En 2003, les Etats-Unis ont conduit - pour de bonnes ou de mauvaises raisons - une guerre sur l'opportunité de laquelle l'Europe s'est divisée. Cette situation ne peut être satisfaisante. L'Union Européenne paraît prise dans un dilemme : soit elle subit la puissance américaine, soit elle se divise. Y a-t-il une voie alternative qui permette à l'Europe de peser dans le monde tout en restant unie ?
T. Todorov a proposé que l'Union européenne se transforme en "puissance tranquille". Sa proposition est une réaction à l'opposition caricaturale, formulée par le chercheur américain Robert Kagan en 2002, entre une Amérique puissante relevant de Mars et une Europe faible relevant de Vénus.
Face à l' « hyperpuissance » américaine (terme popularisé par l'ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine), qui ne craint pas de recourir à la force dans les relations internationales, l'Europe peut-elle se donner pour ambition de devenir une "puissance tranquille", qui ne renonce pas à peser dans les équilibres mondiaux, et qui en même temps vise à rassurer le reste du monde, et peut-être soi-même pour commencer ?
[...] En matière commerciale, l'Union européenne défend ses intérêts communs au sein d'un système multilatéral qui repose sur le droit (l'Organisation mondiale du commerce, OMC). Ce qui fait la force de l'Union européenne, par rapport aux États-Unis notamment, c'est la combinaison de l'union (la politique commerciale commune, qui repose sur la base juridique des traités) et du droit (l'OMC). À plusieurs reprises, les États-Unis ont été condamnés par l'OMC et ont dû modifier leur législation à la suite de représailles décidées par l'Europe (protection du secteur de l'acier, ou actuellement législation antidumping). [...]
[...] L'Union européenne est en train de formaliser cette vision des choses. La "stratégie européenne de sécurité", élaborée durant l'année 2003 et officiellement adoptée par le Conseil européen de Bruxelles en décembre, a cherché à mettre en évidence l'originalité du projet européen par rapport à la stratégie américaine. L'Union européenne vise essentiellement trois objectifs : la stabilisation de sa périphérie (l'Est et la rive sud de la Méditerranée), la défense du multilatéralisme, et la prévention des conflits par des moyens qui ne sont pas exclusivement militaires. [...]
[...] Le défi pour l'Europe consiste à dépasser ses impasses historiques (l'équilibre des forces) sans jeter sur le monde un regard trop naïf. Bibliographie _ Tzvetan TODOROV, Le nouveau désordre mondial. Réflexions d'un européen Robert Laffont _ Robert KAGAN, La puissance et la faiblesse Plon ; version abrégée publiée en français dans la revue Commentaire, 99, automne 2002. _ L'Europe, puissance tranquille ? in Enjeux Internationaux, Avril-Juin 2006 _ Bernard ADAM (dir.), Europe puissance tranquille ? : rôle et identité sur la scène mondiale Complexe _ Hubert VEDRINE, Pour une Europe puissance in Politique Internationale n°106, hiver 2004/2005. [...]
[...] La puissance américaine pose à l'Union européenne un défi spécifique. Les États-Unis emploient leur force en fonction de motivations essentiellement internes : leur sécurité ou la défense de leurs intérêts stratégiques. Comment l'Europe doit-elle réagir lorsque les États-Unis emploient leur puissance en fonction de considérations patriotiques et d'intérêts particuliers (par exemple pour renverser des régimes jugés hostiles, quoique non dangereux) ? Doit-elle se résigner, selon la vision d'un Tony Blair, à un monde "unipolaire" centré sur la puissance américaine, ou réussira-t-elle à promouvoir un monde "multipolaire", selon la vision de Jacques Chirac ? [...]
[...] L'effort de recherche-développement est également inférieur ( du PIB en moyenne dans l'Union européenne à 15, contre près de aux États-Unis et au Japon). Les dépenses de l'Union en matière d'armement représentent la moitié du budget de la défense des États-Unis, mais n'atteignent (selon les experts) que 10 à des capacités militaires de ces derniers. En conséquence, ce sont les États-Unis qui dominent et déterminent l'agenda stratégique mondial, comme l'ont montré les dernières grandes crises internationales (Kosovo, et surtout Afghanistan et Irak). L'Union européenne est obligée de se positionner par rapport à cette hyperpuissance américaine. [...]
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