« La guerre est une relation d'Etat à Etat » . Ainsi la guerre considérée simplement comme une guerre interétatique pour Rousseau, peu également être définit comme « l'aboutissement paroxystique de la rivalité chronique qui oppose les Etats entre eux » . Pourtant si les guerres interétatiques ont toujours existé, depuis 1945 celles-ci ont clairement tendance à diminuer du fait du développement de la coopération économique, du progrès ou de la diffusion du modèle démocratique. Mais cela ne signifie pas pour autant la fin de la guerre puisque à l'inverse, de nouvelles formes de guerre non interétatiques se sont démultipliées telles que les guerres civiles, les guérillas ou encore le terrorisme. Ainsi selon Derriennic « si les guerres civiles apparaissent aujourd'hui comme la forme de violence politique la plus meurtrière, ce n'est donc certainement pas à cause de l'intensité nouvelle du phénomène, mais probablement à cause du déclin relatif d'une autre forme de violence organisée, les guerres interétatiques » . La guerre serait-elle devenue incontrôlable voir même irrationnelle ? Pour sa part, Battistella estimera que « la nouvelle irrationalité supposée de la guerre n'est qu'apparente » . Certes, mais ce qui est certain, en tout cas, c'est que désormais « la guerre s'est profondément transformée » .
L'invention de l'arme nucléaire marqua le tournant d'une ère nouvelle. Caractérisée par une puissance destructive démultipliée par la vitesse et la portée des missiles, elle bouleversa les notions traditionnelles de la guerre et donc par conséquence la stratégie de guerre. En effet, à la suite des deux utilisations de la bombes nucléaires, qui restent jusqu'alors les seuls, sur les villes d'Hiroshima et Nagasaki avec plus de 100 000 tués et autant de blessés condamnés à une mort lente, un conflit ouvert entre des puissances nucléarisées signifierait, selon la doctrine de Mc Namara de 1964 « une destruction mutuelle assurée ». Une stratégie nucléaire s'est donc avérée plus que nécessaire. Celle-ci est caractérisée par deux concepts clés, la dissuasion et la diplomatie coercitive. La dissuasion selon Poirier est considérée comme « un emploi réduit à la formulation d'une menace de réaction efficace pour l'information des décideurs adverses. Cette menace affiche ostensiblement, d'une part, les capacités de réactions des forces de représailles, et d'autre part, le ferme propos d'actualiser ces virtualités si l'agresseur passait à l'action qu'on lui interdit » . La diplomatie coercitive ou « compellence » est « une menace et/ou un emploi volontaire limité et graduel de la force armée destinée à persuader un adversaire de mettre un terme à une action en cour, de revenir au statu quo ante, ou d'entreprendre une action qu'il juge indésirable »
Le nucléaire ne rencontra pas pour autant un engouement de toute part. En effet à la suite de la période désignée selon Wohlstetter comme « l'équilibre de la terreur » les théoriciens des Relations Internationales se polarisèrent entre les arms controllers et les peace researchers, les uns conscients « du caractère inaccessible de désarmement intégral » , les autres « du caractère inacceptable de la guerre nucléaire » . Pourtant si l'on en croit Aron « Les armes crées un risque permanent, non une guerre permanente. Ce sont les Hommes et non les armes qui commence les guerres » . L'évolution des armes n'est donc pas en cause dans le risque lié à sont utilisation. Certes une arme de destruction massive sera bien plus violente qu'une simple arme conventionnelle mais son emploi découle avant tout d'une décision humaine. Ainsi dans son article « On ne badine pas avec la force », Hassner, à partir de deux postulats selon lesquels la somme des conflits violent restent constants, et le but premier est d'en prévenir l'éclatement et le contrôle bien plus que de les empêcher, c'est efforcer de voir la dialectique de ses deux idées s'exercer dans l'évolution des comportements, des attitudes, et de l'histoire. A partir de nombreuses théories des Relations Internationales ce directeur de recherche au CERI (Centre d'étude et de recherches internationales) et professeur à l'Institut d'études politiques à Paris, tenta donc de dégager les limites de la dissuasion nucléaire qui constitue le moyen de contrôle de la force et de limitation de la violence ultime, ainsi que les dangers liés à la compellence.
De ce fait, en apportant une approche critique de la vision d'Hassner, il serait judicieux de voir si la logique de la dissuasion est pertinente, et quels sont les risques liés à la compellence.
Pour mener à bien l'étude de cette question, dans une première partie nous étudierons la décision rationnelle au cœur de la dissuasion (I), et dans une seconde partie, nous analyserons la compellence, conséquence de l'impossibilité d'un usage offensif de la force dans la dissuasion nucléaire (II).
[...] HASSNER, On ne badine pas avec la force Op. Cit., p.1211. Ibid, p.1211. Ibid, p.1213. Ibid, p.1214. BEAUFRE André, Introduction à la stratégie (1963), Paris, Hachette littérature Millau, p.38. Ibid, p.65. P. HASSNER, On ne badine pas avec la force Op. Cit., p.1218. [...]
[...] Si de nombreuses objections ont été proférées contre les théories des arms controllers, la plus virulente est celle de Rapoport, un peace researcher. Il les accuse de ne voir la politique internationale qu'en terme de conflits ou de jeux à somme nulle de fonder leur raisonnement et leurs conseils sur la théorie des jeux présentée comme applicable scientifiquement La critique lui sera retournée par Schelling qui démontre que Rapoport veut pratiquer la coopération sans communication. Ainsi selon le tenant des peace researchers, le résultat serait meilleur s'ils pariaient pour la confiance et la coopération que s'ils suivaient leur intérêt égoïste, il en résulterait que la théorie des jeux se dépasse elle-même en montrant l'impuissance de la rationalité calculatrice et la supériorité de la conscience Or une coopération sans communication est logiquement impossible. [...]
[...] Pourtant même si la décision est prise par un acteur rationnel, celle-ci n'apparaît pas toujours comme rationnelle. De ce fait lorsqu'il s'agit de dissuasion nucléaire les risques découlant du seul choix rationnel d'acteurs apparaissent bien trop graves pour être acceptés de tous les théoriciens des Relations Internationales, opposant ainsi les arms controllers d'un côté aux peace researchers de l'autre. Les enjeux éthiques de la dissuasion nucléaire Hassner en se basant sur les théories antinomiques concernant en particulier la dissuasion nucléaire des arms controllers et des peace researchers, élabore sa propre théorie sur ce sujet. [...]
[...] BRAUD, G. HERMET, Dictionnaire de la science politique, Paris, Armand Colin p.129. J.-P. DERRIENNIC, Les guerres civiles, Paris, Presses de science po p.21. D. BATTISTELLA, Guerres et conflits dans l'après –Guerre froide Problèmes politiques et sociaux, n°799-800, LA documentation française, mars 1998. Van CREVELD, La transformation de la guerre, Paris, Ed. du Rocher p.13. Extrait tiré de Poirier et publié par M. C. [...]
[...] SMOUTS, Les nouvelles Relations Internationales, Paris, Presses de Science Po p.96-98. Articles P. HASSNER, On ne badine pas avec la force Revue de Science Politique, Vol. XXI, déc pp.1207-1233. Cette formule de Rousseau est extraite du fragment sur L'état de guerre publié par C.E VAUGHAN, The Political Writings of J.-J. Rousseau, Cambridge vol. p.296. B. BADIE, P. BIRNBAUM, P. [...]
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