The twenty years' crisis est, avec Paix et Guerre entre les Nations (1962) de Raymond Aron et Politics among nations, the struggle for power and peace (1948) de Hans Morgenthau, l'un des ouvrages fondateurs de la théorie réaliste des relations internationales. Publié aux premières heures de la Deuxième Guerre Mondiale, il jette les bases d'une science des relations internationales plus rigoureuse, en rupture avec l'idéalisme utopique caractéristique de l'entre-deux-guerres.
Son auteur, Edward Hallett Carr (1892-1982), historien, diplomate et journaliste, a effectué une partie de sa carrière au sein des services diplomatiques britanniques. En 1919, il fait partie de la délégation anglaise à la Conférence de la Paix de Paris, qui donne naissance à la Société des Nations. Durant les années 1920, il travaille pour le service du Foreign Office chargé des relations avec la SDN. De 1930 à 1936, il est en poste à l'ambassade anglaise de Riga (Lettonie), où il découvre la culture russe, pour laquelle il se passionne et qui influence grandement sa réflexion. En 1936, il se retire du corps diplomatique pour occuper le poste de professeur de relations internationales à l'université d'Aberystwyth (Pays de Galles), chaire historique des relations internationales, créée en 1919 à l'initiative du mécène David Davies. De 1941 à 1946, il travaille en tant qu'éditeur pour The Times, avant de revenir vers l'enseignement jusqu'en 1953, année de sa retraite.
Sa bibliographie reflète la multiplicité de ses expériences et de ses centres d'intérêt. En particulier, ses travaux s'articulent autour de trois thématiques principales: l'histoire (What is history ?, 1961 ; 1917 : before and after, 1969), l'Union Soviétique (A history of Soviet Russia, 1950-1978 ; The Soviet impact on the western world, 1946; The twilight of the Comintern, 1982) et les relations internationales (Conditions of peace, 1942; Nationalism and after, 1945).
Néanmoins, malgré ces écrits riches et variés, l'œuvre majeure de Carr demeure The twenty years' crisis. Ce livre s'articule autour de deux problématiques fondamentales : d'une part, définir les bases d'une science des relations internationales plus rigoureuse ; d'autre part, se détacher de l'idéalisme utopique de l'entre-deux-guerres, en affirmant le réalisme comme cadre de référence de l'étude des relations internationales.
[...] Résumé Dans cette partie, nous reprendrons le découpage adopté dans le livre, autour des quatre problématiques-clés : la nécessité d'une science des relations internationales ; la critique réaliste ; la problématique de la puissance et de la morale ; la loi et le changement au sein du système international. Dans un premier temps, Edward Hallett Carr commence par rappeler la genèse de la science des relations internationales. Jusqu'à la Première Guerre Mondiale, les relations internationales étaient réservées à une minorité de professionnels, soldats et diplomates, et ne faisaient l'objet d'aucune étude universitaire. [...]
[...] II) Analyse Dans cette seconde partie, nous dépasserons le simple résumé pour nous attacher à définir, analyser et critiquer les principales thèses développées dans cet ouvrage, afin d'en apporter une analyse plus critique. L'apport principal de cet ouvrage est de fournir les bases rigoureuses d'une véritable science des relations internationales alors naissante. En effet, à plusieurs reprises, l'auteur vilipende violemment le libéralisme (qu'il nomme péjorativement utopianism Il réagit au fait que, dans l'entre-deux-guerres, l'étude des relations internationales n'en est encore qu'à ses balbutiements, et repose alors sur les bases d'un programme, d'un projet : celui d'éradiquer définitivement la guerre. [...]
[...] Néanmoins, la loi émanant du politique, il semble difficile de trouver un juge international impartial (qui sera toujours influencé par son appartenance nationale, donc par sa propre définition du Bien). Malgré cela, pour les libéraux de l'entre-deux-guerres, il faudrait recourir à un arbitrage pour chaque différend, de manière à éviter toute guerre en trouvant une résolution pacifique (principe du all in arbitration Cependant, pour l'auteur, il ne faut pas confondre les disputes politiques et les disputes légales : judicial procedures differ foundamentally from political procedure in excluding the factor of power (p. [...]
[...] Cette opposition apparaît mieux au travers de l'étude de la crise qui a ébranlé le système international pendant l'entre-deux-guerres. Dans la deuxième partie, et afin de mieux marquer la différence entre ces deux courants, Carr étudie les troubles qui secouent le monde entre les deux Guerres Mondiales. Le postulat utopique de la séparation entre la politique et la morale se fonde sur la notion de droits naturels héritée de la Grèce Antique. Au 18ème siècle, Bentham la redéfinit comme the greatest happiness of the greatest number (p. [...]
[...] En élargissant cette idée, le concept d'internationalisme relève de la même logique : the concept of internationalism is a special forme of the doctrine of the harmony of interests (p. 85) : il permet à la puissante dominante de conserver le statu quo en imposant ses valeurs au reste du monde (ce que firent successivement, depuis le 18ème siècle, la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis). Ainsi, de tout temps, le prétendu internationalisme profitable à tous servait en réalité à maintenir la puissante dominante dans sa position hégémonique. [...]
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