Le livre de Stephen Smith Négrologie, paru en 2003, s'inscrit dans la continuité de la position afro-pessimiste de René Dumont exposée en 1962 dans son ouvrage L'Afrique noire est mal partie. Le journaliste africaniste rappelle lui-même les thèses des principaux auteurs partageant son point de vue, en particulier celles d'Axelle Kabou (Et si l'Afrique refusait le développement ?, 1991) et de Jean-Paul Ngoupandé (L'Afrique sans la France, 2002).
Pourtant, sa position ne vise pas à s'inscrire dans « la volonté politique de continuer à considérer l'Afrique comme inférieure » mais tend à montrer que, 40 ans après la décolonisation, les sombres réalités de l'Afrique, rendues saillantes par l'abandon du continent depuis la fin de la Guerre froide, sont plus dues aux comportements des Africains eux-mêmes qu'à ceux, souvent dénoncés, des Occidentaux. Pour montrer que « l'Afrique meurt en grande partie parce qu'elle se suicide », Stephen Smith s'appuie sur de nombreux exemples détaillés et bien commentés et sur des chiffres parlants : malgré ses richesses, l'Afrique subsaharienne ne représente que 24% du PIB africain, et l'espérance de vie dans cette région a chuté à 38 ans en 2002.
En dix chapitres, l'auteur veut dénoncer une double hypocrisie : celle des Occidentaux qui, par culpabilité historique, désintérêt ou lassitude ne disent pas la vérité « aux Africains qu'ils savent condamnés », et celle des Africains « bien conscients de leurs limites, mais qui, juchés sur leur ‘dignité d'homme noir' (…), rejettent toute critique radicale ».
[...] Cependant, la réussite sud-africaine pourrait être fragilisée à l'avenir par la fuite des cerveaux des médecins formés entre 1990 et 1999 ont déjà quitté le pays) ; la pandémie du SIDA (aggravée par la campagne de désinformation du Président Thabo Mbeki) ; une croissance insuffisante pour résorber le chômage des populations noires peu qualifiées ; le niveau d'investissement insuffisant du PIB) ; l'absence de réforme agraire ; l'insécurité croissante ; ou encore la corruption locale. ( Ces difficultés attisent les tensions raciales, remettent au goût du jour l'africanité et font craindre à Stephen Smith un rapprochement de la situation en Afrique du Sud avec celle du Zimbabwe. II. Principaux points de critique 1. L'éclairage partiel d'une Afrique traitée trop globalement Bien que la thèse de S. Smith soit étayée d'exemples nombreux, ceux-ci restent, par définition, particuliers et ne peuvent rendre compte que partiellement de la situation en Afrique. [...]
[...] Smith souligne également le caractère factice de certaines ethnies, qui se créent tous les jours ( Pourtant, même artificielles, les ethnies menacent la stabilité de la région L'apocalypse au pluriel : la nouvelle religiosité en Afrique L'Afrique est une terre de pluralité religieuse, où les nombreuses religions islam, animisme, catholicisme et protestantisme se multiplient encore par le biais du syncrétisme. L'Afrique a connu à la fin de la Guerre froide un réveil spirituel marqué par l'essor des Eglises évangélistes américaines, d'autant mieux acceptées qu'elles suppléent l'Etat dans l'organisation des services publics, d'éducation et de santé en premier lieu. Selon S. Smith, l'affrontement entre les différentes Eglises s'est fait plus agressif depuis le 11 septembre, faisant une large place aux courants religieux identitaires (cf. [...]
[...] ( Le réveil spirituel africain a fait entrer la religion dans la vie politique et est devenu un facteur d'instabilité L'éthique des naufrageurs : état de la démocratie en Afrique sub- saharienne Pour S. Smith, à l'exception notable du Kenya qui a connu un miracle démocratique en décembre 2002, la démocratie n'a actuellement aucune base solide en Afrique. Dans les quelques pays ayant connu une alternance démocratique, les opposants devenus présidents ont déçu (l'Ougandais Yoweri Museveni entre autres). ( En réalité, les conditions de base de bon fonctionnement de la démocratie (alphabétisation, perception d'impôts, administration fonctionnelle) ne sont pas remplies Le cap des tempêtes : le miracle sud-africain menacé Le dernier chapitre de Négrologie est entièrement consacré au cas sud- africain. [...]
[...] ( Le fil commun de la débâcle est le repli sur une économie de rente, l'exploitation de pactoles naturels, sans souci de la valeur ajoutée par l'homme L'Etat phénix : défaillances et abus de l'Etat en Afrique Dans son troisième chapitre, Stephen Smith s'attaque à l'organisation étatique. En premier lieu, faute de moyens, les écoles, les prisons et les autres services publics ne sont plus pris en charge. De plus, les fonctionnaires ne reçoivent plus leur traitement, ce qui est un fort incitatif à un système de corruption généralisée. [...]
[...] Pour Smith, le désespoir des jeunes, qui forment près de la moitié de la population d'Afrique noire, nourrit tous les extrémismes. Un autre élément inquiétant est la très rapide croissance urbaine que connaît la région, dans laquelle les citadins sont majoritaires depuis 2003. Cette urbanisation s'est accompagnée d'une dégradation des conditions de vie (services publics à l'abandon, taudis, pollution, insalubrité). Enfin, l'auteur aborde le problème du SIDA : sur 40 millions de séropositifs millions sont africains. Sept pays de l'Afrique sub- saharienne[2] ont un taux de prévalence supérieur à 30%. [...]
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