Résumé et commentaires
Très proche de l'exécutif américain, ancien conseiller à la sécurité de la présidence des Etats-Unis, expert fort écouté du Center for Strategic and International Studies, membre du très influent Counsil on Foreign Relations, Zbigniew Brzezinski est loin d'être un personnage de second rang. Quelques années après le médiatique « Clash of civilisations » de Samuel P. Huntington, où développant le concept d'Occident cet auteur désignait les adversaires des Etats-Unis et l'importance du bloc islamo-confuséen, et où le paradigme de l'après guerre froide devenait le choc des civilisations, Brzezinski faisait paraître The grand chessboard. Cet ouvrage est un examen sérieux de géopolitique mondiale, et trace les objectifs stratégiques des Etats-Unis pour les prochaines décennies.
Dès l'introduction, nous sommes renseignés sur la portée de l'ouvrage ; il ne s'agit pas d'un énième travail de géostratégie présentant les forces, les interactions, les évolutions, les constantes du monde contemporain, mais bien d'une vision de géostratégie s'inscrivant dans une eschatologie terrifiante. Le but est clair : asseoir et renforcer le rôle dominant des Etats-Unis comme première puissance mondiale ; pour cela, nous dit Brzezinski, il faut à tout prix empêcher l'émergence d'une puissance sur le continent eurasien capable de rivaliser avec les Etats-Unis. En effet, nous dit-il, celui qui tiendrait ce continent serait le maître du monde ; Hitler et Staline, qui l'avaient compris, s'y sont d'ailleurs essayés dans le passé mais sans succès. Les Etats-Unis doivent veiller au respect légitime de la primauté américaine sur cette Eurasie, car ses objectifs sont « généreux ». Ainsi, dans cette logique implacable, défier l'Amérique serait agir contre « les intérêts fondamentaux de l'humanité ». Tout est dit.
Dans le premier chapitre, nous est brossé le tableau de l'évolution de la puissance américaine depuis 1898 (guerre contre l'Espagne) jusqu'à son état actuel de première puissance mondiale. Nous y voyons cette attitude anti-européenne constitutive de la création des Etats-Unis : cette Europe aux « privilèges archaïques et aux hiérarchies sociales rigides ». La première irruption des Etats-Unis dans la géopolitique européenne n'est pas abordée du point de vue de ses portées réelles, meurtrières (les quatorze points de Wilson portant en germe les conflits européens à venir), mais sous l'angle du formidable idéalisme américain allié à une puissance militaire, économique sans précédent qui font que ses principes sont pris en compte dans la recherche de solutions aux problèmes européens ; le nouvel acteur de l'arène internationale fait valoir sa vision du monde.
[...] La Chine, puissance régionale importante, a des ambitions élevées : la Grande Chine. Le Japon, puissance internationale de premier ordre mais qui ne souhaite pas s'impliquer dans la politique continentale en Asie. Maintenir les relations avec le Japon est un impératif pour les Etats-Unis, ne serait-ce que pour maintenir la stabilité régionale. L'Inde, qui se définit comme un rival de la Chine, est le seul pôle de pouvoir régional en Asie du Sud ; cependant ce pays n'est pas gênant pour l'Amérique car il ne contrarie pas les intérêts américains en Eurasie. [...]
[...] Le défi du fondamentalisme islamique quant à lui n'est guère stratégique ; ce qui expliquerait l'attitude ambiguë des USA à l'égard de celui-ci. L'Islam n'a pas Etat-phare dirait Huntington. La Chine pour sa part évolue, mais l'incertitude demeure quant à sa démocratisation. Brzezinski note que dans le cas de l'émergence d'une grande Chine le Japon resterait passif ; cette neutralité cause quelques craintes aux Etats- Unis. De plus, les Etats-Unis doivent se prémunir contre l'éventualité d'un développement de l'axe sino-japonais. [...]
[...] La partie n'est pas gagnée d'avance en extrême orient pour les Etats-Unis, concède Brzezinski, car la création d'une tête de pont démocratique est loin d'être imminente ( ) contrairement à ce qui s'est passé en Europe On note la prudence des Etats-Unis vis à vis de la Chine : il est préférable de la traiter comme un acteur crucial sur l'échiquier mondial et la faire participer au G7, lui donnant accordant ainsi du crédit et satisfaisant son orgueil. Les USA doivent également se montrer conciliant sur certaines questions, tout en restant ferme sur d'autres poursuit Brzezinski. Et revenant sur le problème de Taiwan, nous apprenons que les Etats-Unis interviendraient pour défendre non pas l'indépendance de Taiwan, mais leurs propres intérêts géopolitiques dans la région Asie-Pacifique ; voilà qui est clair. [...]
[...] L'auteur fournit une réponse américaine aux questions russes ; l'Amérique se préoccupe de savoir ce qu'est la Russie, et ce que doivent être ses missions ainsi que son territoire légitime Mais la raison essentielle qui fait le regard critique, systématique américain vis à vis de la Russie est qu'elle a une identité eurasienne une personnalité eurasienne ce que les Etats-Unis n'ont pas par nature. Et si les Etats-Unis soutiennent l'Ukraine c'est que sans ce dernier, aucune restauration impériale n'est possible pour la Russie. C'est l'application de la technique du roll back celle du refoulement de la Russie vers l'Asie. [...]
[...] Il lui faut impérativement prévenir toute émergence de rivaux, maintenir le statu quo ; ceci au nom du bien être de l'humanité, bien entendu. De nouveau, dans le second chapitre, et avec la même logique utilisé par l'auteur dans l'introduction, on apprend que le maintien de la prééminence des Etats-Unis dans le monde va de pair avec la paix dans le monde. L'enjeu est l'Eurasie, nous dit Brzezinski ; C'est l'Eurasie qui est l'échiquier c'est là que se déroule le jeu pour la domination mondiale. Apparaît alors la phobie des Etats-Unis : une éventuelle unité politique de l'Eurasie. [...]
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