Dès les années 1950, les observateurs occidentaux prennent conscience de l'émergence d'un troisième monde entre le monde occidental et le monde communiste. C'est l'économiste français Alfred Sauvy qui, en 1952, emploie le premier l'expression « tiers monde » pour désigner les pays récemment décolonisés qui, comme le Tiers-État au moment de la Révolution française, ne sont « rien » mais veulent être « quelque chose ». À l'époque, ce sont essentiellement quelques pays d'Asie nouvellement décolonisés, bientôt rejoints par les pays africains qui accèdent eux aussi à l'indépendance. Or le tiers-monde émerge dans un contexte international marqué par la division du monde en deux blocs.
Comment se définit puis s'affirme-t-il dans ce contexte particulier ? Comment évolue-t-il face aux bouleversements de la conjoncture, en particulier économique ?
C'est le refus proclamé de rejoindre l'un ou l'autre camp, avec le mouvement des non-alignés, qui marque les premières années de l'existence du tiers-monde. Puis, dans les années 1970, la situation de sous-développement entre les pays du tiers-monde et le reste du monde conduit à des tentatives d'affirmation de ces derniers et à une réflexion sur les rapports Nord Sud. À partir du milieu des années 1970, l'unité du tiers-monde est de plus en plus mise à mal par la diversité croissante de ses composantes et l'on est amené à se poser la question de la pertinence de la notion de tiers-monde.
[...] Les pays du tiers-monde se retrouvent en déficit et, minés par une énorme inflation intérieure, cherchent à rééchelonner leur dette. Le FMI exige d'eux des politiques de réajustement structurel (libéralisation de l'économie et réduction des dépenses de l'État) aux graves conséquences sociales : chômage, hausse du coût des denrées de première nécessité, diminution des subventions et des dépenses sociales et d'équipement. Or les crises financières qui ont affecté tour à tour le Brésil, les pays du Sud-est asiatique ou l'Argentine dans les années 1990 démontrent la fragilité de ces économies, elles aussi grosses emprunteuses, mais qui semblaient s'être extirpées du sous-développement. [...]
[...] En outre, les pays du tiers-monde ne sont pas à l'abri de tensions, voire de guerre ouverte entre eux. C'est ainsi le cas entre l'Inde et le Pakistan qui se déchirent pour la seconde fois, en 1965, au Cachemire, puis à nouveau en 1971 autour de la question du Pakistan oriental. Transition L'émergence du tiers-monde a donc été marquée par le souci de se déterminer politiquement dans un monde bipolaire. Mais, à partir des années 60, les préoccupations politiques passent peu à peu au second plan et ce sont les préoccupations économiques qui prennent de plus en plus d'importance. [...]
[...] Elles sont à l'origine de l'éclatement politique complet du tiers-monde. Partout, conflits et guerres civiles se multiplient, conférences et accords disparaissent. En Asie, l'entente entre l'Inde, hindouiste, et l'Indonésie, peu à peu gagnée par l'intégrisme musulman, n'est plus qu'un lointain souvenir. Entre 1978 et 1989, ce sont deux pays communistes, le Vietnam et le Cambodge, qui entrent en conflit pour le contrôle de la péninsule indochinoise, le premier occupant le second, sur fond de rivalité sino-soviétique. Au Moyen- Orient, depuis le déclenchement de la guerre civile en 1975, le Liban sert d'abcès de fixation à toutes les tensions accumulées dans la région : question palestinienne créée par la rivalité entre les pays arabes et Israël, ambitions régionales de la Syrie, rivalité entre l'Égypte et la Syrie, tensions religieuses entre communautés chrétiennes, soutenues par les intérêts américains, et musulmanes, de plus en plus pénétrées par l'islamisme. [...]
[...] Du tiers-monde aux tiers-mondes : l'éclatement 1. Une diversité économique croissante La diversification des situations économiques des pays du tiers-monde a conduit les observateurs à s'interroger sur la permanence d'un seul tiers- monde ou sur l'existence de plusieurs tiers-mondes. Le Japon est sans doute le meilleur exemple des mutations économiques qui ont affecté les pays du tiers-monde. Participant à la conférence de Bandung, en 1955, le Japon entame au même moment sa période de haute croissance qui va le conduire à devenir l'une des toutes premières puissances industrielles mondiales, membre de la Triade. [...]
[...] Parallèlement, les pays du tiers-monde utilisent l'ONU pour faire valoir leurs problèmes. C'est en son sein qu'ils obtiennent en 1964 la création de la CNUCED (Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement), destinée à établir un dialogue économique entre les pays du Nord et ceux du Sud pour remédier à la faiblesse de l'économie de ces derniers. Mais les négociations produisent peu d'effets. D'autres sont séduits par la voie révolutionnaire. L'échec des tentatives d'émergence politique ou économique par conférences internationales et unions régionales, incite en effet certains, comme Che Guevara, à mener une lutte révolutionnaire contre le néo-impérialisme occidental. [...]
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