Dans un article du Monde, daté d'octobre 2007, Pierre Hassner remet en cause l'image de l'hyperpuissance américaine en s'appuyant sur la rupture créée par le 11 septembre 2001 et la guerre en Irak. Il s'attaque en fait à la conception réaliste de la puissance. Théorie dominante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le réalisme se voit en effet de plus en plus reprocher son incapacité à prévoir et expliquer les évolutions actuelles des relations internationales. Le succès du réalisme après la Seconde Guerre mondiale peut s'expliquer par trois principaux facteurs : le développement du protectionnisme qui a affaibli le libéralisme, le fait que les idées réalistes permettaient de légitimer les décisions du gouvernement américain, et surtout les explications satisfaisantes qu'apportaient les principes réalistes concernant les rapports de force de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide. Cependant, l'évolution des logiques internationales (nouveaux acteurs, nouveaux échanges) a conduit à l'obsolescence des modèles explicatifs réalistes. La construction des critiques des trois principaux postulats réalistes a permis l'organisation d'une nouvelle forme de pensée et donc l'émergence de nouvelles théories. Martin Wight, co-fondateur de l'école anglaise des Relations Internationales, parfois qualifiée de « réalisme honteux », affirmait, dans l'après seconde guerre mondiale, que tout théoricien des relations internationales était réaliste, attestant par la même de la suprématie déjà reconnue de ce paradigme. Les fondations conceptuelles du réalisme sont actuellement étirées, à tel point qu'elles sont méconnaissables. Les réalistes contemporains ne partagent pas les mêmes propositions de départ et, au lieu de confronter le réalisme aux théories concurrentes (libérale, épistémique et institutionnelle), ils en font un mélange (tout en se prétendant réaliste). Ainsi, la question que se posaient Legro et Moravick en guise de titre, « Reste-t-il quelqu'un aujourd'hui qui soit encore un réaliste ? » peut se reformuler ainsi : « Tout le monde est-il désormais réaliste ? ». Pourtant, il est encore trop tôt pour tuer le terme réaliste. Ainsi, se dire réaliste devrait signifier plus qu'adhérer à l'idée d'Etats rationnels dans un système anarchique, mais surtout que les conflits internationaux son mus et se résolvent en fonction des capacités.Il s'agira donc de montrer ici en quoi , on peut préjuger d'une pertinence toujours certaine du paradigme réaliste, d'un point de vue empirique, en ce que les acteurs des relations internationales persistent à se comporter en réalistes et à appliquer des principes de Realpolitik déjà chers à Machiavel. Néanmoins, il est indéniable que l'évolution de la scène internationale remet en cause certains postulats centraux de cette école ce qui nous amènera à arguer du fait que, si le réalisme est validé aujourd'hui, c'est parce que les gouvernements sont enfermés dans ce cadre de pensée, qui continue dans la plupart des cas à guider l'action étatique, alors que l'institutionnalisme libéral n'apparaît plus aujourd'hui si utopique. La théorie réaliste est-elle dépassée pour expliquer les relations internationales ayant cours dans le monde contemporain ?
[...] Pourtant la notion de puissance centrale au réalisme est peu précisée. Surtout si elle ne se concentre que sur la capacité militaire. Ainsi si l'on prend en compte le soft Power défini par Nye comme la capacité d'influence et de persuasion diplomatique qui en découle un nouveau défi est posé en termes de puissance. Ainsi les Etats, s'ils recherchent tous indéniablement leur sécurité, sont aussi des maximisateurs de puissance, quoiqu'ils en disent, qui affichent une volonté manifeste d'accroître leur puissance relative. [...]
[...] En ce qu'ils ont réussi à atteindre un certain degré d'autonomie et de cohérence notamment en ce qui concerne les politiques commerciales. Ainsi l'affirmation réaliste a une bonne assise empirique. Au grès de la démocratisation et de la médiatisation croissante, la voix de l'opinion publique interne se fait de plus en plus . Preneurs d'otages et terroristes ont quant à eux bien compris comment transformer le peuple en levier de l'action politique. Majorité politique changeante en Espagne au lendemain de Madrid ou retrait des troupes italiennes de l'Irak consacrent finalement l'écroulement du mur réaliste entre affaires domestiques et internationales. [...]
[...] C'est pourquoi peu d'Etats ont adhéré aux convictions américaines, adoptant même un comportement de balancing à leur encontre, comme la France ou l'Allemagne .Le modèle anarchique réaliste impliquant nécessairement un risque perpétuel d'entrée en guerre semble définitivement dépassé notamment pour les pays européens, tels que la France et l'Allemagne, la Suède et le Danemark ; tout conflit est hors de question. Les architectes de la construction européenne n'adhèrent plus au pessimisme réaliste. 2-La coopération à la merci des dispositions étatiques La coopération est improbable pour le réalisme. Pour les réalistes, les Etats peuvent cependant potentiellement coopérer dans le but de lutter contre des challengers externes. Mais, les actions menées à ce jour relèvent surtout d'initiatives étatiques individuelles. [...]
[...] La théorie réaliste est- elle dépassée pour expliquer les relations internationales ayant cours dans le monde contemporain ? A)Le réalisme dépassé par les évènements 1-La souveraineté à l'épreuve de la mondialisation Les capacités souveraines de l'Etat érigées comme fer de lance du réalisme sont indéniablement soumises à de nombreuses contraintes et pressions transnationales. L'Etat n'est plus l'unique instigateur des relations internationales, quand bien même les réalistes lui donneraient la prépondérance. Diverses approches transnationales se sont attachées à remédier aux insuffisances de prise en compte des autres acteurs clés, dont le rôle apparaît d'autant plus évident en ces temps de territorialisation, d'effacement de l'espace et du temps naguère contrôlés exclusivement par les forces étatiques. [...]
[...] cit., p 169. John Mearsheimer, in Grieco, New Thinking in international theory, op. cit., p 187. [...]
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