Au sein du large éventail d'approches épistémologiques qui couvrent l'étude de la « frontière », le livre de Michel Foucher présente une des perspectives d'analyses qui peuvent être envisagées. Comment penser les frontières en cette fin de XXème siècle ? L'auteur se propose de faire avancer le débat sur ce sujet et surtout sur les problèmes méthodologiques qui en découlent. On peut considérer la démarche de Michel Foucher comme pluridisciplinaire ou au carrefour de plusieurs paradigmes. La frontière considérée comme limite politique signifiante qui s'inscrit dans un processus à long terme de territorialisation, laisse à penser que l'auteur ancre d'abord l'analyse dans une perspective historique. Ce qui ne l'empêche pas de recourir conjointement à la géographie, pour laquelle le tracé est un concept central. Partant en effet du constat que la notion et le fonctionnement de la frontière, sont à réévaluer, il en déduit une implication directe sur le rapport au territoire lui-même. Enfin, puisque l'intérêt de l'étude est la compréhension des mécanismes et manières dont se gèrent, au niveau du politique, les discontinuités spatiales qu'instituent ces délimitations et leurs changements. Et que, parallèlement la frontière peut se révéler être un outil dont le pouvoir se servirait dans le but de s'affirmer et de se distinguer des autres entités territoriales, on comprend que l'auteur s'inscrive tout naturellement dans une démarche géopolitique, c'est-à-dire « une prise en compte politique de l'espace » , si l'on considère par politique tout ce qui « concourt à structurer une société ». « Fronts et Frontières », qui se revendique comme « le traité de géopolitique appliqué à l'objet où s'articule le politique et le spatial. » entremêle plusieurs axes de réflexion au travers du prisme de ces trois disciplines.
[...] Michel Foucher, Fronts et Frontières ; un tour du monde géopolitique SOMMAIRE Introduction a. Une analyse géopolitique de la frontière : les difficultés épistémologiques d'une approche pluridisciplinaire b. Des redéfinitions frontalières localisées inscrites dans des processus conjoncturels internationaux Conclusion Bibliographie Introduction Alors que l'ordre politico-territorial se trouvait, dans la deuxième partie du XXème siècle, sclérosé par un contexte de guerre froide, on assiste depuis quelques décennies à des mouvements parallèles d'apparition et de dévaluation des frontières, observables à différentes échelles. [...]
[...] Des groupes politico-ethniques différenciés se sont trouvés rassemblés ou à l'inverse, séparés au sein de mêmes ensembles sans aucune cohésion interne préalable. L'accès des uns et des autres aux ressources territoriales et à la modernisation structurelle s'est faite de manière arbitraire et inégale. Au jour de l'indépendance, les dirigeants de ces nouveaux Etats devaient dès lors faire d'une part coïncider leur souveraineté à une nouvelle carte du territoire et par ailleurs consolider un sentiment d'appartenance commune rattachée à ce nouvel espace. [...]
[...] Depuis la deuxième moitié du siècle le contexte géopolitique est aux remaniements de frontières mais la période à laquelle l'ouvrage est publié, est d'une relative stabilité territoriale. Lorsque la première édition paraît en 1988, elle se positionne à contre-courant des préoccupations géopolitiques contemporaines pour lesquelles la question des frontières n'est plus d'actualité, gommée de la vie politique durant toute la Guerre Froide et la longue domination des deux pouvoirs hégémoniques, les États- Unis et l'URSS. Une grande part des frontières, surtout européennes, demeure stable de la fin des années 1960 aux années 1980 et ce, jusqu'au cataclysme politique de 1989 et ses conséquences, qui ont amené au découpage de 10 800km de nouvelles frontières internationales en Europe centrale et de l'Est. [...]
[...] Si ce paradigme, autrement dit cette façon de penser, fut pertinent pour comprendre le monde d'une grande partie du XXème siècle, il doit aujourd'hui saisir les évolutions du monde en cours, tant dans l'immédiateté des changements actuels que dans la perspective du temps long. Les constructions territoriales n'ont pas seulement des limites spatiales, elles ont une durée et passent par des stades différents et successifs d'émergence, de consolidation, de maturité, de crise, de sénescence, voire de disparition. La géo-histoire constitue une perspective essentielle de la géographie humaine initiée par Fernand Braudel[12] et surtout de la géopolitique. [...]
[...] Tous les bouleversements sont porteurs de nouvelles opportunités mais aussi de nouveaux problèmes. Aux certitudes géopolitiques de la Guerre Froide succédait toute une série d'incertitudes et de questions. Qu'en serait-il des kilomètres de frontières en Europe centrale et en Europe de l'Est? Qu'adviendrait-il à tous les futurs et nouveaux Etats indépendants ? La résurgence de nationalismes exclusifs aurait-elle des conséquences incontrôlables et modifierait-elle le tracé de ces frontières ? Était-il souhaitable de maintenir la politique d'État tampon entre l'Union européenne et les régions instables à l'Est ? [...]
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