Dans le cadre de la géopolitique des conflits dans le monde, s'intéresser aux diverses formes d'islamisme est nécessaire, vu la place prise par cette mouvance religieuse radicale sur la scène mondiale et à l'échelle nationale en Occident et dans les pays musulmans. L'ouvrage synthétique d'Olivier Roy, auteur contemporain, directeur de recherche au CNRS et directeur d'études associé à l'EHESS, s'inscrit dans une série de publications de l'auteur qui traitent de l'islamisme. Les titres de ses publications récentes comme La Sainte Ignorance. Le temps de la religion sans culture, Seuil, 2008 ; Le Croissant et le chaos, Hachette, 2007 ; La Laïcité face à l'islam, Stock, 2005, attestent de l'intérêt de l'auteur pour les régions du Moyen-Orient touchées par la question de l'islamisme. Pour ce faire, il a sillonné les pays en guerre ou touchés par l'existence de groupuscules islamistes (Afghanistan, Iran, pays de l'Ex-URSS, etc.). Ses études de terrain ont mis en évidence des phénomènes de radicalisation islamique. C'est dans ce cadre là que s'inscrit Généalogie de l'islamisme qui a paru en 1995. Plus récemment, il s'est également intéressé à l'évolution de l'Islam en Occident, de façon à adopter une approche globale des questions de l'islam contemporain.
L'ouvrage aborde différents aspects de l'islamisme actuel de manière suffisamment synthétique pour permettre de comprendre les multiples phénomènes à l'échelle nationale et à l'échelle mondiale. La dynamique de l'islamisme est replacée dans le contexte historique et politique de la deuxième moitié du XXe siècle. En outre, cette étude montre en parallèle les formes d'islamisme qui affectent les pays du Moyen-Orient et du Maghreb, et les communautés musulmanes en Europe. Cela met en évidence des problématiques nettement différentes qui s'inscrivent toutes deux dans un contexte mondialisé où les réseaux islamistes sont en contact. La réédition en 2011 de cet ouvrage déjà paru en 1995, atteste de l'efficacité des réponses apportées par le chercheur à la question islamiste.
La progression de l'ouvrage se fait en trois parties inégalement constituées. Le premier axe de l'ouvrage traite de la généalogie de l'islamisme à proprement parler, c'est-à-dire une réflexion sur les fondements religieux et politiques des mouvements islamistes et leur évolution dans leurs contextes nationaux depuis leur création jusqu'aux années 2000. Il s'agit de la partie la plus étoffée de l'ouvrage du fait de la complexité des mouvements islamistes dont la spécificité tient à la fois au contexte politique national et à des mouvances religieuses différentes (...)
[...] À la lecture de l'ouvrage, l'auteur surprend le lecteur en n'abordant pas de prime abord le mouvement Al Qaïda comme un mouvement menaçant pour l'Occident. Il présente ce mouvement comme une branche islamiste néo- fondamentaliste qui vise la ré-islamisation des musulmans, mais dont la pensée politique est peu développée et se résume à l'application des préceptes du Coran. Pour lui, Al Qaïda ne rentre pas dans la lutte contre l'Occident comme le propose les partisans du choc des civilisations avec Huntington, bien qu'il fasse référence à ce modèle-là à plusieurs références. En cela, il réussi à replacer Al Qaïda dans l'histoire de l'islamisme contemporain. [...]
[...] Il évoque notamment islamo- nationalisme qui allie mouvance islamiste et stratégie purement nationale, avec comme exemple emblématique le Hamas en Palestine. Dans le cadre de cet éclatement des mouvements islamistes au sein du monde musulman, le jeu géopolitique est un moyen pour certaines organisations ou certains états de disposer d'une influence. Une bonne part de la violence islamiste est liée aux conflits entre états et donc à la géostratégie du Moyen-Orient. Le cas iranien pendant la guerre avec l'Irak (1980-1988) est à ce titre particulièrement intéressant. [...]
[...] Pour l'auteur, l'opposition Iran-monde arabe sunnite constitue la clef de la stratégie iranienne au Moyen-Orient, d'où des stratégies géopolitiques de part et d'autre. Grâce à la Ligue islamique mondiale, l'Arabie saoudite dispose également d'un levier d'influence important à l'échelle mondiale. Cette organisation créée en 1962 par l'État saoudien, et dominée par les wahhabis, finance des projets d'enseignement, de recherche, de construction et de valorisation de l'islam sur la scène internationale. L'Arabie saoudite peut ainsi créer des réseaux de soutien à l'intérieur des pays musulmans et des pays occidentaux grâce aux communautés musulmanes qui y sont impliquées. [...]
[...] Du point de vue de la menace islamique, il ne s'agit pas d'une menace aussi prégnante qu'il y parait. Ainsi, au moment où les révolutions arabes se poursuivent encore au Proche-Orient et au Moyen-Orient et que l'accession de certains partis fondamentalistes traditionnels au pouvoir en Égypte, en Libye et en Tunisie est en train d'avoir lieu, la réédition et la mise à jour de la réflexion d'Olivier Roy permet de mieux cerner l'hérédité des courants islamistes en présence. L'élimination d'Oussama Ben Laden et la persistance de groupuscules islamiques se réclamant d'Al Qaïda au Maghreb atteste d'une évolution actuelle des mouvements néo-fondamentalistes, échec annoncé d'une partie de l'islamisme radical. [...]
[...] Le mouvement appelle à la guerre civile dans le cadre du djihâd et entraine de nombreux assassinats. L'auteur note que les acteurs de ces mouvements sont fortement marqués par la modernité apporté par l'Occident. Ils visent l'islamisation des sociétés musulmanes modernes. Ils souhaitent faire tabula rasa de la tradition islamique au profit d'un retour à un islam originel. Face à la modération des partis politiques fondamentalistes, des mouvements terroristes sont nés à l'image du GIA (Groupe Islamiste Armé). En dernier lieu viennent les mouvements néo-fondamentalistes des années 1990. Ils caractérisent la dernière mouvance islamiste en date. [...]
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