« La guerre de Cuba, réalités supérieure aux désirs confus et inorganisés des Cubains et des Espagnoles annexionnistes, qui ne recevaient un pouvoir relatif que de leur alliance avec le gouvernement de l'Espagne, est venue à son heure en Amérique en vue d'éviter, même en affrontent de toutes ces forces ouvertement utilisées, l'annexion de Cuba aux États-Unis » . Cette citation de José Marti, fervent indépendantiste cubain, souligne le passé douloureux de l'île de Cuba, l'île la plus importante des grandes Antilles située à la confluence de la mer des caraïbes, du golf du Mexique et de l'océan atlantique. L'histoire de la création de l'État cubain est particulière, elle se construit à travers la découverte de l'île par Christophe Colomb en 1492, la colonisation espagnole de celle-ci en 1511, et enfin l'annexion américaine de 1898 dirigeant cet État vers les chemins de la république. Ainsi cette histoire est écrite par les vainqueurs, des vainqueurs espagnoles, des vainqueurs américains, et ne laisse que des documents marqués par le sceau de la colonisation ou de l'impérialisme. La guerre d'indépendance cubaine de 1898 apparaît seulement comme une guerre hispano-américaine, la conséquence majeure de celle-ci n'est que les prémices de l'impérialisme américain et aucunement la construction de l'État cubain à travers le développement d'un sentiment d'identité nationale. Le nom Cuba, vient du mot Taino cubunacan, qui signifie « place centrale », une appellation symbolique puisque cette île a été l'enjeu premier de plusieurs nations dès le début de XVIème siècle. Son emplacement géostratégique et la richesse de son sol ont donné lieu à des luttes internationales, une traite négrière importante et prolongée. Toutes les îles des caraïbes connaissent l'abolition de l'esclavage dans la première moitié du XIXème siècle quand Cuba cesse d'être une terre d'esclave en 1888. Ce parcours atypique peut se révéler intéressant si l'on aborde l'histoire de Cuba dans un cadre particulier, celui d'une sociologie historique de l'État. Cette discipline récente permet de mettre en relation différentes données afin de comprendre un processus long et nécessaire: la construction d'un État. Dans la deuxième moitié du XXème ce sujet est nettement privilégié puisqu'en 1963 l'UNESCO créé une mission novatrice, à savoir effectuer une recherche sur la construction de l'État et la construction nationale. On souhaite soulever l'énigme de la construction de l'État-Nation, trouver des réponses aux nombreux problèmes que suscite la décolonisation. À quelques exceptions près, les théoriciens de la formation de l'État inclus le rôle de la guerre dans leurs théories. Ainsi Stein Rokkan demeure l'un des rares sociologues dans les années 70 à ne pas prendre en considération la variable guerrière dans le thème de la construction de l'État, ce qui lui a valut de sérieuse critique. Cependant, à partir de la fin des années 80, des chercheurs réintègrent le facteur guerre comme une variable déterminante dans le processus de fabrication de l'Etat. En effet, on ne peut oublier que l'histoire des organisations humaines est nettement marquée par la violence et le conflit armé. Des auteurs comme Thomas Hobbes sont les premiers à associer cette violence originelle à une solution politique, à théoriser le champ interne devenu pacifique pour un rejet externe de la violence. L'analyse de la construction de l'État cubain ne peut s'effectuer sans prendre en considération ce facteur déterminant, sans accorder une place particulière aux luttes, aux révoltes, à la violence d'un peuple qui c'est battu pour son indépendance. Ainsi notre étude s'attache à considérer le thème de cette construction à travers un prisme guerrier et dans les limites d'une séquence historique précise allant de la guerre de Dix (1868) à l'établissement d'une république à Cuba (1902). Il s'agit de montrer un changement politique, à savoir le passage d'un statut colonial à celui d'un protectorat à travers un examen singulier des guerres d'indépendances, afin de mettre en relief la formation d'un État cubain, d'une nation cubaine. Notre démarche exige dans un premier temps l'étude du marché cubain comme facteur de lutte et facteur d'identité (I), puis dans un second temps l'analyse politique des guerres d'indépendances (II).
[...] Cette identité réformiste est la seule à avoir été admise par les autorités coloniales espagnoles en tant qu'alternative et formation politique cubaine. Des négociations s'engagent donc entre la métropole et sa colonie, mais ne donnent pour autant aucun résultat, ni aucune réforme concrète. C'est ainsi que les grands propriétaires les plus radicaux demeurent convaincus que les solutions à leurs revendications de participer au fonctionnement de l'île résident dans l'indépendance par la lutte armée et qu'éclate, en 1868, la guerre de Dix ans. [...]
[...] Citation extraite du site La pagina de José Marti : http://www.josemarti.org/. M. Lucena Salmoral, Historia de Iberoamericana T.II historia contemporanea, op.cit., p.399. J.Marti, La guerre de Cuba et le destin de l'Amérique latine, èd. Auber-Montaigne, Paris 1973, p.111. http://cicg.free.fr/diremp/grossman.htm : Volonté interventionniste des Etats-Unis depuis 1890. [...]
[...] Non obstant, en tant que délégué du Parti, il précise à la veille de la guerre d'indépendance que si la patrie repoussait ces propositions ( ) le Parti révolutionnaire respecterait les volontés de sa patrie On observe donc bien ici la teneur démocratique de cet idéal national. En corollaire, la situation économique, sociale et politique des Etats-Unis est, à l'époque, jugée par la majorité des cubains comme symptomatique de cet idéal démocratique. Les penseurs et révolutionnaires émigrés aux Etats-Unis afin de préparer la révolution démontrent bien cette situation. De plus, Marti a lui-même passé quelques années dans ce pays afin d'observer et de s'inspirer de certaines valeurs et institutions. [...]
[...] Des guerres inévitables pour une structuration des identités Ainsi comme nous l'avons constaté les richesses du sol cubain ont été un facteur de conquête pour l'Espagne (conquête territoriale) mais aussi pour les États-Unis (conquête économique). En effet, à la fin du 19ème siècle Cuba couvre les deux tiers du budget national de l'Espagne, ce qui permet à la métropole de financer son armée, et exporte plus des trois quarts de sa production de sucre aux États-Unis. Le facteur économique est intéressant dans le thème de la construction de l'État cubain car il permet de fournir des explications sur les guerres d'indépendances, moments cruciaux dans la formation de l'État cubain. [...]
[...] Ce qu'il faut donc saisir, c'est l'importance pour l'île de cette spécialisation sucrière, qui intervint entre 1750 et 1850 et allait faire de Cuba, dès le milieu du XIXe siècle, le plus gros producteur et exportateur de sucre au monde. La base de cet essor reposait sur l'esclavage, étendu sur une échelle si large qu'il déforma toute la structure sociale. Insistons sur ce point : l'esclavage de plantations fut un élément constitutif du capitalisme dans sa phase d'accumulation primitive, de transfert du surplus de la périphérie vers le centre. Et ce sucre cubain, produit par des esclaves déportés, allaient être exporté au XIXe siècle jusqu'en Russie. [...]
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