Rony Brauman présente la problématique de L'action humanitaire dans un court avant-propos. De nos jours, l'humanitaire est partout et sous diverses formes. Cependant, « à mesure que son usage s'étend, le sens du mot se brouille jusqu'à perdre sa signification et se réduire, dans certains cas, à une technique de communication ».
On entend souvent que l'important est de sauver des vies humaines et que cette fin justifie les moyens mis en œuvre. Cette idée présente des limites selon Brauman : l'humanitaire est devenu un phénomène de société plus que la réponse à des besoins vitaux. Il utilise un exemple significatif : une mission humanitaire irakienne dirigée par Saddam Hussein à New York serait impensable, même si son but était l'assistance humanitaire.
Selon lui, « l'action humanitaire est celle qui vise, sans aucune discrimination et avec des moyens pacifiques, à préserver la vie dans le respect de la dignité, à restaurer l'homme dans ses capacités de choix ». Cette définition souligne l'importance de l'intention du geste (il doit être guidé par le soucis de l'autre et non par la défense d'intérêts), du contexte dans lequel l'action est réalisée (l'action humanitaire prend tout son sens dans un phénomène de crise) et enfin de la nature de l'acteur institutionnel intervenant (il doit être indépendant du pouvoir politique et transparent). Pourtant, l'action humanitaire, devenue un passe-partout de l'action collective, comporte de nos jours des contradictions fortes, comme le prouve le contre-exemple évoqué plus haut ainsi que les échec retentissants qu'elle a connus ces dernières années.
[...] Les notions d'institutions de solidarité et d'oeuvres charitables sont en effet apparues au Moyen-âge. Il faut ensuite attendre le 17ème siècle pour que le mot Humanité prenne le sens de sensibilité aux malheurs d'autrui le postulat d'une égalité existentielle des hommes annonce alors l'aspiration à l'universalité que porte l'Humanisme chrétien de la Renaissance. La Réforme protestante (notamment avec le mouvement des Quakers), le regain d'évangélisme catholique (incarné par St Vincent de Paul) et le développement des villes (règles d'assistance dictées par les pouvoirs municipaux) jouent à cette époque un rôle essentiel dans le développement de l'action humanitaire. [...]
[...] Dans un premier temps, l'aide humanitaire va s'organiser autour de la reconstruction, en particulier sur les continents européen et asiatique. Puis, dans les Années 60, elle va se tourner vers le Tiers-monde, notamment en raison des conflits engendrés par les mouvements de décolonisation. C'est la naissance de l'aide au développement. Dans les Années 70-80, on assiste au développement exceptionnel du mouvement associatif, notamment humanitaire, qui devient un réel phénomène de société. Le conflit fondateur est sans aucun doute celui du Biafra, en 1969, puisqu'il représente la première mobilisation aussi importante vers le Tiers-monde. [...]
[...] A qui donc de financer les ONG ? Voici tout le problème, auquel nul ne parvient à trouver de solution (Rony Brauman n'aborde pas ce problème), puisque chacun de ces deux modes de financement semble avoir des effets pervers (politique et entreprise) et que les dons de la population ne sont pas toujours suffisants pour mener à bien des opérations d'envergure. Cet ouvrage, riche et concis, descriptif et analytique, est une réflexion très intéressante sur l'ambiguïté de la solidarité, souvent ignorée par l'opinion publique installée dans un dangereux confort moral. [...]
[...] Si l'ambiguïté de l'humanitaire réside dans son rapport aux médias, elle est également liée à ses rapports inévitables avec la politique. En effet, souvent, l'action humanitaire n'est possible qu'à la suite d'un compromis avec le pouvoir en place (compromis qui est peut facilement basculer en compromission, c'est-à-dire en soumission et utilisation de l'aide par le pouvoir en place pour ses intérêts propres). Cependant, ces compromis sont la plupart du temps nécessaires et légitimes, d'où la réelle ambiguïté de ce système. [...]
[...] Il s'agit donc de restaurer la fonction politique et l'action humanitaire en reproclamant leur affranchissement mutuel : pour cela, il est primordial que les agences humanitaires se dotent des moyens suffisants pour s'émanciper de la tutelle politique. Le dilemme charité (ONG) / justice (Etat) c'est-à-dire l'opposition neutralité (ONG) / engagement (Etat) est en passe d'être surmonté par la tension entre humanitaire et politique, et non par leur fusion : en effet, le pouvoir protestataire des ONG est à l'origine d'une nouvelle citoyenneté qui contribue à la restauration du politique. La critique L'Action humanitaire a été publié en 1995. [...]
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