L'Occident de l'après-11 septembre 2001 se caractérise par sa défiance envers les courants de l'islam radical ; l'islamisme est considéré comme le nouvel ennemi. Parmi les faucons et ceux qui alimentent l'inimitié envers l'islamisme, l'amalgame est courant, et le manque d'information fait que tout redéploiement du religieux dans le monde musulman est assimilé à une poussée islamiste. Paru en 2005, l'ouvrage du chercheur suisse Patrick Haenni va à l'encontre de ce courant de simplification de l'islam.
Selon Patrick Haenni, s'il y a bien réislamisation, c'est à dire « accentuation de la pratique religieuse et de sa visibilité publique dans le monde musulman », processus qui peut être issu de l'islamisme et qui y est superficiellement assimilable, ici ce n'est plus le cas. Non seulement l'islamisme a perdu le contrôle, la conduite de la réislamisation au profit de nouveaux prédicateurs modernes. D'autre part, au sein même du mouvement, il subit de nombreuses remises en question et un essoufflement global.
[...] Ils se réalisent individuellement, et favorisent l'action guidée, conseillée par l'islam le prédicateur saoudien Amr Khaled cite le Prophète qui dit la religion c'est le conseil et l'interprète en ajoutant que le conseil, c'est être positif - et l'effet d'entraînement sur les autres musulmans par rapport à l'autorité et aux larges structures collectives et rigides qui caractérisent les mouvances islamistes. Cet islam par projet a vocation à remplacer les aides sociales laïques du welfare state européen, à le dégraisser, exactement come la faith based initiative dans l'Amérique de George W. Bush qui vise à ouvrir le secteur des services sociaux aux opérateurs religieux en l'occurrence, les armées de la compassion chrétiennes. [...]
[...] Dans le quatrième chapitre, Patrick Haenni va tirer les conséquences de la modification du biais de diffusion du message de l'islam et du message islamique lui-même, pour montrer que malgré la volonté initiale des prédicateurs de l'islam de marché de ne pas se déployer sur le champ politique, ils s'y déploient immanquablement, dans une configuration qui fait d'eux les nouveaux fossoyeurs de l'État providence. De fait, l'islam de marché, en tant qu'éthique individuelle, apolitique et religion de l'achievement, ne peut en fait se déployer, à la manière des Américains dont il s'inspire, quand dans un cadre étatique particulier : la démocratie libérale politiquement et économiquement néolibérale. [...]
[...] Le marché permet de diffuser cette nouvelle religiosité et de l'adapter au monde musulman, telle une relation d'ajustement entre offre et demande. Les mécanismes sont expliqués dans le deuxième chapitre, appelé La religiosité portée par le marché. L'islam est pensé comme un produit à destination de consommateurs : il se diffuse par des talk-shows moralisateurs, des spots antidrogues, des sites internet ou encore des réseaux sociaux, comme 20at, qui proposent des réflexions islamistes, des cassettes ludiques à destination des enfants. [...]
[...] L'islam se diffuse désormais comme une éthique sanctifiée, comme outil de réussite dans le commerce, mais aussi dans les relations sociales. Pourtant, et ici apparaissent les premières contradictions de l'islam de marché, cette éthique est le ciment qui crée une identité commune islamique, une nouvelle Muslim pride qui s'affirme dans le domaine économique, mais qui n'est pas entièrement dépourvue d'un message politique fort : comme le dit Patrick Haenni, l'éthique est du politique en mode mineur Si le chapitre II se focalise sur les canaux, sur les mécanismes du marché sur lesquels s'appuie la diffusion de l'islam, le chapitre III intitulé le Kulturkampf de l'islam de marché va s'appliquer à déterminer de quelle façon le choix du marché, c'est-à-dire le contenant, a modifié le message, c'est-à-dire le contenu par exemple, le dogmatisme des Frères musulmans répondait aux exigences d'un islam s'exprimant par le biais du politique. [...]
[...] Conclusion La conclusion que tire Haenni de la thèse d'islam de marché, c'est l'imminence d'un rapprochement entre lui et l'Amérique chrétienne conservatrice, et la création d'un Axe de la vertu, qui s'accorderait sur «État minimum le conservatisme et l'autonomie dans la société issue de la morale religieuse, la prééminence du conseil sur l'autorité et qui s'appuie sur les bourgeoisies. Ce rapprochement se vérifie déjà, par exemple avec le front que constituent ensemble musulmans et chrétiens aux Etats-Unis contre l'avortement ou le droit des homosexuels. [...]
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