La fin de la guerre froide ne marque pas seulement une rupture avec le communisme mais l'épuisement d'un monde : celui des Lumières. Cet épuisement est à l'origine d'une « crise mondiale du sens », c'est-à-dire pour les acteurs du nouvel ordre mondial, du démantèlement des repères idéologiques. Les trois principes constitutifs du sens (fondement, unité, finalité) ont cessé de définir la dynamique de la puissance des acteurs du monde de l'après guerre froide. Depuis la chute du mur de Berlin il n'y a en effet plus de projet collectif susceptible de fonder la puissance. Il n'y a plus de rassemblement autour d'« images du monde » (p.15) intégrées dans un schéma cohérent capable de conférer une unité à la puissance. Enfin, la puissance apparaît dépourvue de finalité, elle ne prétend plus projeter la société vers un avenir réputé meilleur. La démocratie de marché semble triompher et devenir le seul modèle de société susceptible de combler les besoins des individus. Ainsi, apparaît-elle de plus en plus puissante mais se montre cependant incapable de faire sens au regard de l'intensité idéologique qui animait les acteurs du monde depuis l'avènement des Lumières. Le divorce entre sens et puissance, explique Zaki Laïdi, est le résultat du décalage entre la rupture historique que fut la guerre froide et notre difficulté à l'interpréter. C'est sur cette difficulté d'interprétation de la réalité géopolitique du monde de l'après guerre froide que se penche Zaki Laïdi dans ce livre.
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[...] Laïdi insiste sur le cas turc qui pose de nombreux problèmes. En effet, sur le plan purement géographique, l'adhésion de la Turquie à l'Union serait une aberration puisqu'elle ne constitue qu'une partie très marginale de l'Europe. Si Laïdi conçoit que les motifs culturels invoqués par certains pour refuser à la Turquie une adhésion à l'Union européenne ne suffisent pas, il note cependant que ces motifs existent et qu'il faut les prendre en compte, sans nécessairement faire de l'Europe le club chrétien tant redouté. [...]
[...] Comment en effet évoquer un déclin des Etats-Unis, alors que ceux-ci sont le sujet de l'admiration du monde, comme le seul modèle triomphant ? Ce triomphe des Etats-Unis suite à la guerre froide fit surgir la thèse du monde unipolaire Pourtant, ni celle-ci ni celle du déclin n'est satisfaisante en ne permet de bien comprendre la place occupée aujourd'hui par les Etats-Unis dans le monde. Ces deux approches recèlent des éléments de vérité mais demeurent incomplète pour expliciter certains points. [...]
[...] Dans la monde de l'après guerre froide, le problème central de la guerre se posera moins en termes d'intensité que d'identité. Autrement dit, l'enjeu est moins de se demander si nous allons vers un monde plus pacifié ou plus conflictuel que de pouvoir donner une signification, un sens à l'enchevêtrement d'espaces de guerre et d'espaces pacifiés. (p.150). Theses De L'auteur Thèse principale : Le monde de l'après guerre froide est un monde privé de sens. Des puissances (économiques et militaires) s'affirment sans rencontrer d'obstacles à l'échelle globale du monde mais sont incapables de fournir aux individus et aux nations un projet auquel s'identifier, de donner un sens à leur devenir. [...]
[...] - Le nationalisme européen empruntait très clairement à l'idéologie des Lumières ; il se situait dans un temps mondial dont les deux rameaux étaient le libéralisme et la socialisme. Il aspirait à se libérer de la tutelle des Empires, en s'intégrant à une aspiration universelle Aujourd'hui, la problématique paraît fort différente, malgré la similitude apparente des formes. Car si cette demande identitaire revêt un caractère mondial, elle est loin de revêtir un sens universaliste. Le nationalisme se veut autojustificateur et antitéléologique. [...]
[...] La logique de l'Histoire est binaire. Zaki Laïdi cite Henri-Irénée Marrou : deux thèmes concurrents s'y superposent à chaque instant, s'y entrecroisent, s'y opposent : oui, il y a bien la cité de Dieu qui se construit peu à peu ( . ) mais son progrès se réalise à travers mille luttes, persécutions, difficultés sans nombre. (p.50). Les lumières ont rajouté à cette logique binaire le principe de cohérence, de totalisation de la réalité et du sens. La guerre froide s'inscrit dans la continuité des Lumières en ce qu'en tant que première et seule polarisation de l'Histoire moderne, elle a sédimenté cette double logique en déplaçant la dynamique du conflit dans le champs des rapports entre Etats (p.50). [...]
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