Des hommes d'influences. Les ambassadeurs de Staline en Europe, 1930-1939, Sabine Dullin, Payot, Paris, 2001, 383 p.
Sur la base d'archives inédites, l'auteur, Sabine Dullin se propose d'étudier dans son ouvrage intitulé Des hommes d'influences. Les ambassadeurs de Staline en Europe, 1930-1939 un sujet laissé longtemps à l'écart par les historiens spécialistes de l'URSS : la diplomatie de l'Union soviétique et le rôle joué par les ambassadeurs dans les années 1930, mais également l'influence de la construction du système stalinien sur la politique extérieure de l'URSS.
En effet, s'écartant des lectures dominantes de la politique extérieure soviétique reposant sur une logique essentiellement idéologique, l'auteur, en alternant récits historiques et approches biographiques, notamment celle de Maxime Litvinov, qui a été commissaire du peuple aux Affaires étrangères de 1930 jusqu'à son éviction en mai 1939, nous présente une lecture précise et détaillée de la diplomatie de l'Union soviétique et nous fait vivre de l'intérieur l'activité de ses ambassadeurs.
Bien loin des propos de Léon Trotski, qui disait en arrivant au commissariat du peuple aux affaires étrangères au moment de la révolution d'Octobre « sa tâche de courte durée [argumentant] qu'il suffisait de publier les traités secrets du gouvernement tsariste et de « fermer boutique », la nouvelle Russie bolchévique n'ayant que faire d'un instrument de coexistence avec les autres Etats alors que la Révolution devait embraser l'Europe et l'Asie », les diplomates soviétiques ont été au contraire très actifs et leur rôle est devenu très vite prépondérant pour une Union Soviétique « aux prises avec un environnement hostile » et en quête de reconnaissance et de légitimation sur la scène internationale.
Aussi, qui sont ces diplomates ? Dans quel environnement évoluent-ils ? Comment peut-on caractériser la politique extérieure de l'Union soviétique des années 1930 ? Quelle est la marge de manœuvre des diplomates ? Quelles sont les conséquences de la Grande Terreur et du processus d'hyperconcentration autour de Staline et de son entourage proche sur l'activité des diplomates ?
Autant de questions auxquelles se propose de répondre Sabine Dullin et qu'il convient également d'aborder en proposant une analyse thématique de cet ouvrage. En effet, il conviendra tout d'abord de faire connaissance avec les diplomates de Staline en Europe et avec leur environnement (I), puis de se concentrer plus en détail sur l'activité diplomatique proprement dite. Cette activité diplomatique connaît un tournant majeur dans les années 1937-1939. En effet, d'une diplomatie active et habilement menée, rencontrant certains succès, sous l'impulsion de Maxime Litvinov (II) on assiste, des suites du renforcement de la dynamique de concentration autour du Kremlin et au prix d'une épuration massive, à une marginalisation et à une perte de manœuvre des diplomates (III).
[...] C'est surtout avec la définition de l'agresseur, proposée à la conférence du désarmement en février 1933, que l'URSS rencontre son plus grand succès diplomatique révélateur de l'évolution de sa diplomatie dans la mesure où ce fut la première fois qu'une proposition soviétique était discutée et utilisée dans le cadre d'une conférence internationale. Ce succès imprimera [en outre] pour quelques années marque [de Litvinov] dans le style diplomatique de l'Union soviétique[46]. Véritable entorse à la politique officielle, cette définition propose une mesure juridique visant à renforcer la sécurité collective Elle sera approuvée par la France qui dès lors se rapproche de l'URSS. [...]
[...] p P.55 Léon Trotsky, Œuvres, Paris, EDI tome 12, p. 107-109, référence reprise in Des hommes d'influences. Les ambassadeurs de Staline en Europe, 1930-1939, Sabine Dullin, ibid., p P Litvinov était commissaire adjoint aux affaires étrangères depuis 1918, ibid. p Ibid., p Ibid., p Ibid., p Pp. 59-60 Litvinov fût arête à Kiev en 1901, puis emprisonné, ibid p.58 P P P.61 Elzbieta Ettinger Comrade and Lover. Rosa Luxemburg's letters to Leo Jogishes, Cambridge p référence reprise in Des hommes d'influences. [...]
[...] En outre, Staline et son groupe perçoivent de nouveau l'isolationnisme comme un moyen plus judicieux que la sécurité collective de rester en dehors de la guerre Aussi on assiste à un repli de l'URSS sur elle-même. En outre, Molotov s'emploie à améliorer les relations de l'URSS avec l'Allemagne. De nombreux gestes vont en effet en ce sens, et aboutiront à la signature du pacte germano-soviétique. L'éviction de Litvinov de la diplomatie soviétique marque la fin d'une ère, celle d'une diplomatie d'ouverture et de consensus. L'union- soviétique se caractérisera désormais par une diplomatie hyperconcentrée aux mains de Staline et son groupe et sera marquée par un retour à l'isolationnisme. [...]
[...] Aussi, c'est surtout à Genève et au sein de la SDN que ce joue cette politique d'image positive Malgré la difficulté de la tâche, le pari qui était de séduire et de convaincre de leur bonne foi, fut en partie gagné, les représentants soviétiques réussissant à acquérir au sein de la SDN un certain crédit et à en tirer profit En effet, sur plusieurs dossiers, la SDN donne publiquement raison à l'URSS comme ce fut le cas par exemple dans le domaine de la gestion des réfugiés.[59] Aussi, la politique de l'Union soviétique s'avère dans les années 1930 particulièrement active. Connaissant même de nombreux succès en début de décennie. Cependant, les purges et la concentration du pouvoir autour de Staline marqueront un point d'arrêt à cette évolution. [...]
[...] En effet, tout comme Litvinov, ils s'affirment plus diplomates que révolutionnaires et plus occidentalisés que soviétiques D'après les données fournies par l'auteur, on observe que ces diplomates sont assez jeunes, les 35-45 dominant, et cosmopolites les Russes étant à peine majoritaires. On remarque que la part de juifs est très importante[26]. Ces diplomates ont en outre un niveau culturel élevé. Toujours d'après les données de Sabine Dullin, en du personnel possède un diplôme supérieur.[27] De plus, ils ont souvent suivi leur formation ou ont vécu à l'étranger, tout comme Litvinov. [...]
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