Qui prétend conduire une politique terrestre doit avant tout être sans illusion et reconnaître ce fait fondamental : la lutte éternelle et inéluctable de l'homme avec l'homme sur terre » . Cette citation de Max Weber, citée par Catherine Colliot-Thélène, commentatrice renommée du sociologue dans le désenchantement de l'Etat clarifie le postulat originel wébérien. Effectivement, la politique doit prendre en compte et s'élaborer selon la caractéristique belliqueuse de la nature humaine. Cette hypothèse influencera fortement la vision du sociologue allemand des Relations Internationales.
Né en le 21 avril 1864 à Erfurt, Karl Emil Maximilian Weber est l'aîné de huit enfants d'une famille de la bourgeoisie protestante de Westphalie. Ses études universitaires, marquées par le droit, l'économie politique, la philosophie, mais aussi l'histoire et la théologie se spécialisent véritablement lorsqu'en 1888, il rejoint l'association pour la politique sociale. Dès lors, il commence à traiter des problèmes économiques et sociaux de la jeune nation allemande. Par là, Max Weber manifeste déjà son intérêt pour la politique, sans doute influencé par l'élection de son père au parti libéral national du Reichstag après l'unification allemande. Considéré comme un véritable fédérateur de la sociologie en Allemagne entre le 19e et le 20e siècle, il inscrit son nom dans l'histoire avec l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme et Economie et Société. A travers ses ouvrages, il définit sa sociologie comme « une science qui se propose de comprendre par interprétation l'action sociale et par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effets ». Dès lors, il fait de la sociologie une science de l'action sociale et non des faits sociaux, en opposition à l'approche holiste d'Emile Durkheim. Le monde social est ainsi constitué par l'agrégation des actions produites par l'ensemble des agents qui le compose, l'homme est un être de conscience qui agit en fonction de sa compréhension du monde et des intentions qu'il a. On parle d'une sociologie compréhensive.
La leçon inaugurale de Fribourg, prononcée par Max Weber à l'université en 1895, constitue également une partie importante de l'œuvre du sociologue. À travers cette dernière, il affirme son nationalisme enflammé et soutient la politique de puissance de l'Allemagne réunifiée. Cette prise de position dans le domaine de la politique étrangère nous donne de nombreux éléments concernant les relations interétatiques. Sa vision du point de vue de l'acteur étatique et son positionnement épistémologique le pousse à s'interroger avant tout sur l'action de l'Etat dans un environnement caractérisé par la lutte permanente. Dans une telle situation, Max Weber affirme ce qui doit constituer le primat de l'action politique internationale : la raison d'Etat définie comme une politique objective et rationnelle.
Ces différents éléments nous conduisent à mettre en perspective la pensée du sociologue et les différents postulats énoncés par les auteurs se réclamant du courant réaliste en théorie des relations internationales pour qui la lutte entre les acteurs est indépassable, le concept de puissance prédominant et l'Etat envisagé comme l'acteur central .La sociologie de Max Weber, ne pourrait-elle donc pas être considérée comme une source privilégiée du courant réaliste ? Afin d'apporter des éléments de réponse et d'affiner cette réflexion, nous verrons que Max Weber définit la sphère interétatique par une lutte perpétuelle entre Etats (I) et que ce dernier possède un caractère central et indépassable (II).
[...] Bibliographie * RAMEL Les fondateurs oubliés : Durkheim, Simmel, Weber, Mauss et les relations internationales, Paris, Presses universitaires de France p. * WEBER L'Etat national et la politique de l'économie politique (Leçon inaugurale de Fribourg), trad. E.Jacquelin, Cahiers de Fontenay, 58- 59, juin 1990, p.123-153 * WEBER Economie et société Paris, Pocket p. * COLLIOT-THELENE Le désenchantement de l'Etat. De Hegel à Max Weber, Paris, Minuit p. * WEBER Le savant et le politique, Paris, Plon [1919] p. * HOBBES Le Léviathan traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile titre 1 De L'homme trad. [...]
[...] S'ajoute ensuite le refus de toute conception d'une communauté régie sur le mode de la paix. Weber, en bon pessimiste, refuse toute doctrine relevant de l'irénisme dont le fondement : la recherche du bonheur comme fin ne correspond pas à la réalité sociale et humaine, fondée sur la volonté du maintien de la spécificité nationale et la nécessité du rang à maintenir pour les descendants. Certes, Weber connaît une évolution dans sa conception de la Nation mais celle-ci n'interfère en rien le caractère central et irréductible de l'Etat. [...]
[...] Pour ce dernier, la raison d'Etat revient à un art de gouverner fondé sur l'exploitation intensive des ressources matérielles et humaines au sein de l'Etat. Il s'agit avant tout de contribuer à la conservation de l'Etat par un développement socio-économique du peuple : la raison d'Etat permet l'abondance au sein de l'Etat, liée à la population et la richesse. À l'inverse, pour Machiavel, la raison d'Etat est essentiellement guerrière, la conservation de l'Etat se définit par un affrontement entre les peuples. [...]
[...] ARON, Les étapes de la pensée sociologique, Paris, Gallimard p * BADIE Raymond Aron penseur des Relations Internationales : un penseur à la française étude du CEFRES Paris, Novembre 2005, www.cefres.cz/publications/etude5.pdf C. COLLIOT-THELENE, Le désenchantement de l'Etat. De Hegel à Max Weber, Paris, Minuit p.250 F. RAMEL, Les fondateurs oubliés : Durkheim, Simmel, Weber, Mauss et les relations internationales, Paris, Presses universitaires de France p M. WEBER, L'Etat national et la politique de l'économie politique (Leçon inaugurale de Fribourg), trad. E.Jacquelin, Cahiers de Fontenay, 58- 59, juin 1990. p.143 M.WEBER, Economie et société Paris, Plon p.128 C. [...]
[...] Une cohérence sociologique alliée à une inspiration philosophique On note une véritable cohérence entre la vision que se fait Max Weber des Relations Internationales et sa sociologie. La notion de lutte irréductible est essentielle dans sa définition de la sociologie politique. Elle constitue une relation sociale pour autant que l'activité est orientée d'après l'intention de faire triompher sa propre volonté contre la résistance de l'autre ou des autres Les sociétés sont faites autant de lutte que d'accords et le rapport social est un véritable combat : l'action de chacun est orientée à l'action de l'autre : chacun des acteurs veut imposer sa volonté à l'autre. [...]
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