Inspirateur de l'extrême-gauche italienne pendant les années 70, Antonio Negri était réfugié en France pendant 14 ans, enseignant à Paris, avant de rentrer volontairement en Italie, où il avait été condamné pour « insurrection armée contre l'Etat » au motif de son implication présumée dans l'action des Brigades Rouges. C'est en prison qu'il a achevé de rédiger l'ouvrage. Acquitté, il continue d'être assigné à résidence. Professeur de littérature à Duke University (Caroline du Nord), Michael Hardt, né en 1960, avait rencontré Antonio Negri à Paris au milieu des années 80 et rédigé sous sa direction une thèse sur l'Italie des années 70. Salué comme une réécriture contemporaine du « manifeste communiste », l'ouvrage a suscité un vif débat aux Etats-Unis et, traduit en une dizaine de langues, dans le monde. Les deux auteurs proposent une lecture marxiste de la mondialisation, fondée sur une nouvelle distribution de la puissance, qui se définit davantage par un processus que par une notion d'état abouti.
[...] Des fonctions qui paraissent relever de la prérogative de l'Etat souverain, comme la gestion de la communication, le système éducatif ou la régulation de la culture se dissolvent dans l'éther La communication illustre à l'extrême la disjonction entre un ordre et un espace : son espace, ainsi, est totalement déterritorialisé et son ordre est celui de la production capitaliste, en un domaine où le capitalisme a réussi à soumettre la société entièrement et totalement à son régime, supprimant tous les chemins alternatifs Pour chacun de ces instruments, il apparaît que les rênes sont tenues par les Etats-Unis, en trois centres de pouvoir distincts : Washington, New York, et Los Angeles. Mais Hardt et Negri mettent en garde contre toute idée de définition territoriale de l'espace impérial, continuellement déstabilisé par la flexibilité et la mobilité à l'œuvre au cœur de l'appareil impérial. V. [...]
[...] Sur le plan économique, le marché mondial s'est organisé, détruisant les frontières fixées et les procédures hiérarchiques des impérialismes européens Sur le plan politique, l'achèvement du processus de décolonisation a marqué le point d'arrivée d'une nouvelle hiérarchie des relations de domination - dont toutes les clefs sont fermement tenues dans les mains des Etats- Unis Et c'est la Guerre du Golfe qui aura été la première mise à l'épreuve de ce nouveau schéma, en érigeant les Etats-Unis en seule puissance capable d'administrer la justice internationale, non pas en fonction de ses propres mobiles nationaux, mais au nom du droit mondial Concluant leur raisonnement, Hardt et Negri font observer que la légitimation de l'ordre impérial ne peut être fondée sur la seule existence d'une sanction juridique et de la puissance militaire nécessaire pour la mettre en œuvre. Elle doit être générée par la production de normes juridiques internationales qui habilitent durablement l'acteur hégémonique : c'est ainsi que les Etats-Unis ont été invités à intervenir dans tous les conflits régionaux des années 90[1]. IV. [...]
[...] Il est, pour remplir cette fonction, placé sous l'autorité d'un chef unique, doté des pouvoirs nécessaires pour mener, si besoin est, des guerres justes aux frontières contre les Barbares et réduire les séditions internes. C'est cette unité que l'Europe de la Renaissance et du triomphe du sécularisme a rompue en développant les concepts de l'ordre par le droit (thèses de Grotius, Puffendorf . ) et de l'ordre par la raison - avec les utopies de paix perpétuelle Cette division a traversé toute l'histoire de la modernité européenne, illustrée notamment par les deux idéologies de sa phase de maturité : le libéralisme et le socialisme. [...]
[...] le troisième niveau est le plus large et le plus nombreux, représentant les intérêts du peuple dans l'ordre impérial. Cette fonction de représentation est assurée par un ensemble hétérogène formé de : ces mêmes Etats-nations subordonnés du niveau précédent lorsqu'il remplissent un rôle tribunitien symbolique à la tribune des Nations Unies ; des organisations indépendantes, en théorie du moins, des gouvernements et du capital, qui constituent la société civile mondiale : médias, institutions religieuses et ONG, en particulier ces ONG qui, comme Amnesty International, Oxfam ou Médecins sans Frontières, représentent ceux qui ne peuvent se représenter eux-mêmes Cette distribution des pouvoirs et des responsabilités correspond, observent Hardt et Negri, à celle que l'historien Polybe définissait comme les trois bonnes formes d'exercice du pouvoir, dont l'Empire romain était la synthèse aboutie : la monarchie, incarnée par l'empereur (le premier niveau, celui du commandement dans l'« Empire contemporain), l'aristocratie, représentée dans le Sénat impérial (les multinationales aujourd'hui), et la démocratie, confiée aux comitiae populaires (le troisième niveau de la pyramide). [...]
[...] Michael Hardt, Antonio Negri, Empire, Harvard University Press Traduit en français sous le même titre aux éditions Exils Les auteurs : Inspirateur de l'extrême-gauche italienne pendant les années 70, Antonio Negri était réfugié en France pendant 14 ans, enseignant à Paris, avant de rentrer volontairement en Italie, où il avait été condamné pour insurrection armée contre l'Etat au motif de son implication présumée dans l'action des Brigades Rouges. C'est en prison qu'il a achevé de rédiger l'ouvrage. Acquitté, il continue d'être assigné à résidence. Professeur de littérature à Duke University (Caroline du Nord), Michael Hardt, né en 1960, avait rencontré Antonio Negri à Paris au milieu des années 80 et rédigé sous sa direction une thèse sur l'Italie des années 70. Salué comme une réécriture contemporaine du manifeste communiste l'ouvrage a suscité un vif débat aux Etats-Unis et, traduit en une dizaine de langues, dans le monde. [...]
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