Le 19 novembre 2008 sur le blog acturca.worldpress, Mohammad-Reza Djalili affirme, à propos de l'alliance des civilisations, organisation créée à l'initiative de l'Espagne et de la Turquie au lendemain des attentats du 11 mars 2004 : «(Cette organisation) part de l'idée contestable que les civilisations seraient des blocs fermés délimités par des frontières plus ou moins claires. C'est un postulat difficilement acceptable face à la réalité d'un monde globalisé où tout se métisse. Une civilisation s'est toujours définie par ses échanges, ses interactions avec d'autres cultures. En fin de compte, le point de départ de l'Alliance des civilisations est le même que celui de la théorie de Samuel Huntington sur le choc des civilisations. Le risque, c'est que ce discours soit récupéré par des mouvances fondamentalistes ».
À travers cette citation apparaît la profonde volonté d'apaisement et de conciliation dont fait preuve ce professeur à l'Institut universel de hautes études internationales de Genève, face à la célèbre théorie du choc des civilisations de Samuel Huntington, qui a gagné en audience depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Dans l'ouvrage "Géopolitique de l'Iran", écrit par cet universitaire également co-auteur avec Philippe Braillard d'un Que sais-je sur les relations internationales, ce qui frappe est précisément le peu de cas fait à la géopolitique à proprement parler : sur 130 pages et 5 chapitres, 23 seulement sont consacrées à la « politique extérieure de l'Iran ».
On peut donc se demander en quoi cet ouvrage se présente comme une critique de la République islamique d'un point de vue national et géopolitique.
[...] Quelques années plus tard, l'appel au meurtre de Salman Rushdie, accusé de blasphème après la publication de ses Versets sataniques, a rappelé au monde l'extrémisme du régime iranien et a renforcé sa marginalisation. On peut enfin évoquer les prises d'otage au Liban, les attentats terroristes en Europe, les assassinats de réfugiés politiques iraniens sur le sol européen et toutes les violations des droits de l'homme comme autant d'actes conduisant à une solitude diplomatique de l'Iran sur la scène internationale. La politique de dialogue constructif de Khatami a cependant contribué à un rapprochement avec les pays européens, avec, ce qui est une première, des voyages officiels dans les grands pays européens. [...]
[...] La géopolitique laisse ainsi largement la place à une dimension plus irano-centrée et à une critique de la République islamique. On peut donc se demander en quoi cet ouvrage se présente comme une critique de la République islamique d'un point de vue national et géopolitique. On verra donc d'abord à quel point ce livre se caractérise par la volonté de donner une image avantageuse de l'Iran, détériorée par l'extrémisme de la République islamique de Khomeyni, en évoquant notamment la singularité attachante de ce pays et en présentant l'Iran comme une terre de brassage de cultures et de religions. [...]
[...] La période suivant l'islamisation va jouer également un rôle sur cette iranité, dans la mesure ou ce monde, à partir de ce moment, est devenue par excellence la patrie des hommes de science, des plus grands philosophes et mystiques à l'intérieur de la communauté islamique Ce fort sentiment d'identité se traduit également par le développement du chiisme, deuxième branche de l'Islam en terme de fidèles. Cet essor s'explique par le sentiment de frustration que les Iraniens ressentent en tant que citoyens de second ordre dans l'empire arabe dirigé par les sunnites. De plus, la pensée religieuse zoroastrienne de l'Iran s'épanouit dans le climat messianique du chiisme. [...]
[...] Mohammed Reza- Djalili présente enfin les différentes catégories de la population iranienne susceptibles de constituer un contre-pouvoir, face à ce régime répressif. Parmi ceux-ci, les jeunes, confrontés à une situation économique difficile et à un chômage endémique, sensibles aux influences extérieures en raison de nouveaux moyens de communication, ont une tendance à contester un régime avec lequel ils se sentent souvent en contradiction ( déconscience révolutionnaire, faible pratique religieuse, tendance à la répression de la consommation et des loisirs). Les femmes, malgré leur statut juridique précaire, l'obligation de porter le voile et la discrimination dont elles sont victimes, participent à tous les aspects de la vie sociale, politique, économique, scientifique et artistique ont également formé des associations féministes qui ont gagné en audience avec l'essor de l'urbanisation, la poursuite de la scolarisation massive déjà entreprise depuis l'époque monarchiste et malgré l'islamisation autoritaire du régime, qui a conduit à une détérioration du statut social et juridique des femmes. [...]
[...] En effet, la guerre Iran-Irak a tout d'abord permis au pouvoir de créer autour de lui un consensus national face à l'agression irakienne et lui a donné le temps nécessaire pour consolider ses bases, mettre en place son appareil de contrôle de la société, épurer l'administration et restructurer les forces armées Au-delà de l'utilisation par le régime, au mieux de son intérêt, des croyances et sentiments religieux d'une partie de la population iranienne, les capacités répressives de la République islamique deviennent de cette manière considérables. Ainsi, la création de polices politiques dépendant du régime, ainsi que le contrôle du pouvoir judiciaire par le Guide Suprême jouent un rôle prépondérant. La propagande des médias étatiques, l'islamisation du système éducatif, le contrôle des mœurs participent également de la tendance répressive et totalitaire du régime. Enfin, la clientélisation directe et indirecte d'une partie de la société grâce au contrôle total de l'administration et des revenus pétroliers a permis de se rallier une large part de la population. [...]
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