« La thèse que j'avance dans ces pages est la suivante : la stratégie n'est pas seulement à l'origine de telle ou telle proposition paradoxale (…), elle est régie, dans son intégralité, par une logique étrangère à la logique « linéaire » ordinaire qui gouverne nos autres sphères d'activité » .
Edward Nicolae Luttwak a publié plusieurs ouvrages qui reposent sur le paradoxe, les plus connus étant Coup d'Etat : A Practical Handbook (Londres, 1979) et Strategy. The Logic of War and Peace (Cambridge, Massachusetts, 1987) dont nous étudierons la traduction de Michel Bessières paru aux éditions Odile Jacob en septembre 2002. Luttwak, né en 1942 dans une famille juive de Roumanie, est un économiste diplômé de la London School of Economics et de l'université John Hopkins et un historien américain. Il est surtout l'un des spécialistes de géopolitique les plus éminents, membre du "Center for Strategic and International Studies" (CSIS) de Washington, du "National Security Study Group" du Département de la Défense, et conseiller auprès du Département d'Etat des Etats Unis d'Amérique. Dans ses ouvrages The Endangered American Dream: How to Stop the United States From Being a Third World Country and How to Win the Geo-Economic Struggle for Industrial Supremacy (New York, 1993), et Turbo-Capitalism: winners and losers in the global economy (HarperCollins, 1999), l'auteur élabore sa théorie sur la géoéconomie. Selon Luttwak, la stratégie revêt « toute action de force organisée ou menée face à une hostilité consciente », définition large prenant en compte la mutation liée aux progrès techniques et au processus de mondialisation qui conduit le stratégiste américain à envisager la guerre économique comme nouvelle forme de conflit tendant à se substituer aux formes militaires et guerrières traditionnelles. Le livre de Luttwak, intitulé Strategy. The Logic of War and Peace ou le paradoxe de la stratégie paraît en 1987 aux USA, montrant le désir de l'auteur de restaurer la pensée stratégique américaine. Cette parution suit de quelques années l'arrivée à la Maison Blanche de Ronald Reagan en 1981.
[...] Luttwak souhaite étudier la stratégie indépendamment des applications pratiques afin de comprendre la persistance et les contradictions déroutantes qui marquent les conflits. Il souhaite un retour à la tradition par une approche pluridisciplinaire intégrant l'histoire, l'économie et l'œuvre des classiques face à une pensée stratégique américaine gouvernée par une technicisation excessive qui ne suffit pas à assurer la victoire. L'auteur affirme : mon propos est de démontrer que la stratégie existe comme un corps de phénomènes objectifs récurrents, qui apparaissent à l'occasion de tout conflit, et non de prescrire des règles pour l'action Ce travail emprunte clairement la méthode de l'analyse sociologique, cherchant à décrire un phénomène plutôt que de tenter de l'expliquer. [...]
[...] Cherchant à dégager la logique de la stratégie, Luttwak définit ensuite cinq niveaux qui forment une hiérarchie et deux dimensions. Ces cinq niveaux, technique, tactique, opérationnel, la stratégie du théâtre de la guerre et la grande stratégie ont des interactions les uns sur les autres. Pour Luttwak, la stratégie possède deux dimensions : la dimension horizontale, expliquant le caractère paradoxal de la stratégie et la dimension verticale, correspondant à la superposition des différents niveaux. Le propos de Luttwak, dans ce livre, n'est pas de donner une définition abstraite de la stratégie, mais plutôt d'exprimer les réalités objectives qu'il a observées, notamment à travers quelques cas d'espèce. [...]
[...] La seconde détaille les niveaux de la stratégie en remontant la dimension verticale. La troisième et dernière partie met en relation les cinq niveaux et les deux dimensions qui se retrouvent au niveau de la grande stratégie, niveau des résultats finaux. Cette organisation est cependant assez confuse, dans le sens où l'auteur mêle niveaux et dimensions en utilisant un vocabulaire rébarbatif et une syntaxe complexe dans un style très technique qui nuit un peu à la compréhension globale. De plus, les cas d'espèces qui sont censés servir de bases à sa réflexion ne viennent souvent qu'étayer l'argumentation, comme de simples exemples. [...]
[...] Or le secret est peu compatible avec l'exercice de la démocratie et la médiatisation toujours croissante de la vie politique. Si les régimes autoritaires et les dictatures n'ont pas de problème de cet ordre avec le peuple, l'administration et la bureaucratie de tout État moderne comportent son lot d'inertie et de frictions nuisant à l'efficacité d'une stratégie paradoxale. C'est en ce sens que l'harmonie nécessaire pour faire converger tous les paramètres indispensables à la mise en œuvre d'une stratégie efficace et efficiente est une véritable gageure. [...]
[...] The Logic of War and Peace ou le paradoxe de la stratégie paraît en 1987 aux USA, montrant le désir de l'auteur de restaurer la pensée stratégique américaine. Cette parution suit de quelques années l'arrivée à la Maison Blanche de Ronald Reagan en 1981. Dans cet ouvrage, la réflexion de Luttwak démarre par une analyse de l'aphorisme romain contradictoire si vis pacem, para bellum. Pour Luttwak, tout dans la guerre est antinomique. Dans une première partie, Luttwak montre que la logique stratégique, construite sur le paradoxe, contredit souvent la rationalité économique, basée sur une logique linéaire. [...]
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