L'idée principale de ce livre est que la révolution idéologique qu'a connue Rome après la défaite de Carthage est comparable à celle qui substitue aujourd'hui à l'affrontement Est/Ouest un monde dominé par l'opposition Nord/Sud. Ces Barbares d'alors ne constituaient pas plus un ensemble cohérent que le Sud aujourd'hui, mais ils permettaient de conforter Rome dans la certitude de ses valeurs : la civilisation, le droit, le rationalisme, face à des Barbares perçus comme innombrables, violents, irrationnels, prêts à déferler. De la même manière, le Nord participe à la construction d'une image dangereuse du Sud
[...] Or sur ce point il faut noter que l'ouvrage est assez ancien (1991), et les faits viennent nuancer l'appréciation de l'auteur : les années 1990 ont vu en effet d'énormes flux d'investissement direct se diriger vers ces pays, les délocalisations ont été importantes et les capitaux n'ont pas négligé, bien au contraire, ces marchés émergents. Ces investissements, poussés par la mondialisation, n'ont pas été seulement dirigés vers les Etats-tampon, mais bien dans des pays plus au Sud. Les nouveaux acteurs de poids que sont les multinationales peuvent en effet limiter cette opposition Nord/Sud, ne serait-ce que parce qu'ils ne sont pas guidés par la même logique sécuritaire que celle des Etats. Sur le plan économique, la vision de JC Rufin est donc quelque peu remise en cause. [...]
[...] A l'Empire fini, unifié, sédentaire, dirigé par la raison et le droit s'opposent des Barbares innombrables, nomades, violents, prêts à déferler. Une frontière idéologique, résultat d'une construction mentale se transforme alors en une frontière concrète, lieu de confrontation entre les deux mondes, c'est le limes. Deuxième partie: l'idéologie du Limes Chapitre 7 : la rétractation des terres historiques Le Nord, présumé unifié dans ses valeurs depuis la fin de la guerre froide, n'a plus d'histoire qu'a l'intérieur d'une limite, celle qui le sépare du Sud. Sa périphérie est une zone cruciale, le long de laquelle il jouxte les nouveaux Barbares. [...]
[...] Le fait que l'Europe s'unifie et ait ouvert ses frontières pour les pays membres, mais qu'elle mette des freins toujours plus puissants à l'immigration en provenance du Sud confirme bien que la peur du déferlement est toujours présente et que la rupture idéologique Nord/Sud se creuse. JC Rufin, en essayant d'éclairer cette évolution du nouvel ordre mondial vers une opposition Nord/Sud, a bien sûr la volonté de le combattre. Ses thèses, bien que discutées, sont pour beaucoup d'une remarquable actualité et permettent d'analyser de nombreux choix internationaux sous un nouvel angle. [...]
[...] Mais l'idéologie du limes et de la rupture garde toute sa pertinence du point démographique et politique. Les images de violence en provenance du Sud se multiplient (Rwanda, Algérie), ne suscitant qu'une vague indifférence au Nord, et un refus prudent de l'intervention au nom de la non-ingérence. Les terrae incognitae semblent donc vouées à l'expansion. Au Rwanda, de nombreuses ONG ont été expulsées, et on ne parle plus aujourd'hui des populations qui sont venues grossir l'archipel des réfugiés En Algérie, le Nord s'est contenté d'évacuer ses ressortissants : dans le scénario des trois futurs proposé par JC Rufin, c'est bien celui de la sécurité qui a été choisi. [...]
[...] Face à cela, le malthusianisme a reconquis le devant de la scène et le Nord dissimule mal son soulagement face au malthusianisme totalitaire (ex de la Chine) ou au malthusianisme naturel (idée qu'il faut laisser faire les fléaux de la guerre, de la famine et de la maladie prendre le relais de politiques inefficaces). Chapitre 3 : les archipels de la misère La troisième opposition est celle du couple stable/déraciné. Le Tiers-Monde est considéré comme un lieu où la misère serait immuable depuis des siècles, ce qui donne lieu à un certain fatalisme. [...]
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