Paul Valéry, 1931, Regards sur le monde actuel : le temps du monde fini commence. Le recensement général des ressources, la statistique de la main-d'œuvre et le développement des organes de relation se poursuivent. Une solidarité toute nouvelle, excessive et instantanée entre les régions et les événements se met en place.
Il recense 5 caractéristiques majeures de ce phénomène :
- Le recensement général des ressources : la mondialisation est un enfant de la science occidentale dont l'ambition est de soumettre la nature à l'homme posé comme tout-puissant. La Terre est appréhendée comme une totalité, sous surveillance permanente.
- Une terre habitable, reconnue, relevée et partagée : les terres émergées sont distribuées entre presque 200 pays et seule l'Antarctique échappe à toute possession et même les espaces maritimes et aériens n'échappent pas à ce mouvement, à cette dynamique d'emprise. Pourtant des zones d'anarchie émergent un peu partout.
- Un enchaînement des parties du globe : existence d'un système économique mondial, les flux explosent et sont multiformes et aucune partie de la terre n'y échappe.
- Mise en place d'une solidarité toute nouvelle, excessive et instantanée : l'intensification des échanges, la vitesse de diffusion des idées amènent les individus, les peuples à se comparer constamment les uns aux autres. Chaque histoire particulière est absorbée dans l'histoire mondiale. Jeux sans fin de comparaisons appellent des solidarités construites.
- Disparition des habitudes, ambitions, affections contractées au cours de l'histoire antérieure : la mondialisation n'abolit pas le passé, les vieilles querelles demeurent mais l'avènement de cet espace nouveau déprécie les antagonismes anciens : la confrontation des vérités humaines les dévalue en simples opinions. Toute la planète se trouve impliquée dans un seul et même jeu.
La mondialisation résulte de l'européanisation du monde, mais elle n'est porteuse d'aucun sens de l'histoire, elle est seulement explosion de flux. Face à cela les acteurs vont se trouver confrontés à des dilemmes classiques, d'où des conflits de mondialisation qui reformulent des conflits anciens et mettent en scène les contradictions de l'humanité prise dans un destin concret commun. La mondialisation appelle la quête de normes universelles.
[...] A ce sujet, voir un ouvrage du même auteur, des droits d'ingérence. Voir à ce propos Finkielkraut et sa défaite de la pensée : un Shakespeare vaut une paire de bottes. C'est l'antagonisme permanent entre le particulier et l'universel. Les accords de Kyoto en sont particulièrement révélateurs. Semble est le mot juste : le conflit autour de l'Antarctique qui se joue aujourd'hui illustre bien les appétits de conquête jamais oubliés de l'humanité. Les Etats-Unis. Qu'est ce qu'un homme ? Les femmes et enfants sont-ils concernés ? [...]
[...] Mais aujourd'hui la mondialisation pousse l'humanité à se percevoir comme une totalité ayant pour priorité d'assurer sa survie. De plus, l'ère des conquêtes territoriales semble terminer[21]. Dans le monde interdépendant d'aujourd'hui la sécurité et la puissance résident dans la manipulation subtile des flux, la force n'est plus un vecteur de puissance. La mondialisation, en désenchantant le monde, en mettant toutes les croyances en concurrence, en instaurant un marché planétaire des valeurs, diffuserait un relativisme universel dissolvant toutes les sources d'intolérance. [...]
[...] L'apatride, figure clé de la mondialisation. C'est la nationalité qui donne le droit d'avoir des droits Sans ce lien avec un Etat, l'individu n'a pas de droits ni d'identité, il ne peut rien exiger, il n'a pas de protecteur. Cette figure serait emblématique du XXe siècle. Les entreprises L'internationalisation des entreprises est aussi ancienne que l'échange, et la mondialisation approfondit cette internationalisation. L'avènement d'un espace mondial de compétition. Toute grande entreprise est obligée de raisonner à partir de la demande et de l'offre mondiale, de leurs perspectives d'évolution. [...]
[...] Son levier est un développement économique commun qui produira un avenir commun. C'est la philosophie de la construction européenne. - Hypothèse pluriséculaire qui considère que toute sécurité exige une population homogène sur un territoire homogène : c'est l'idée directrice de la purification ethnique. Pour ceux qui se sentent menacés dans leur identité, la constitution d'une forteresse fondée sur un critère ethnique ou racial pourrait être la solution. La mondialisation, si elle déstabilise toute exceptionnalité, n'efface pas les anomalies, les déséquilibres historiques. [...]
[...] La mondialisation peut-elle dissoudre les entités pluriséculaires ? La Chine actuelle garde ses contradictions multiséculaires : elle s'insère dans les circuits mondiaux comme personne, mais d'un autre côté elle ne perd rien de sa susceptibilité. Elle reste une grande puissance n'oubliant rien de son humiliation passée et attendant une reconnaissance éclatante. La Russie est aussi un pays unique : une histoire marquée par le malheur, mais aujourd'hui n'est plus qu'une nation pauvre qui doit devenir comme les autres La question se pose de savoir si elle en a la capacité. [...]
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