intervention en Irak. Sans doute les situations étaient-elles différentes, mais c'est le propre d'un ordre international fondé sur des règles fait valoir Kagan, d'appliquer les mêmes ensembles de règles à des situations différentes Faute de quoi on retombe dans un monde où les Etats déterminent seuls ou en groupe si la guerre est justifiée ou non, en fonction de leur propre morale et de leur propre conception de la justice ou de l'ordre un constat qui offre à l'auteur l'occasion d'une pirouette : tel est en fait le monde dans lequel nous vivons, et d'ailleurs le seul dans lequel nous ayons jamais vécu. [...]
[...] Mais ce postulat ne suffit pas à définir ce qui est légitime et ce qui ne l'est pas, car le libéralisme est lui-même en proie à un dilemme permanent, entre d'une part une vision fondée sur le droit international et l'inviolabilité de l'égalité souveraine des Etats et d'autre part la protection des droits des individus dans le monde, y compris au besoin par la force (Kosovo et ailleurs). Compte tenu de la tension entre ces deux visions du libéralisme, la définition de la légitimité internationale continuera de prêter à discussion, du moins au sein de la communauté libérale et démocratique, dans laquelle Kagan distingue cependant deux approches : l'européenne, déchirée entre souveraineté et ingérence, et l'américaine, encline à promouvoir les principes libéraux sans se soucier des subtilités westphaliennes ( . [...]
[...] Dans cette entreprise, ils auront besoin de l'Europe, devront prendre en compte les intérêts et les craintes de leurs alliés et, dans le cadre d'un nouveau contrat transatlantique, accepter d'accorder aux Européens un certain droit de regard sur l'usage que l'Amérique fera de sa puissance, à condition, naturellement, que ce droit s'exerce avec mesure Le cadre de ce contrat pourrait, pour Kagan, être l'OTAN, la seule organisation capable de concilier l'hégémonie américaine avec l'autonomie et l'influence des Européens Mais un tel arrangement est-il possible s'il n'y pas perception partagée de la menace et convergence de vues sur les moyens d'y faire face ? Le risque existe que les Européens voient davantage de dangers dans un Léviathan sans entraves que dans l'« axe du mal le terrorisme et les tyrans. Et Kagan de conclure, à l'adresse de la France : peut-être est-ce dans la nature d'une Europe post-moderne de porter un tel jugement. [...]
[...] Robert Kagan, Le revers de la puissance ; Les Etats-Unis en quête de légitimité, Plon L'auteur : Robert Kagan, auteur d'un essai, la puissance et la faiblesse qui avait fait grand bruit à l'été 2002, continue avec ce nouvel ouvrage d'exploiter cette veine. Rattaché au Carnegie Endowment for International Peace, il est généralement associé à la mouvance néoconservatrice, dont il est certainement un des porte-parole les plus éloquents. Dans ce nouvel essai, Kagan convient que la puissance ne peut s'exercer qu'appuyée sur un socle de légitimité, que seule l'Europe est à même, à raison des valeurs libérales partagées avec l'Amérique, de lui apporter. [...]
[...] Une crise de légitimité Partant du constat d'un schisme politique et stratégique entre l'Europe et les Etats-Unis, Kagan en voit les causes dans la légitimité de deux visions divergentes du monde au sein de ce qui est de moins en moins l'Ouest. L'unité allait de soi pendant les années de Guerre Froide et son fondement n'était nullement le Conseil de Sécurité ou le droit international, mais la perception partagée de la menace soviétique, stratégique et idéologique, ainsi que la bipolarité, qui créait une légitimité structurelle en contenant la puissance américaine - tout en offrant à des dirigeants comme de Gaulle ou Brandt une certaine marge de manœuvre. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture