Le récent scandale qui a éclaboussé Dominique Strauss-Kahn souligne à quel point la réputation est une donnée fondamentale dans les relations humaines et encore plus dans les relations internationales. En effet, dans cette affaire, ce fut la réputation d'un homme qui fut mise à mal mais, par ricochet, ce fut aussi celle de l'institution internationale dont il est en charge qui aurait pu être ternie à un moment où son rôle est indispensable pour faire face à la crise économique mondiale. De plus en plus, notamment sous l'effet de la médiatisation croissante, les hommes personnifient leur charge ce qui a pour conséquence de lier deux niveaux de réputation, la réputation d'un individu à la réputation collective d'une organisation.
Les Etats, principaux acteurs du champ des relations internationales, n'échappent aucunement à ce phénomène. Bien que de nombreuses thèses circulent depuis le début des années 90 sur la gouvernance mondiale, la société mondiale ou encore la communauté internationale, termes qui ne recouvrent en fait aucune réalité, les Etats demeurent toujours les principaux acteurs des relations internationales et sont donc concernés au premier chef par le souci de réputation.
Dans l'étude des relations internationales, la réputation a toujours joué un rôle crucial puisque, bien souvent, les dirigeants justifient telle ou telle intervention ou décision au nom de la réputation qui est en jeu. Il conviendra par conséquent de se demander si faire appel à la réputation n'est pas parfois une excuse un trop facile qui est destinée à dissimuler d'autres motivations. Dans un premier temps, de manière très simple, la réputation peut se définir, au regard de la thèse rationaliste, comme le degré auquel un acteur remplit ses engagements en se basant sur ses attitudes passées. Nous allons voir par la suite que la réputation implique cependant d'autres facettes. L'enjeu qui se pose de manière aiguë aux Etats est de savoir dans quelle mesure ces derniers sont tributaires de leur réputation dans les relations internationales, notamment au niveau des relations inter étatiques.
Notre démarche va s'articuler autour de deux axes principaux. Il conviendra d'abord d'étudier jusqu'à quel point le comportement des Etats sur la scène internationale est conditionné par leur réputation puis de démontrer, qu'en dépit de ce facteur dont l'importance est parfois exagérée, les Etats possèdent toujours une certaine latitude dans leurs actions.
[...] Dans ce cas-ci, la réputation se jouait à trois niveaux, à la fois pour Ehud Olmert et pour Tsahal. D'abord vis-à-vis du Hezbollah, ensuite vis-à-vis des pays arabes avec lesquels Israël entretient de mauvaises relations et enfin vis- à-vis de l'opinion publique israélienne. Ainsi, au nom du culte de la réputation, espérant une victoire à terme ou un coup décisif, Ehud Olmert a préféré continuer autant que faire se peut la guerre. Cet épisode met en exergue l'un des dangers du culte de la réputation, c'est-à-dire le risque d'une escalade de la violence qui, en exacerbant les hostilités entre les adversaires, les rend moins prompts à un compromis. [...]
[...] S'arrêter sur la réputation d'un acteur, c'est en fait se borner à des a priori dangereux. Comme le montrent de nombreux théoriciens, bien qu'un Etat ait toujours plus ou moins peur que les autres Etats ne s'appuient sur ses attitudes passées pour déduire ses comportements futurs, l'Etat en question ne fait jamais l'erreur de déduire le comportement des autres Etats de leurs attitudes passées, notamment en période de crise. Ainsi, Ted Hopf et Daryl Press démontrent que dans la crise des missiles de Cuba, ni Kennedy ni Khrouchtchev n'ont à aucun moment agi en se fondant sur les attitudes passées des acteurs en jeu. [...]
[...] et Jones M.A. (2002) ‘Reputation, Compliance, and International Law', Journal of Legal Studies, vol. XXXI: 95-114. Geisinger, A. et Stein M.A. (2008) ‘Rational Choice, Reputation, and Human Rights Treaties', Michigan Law Review, vol. 106:1129-1142. Selon Axelrod, la réputation est embodied in the belief of others Sharman souligne grâce à l'exemple des paradis fiscaux les limites de l'approche rationaliste en soulignant qu'aucun Etat ne souhaiterait figurer sur cette liste noire, sachant les inconvénients au niveau international qui en résulteraient. [...]
[...] En effet, ces Etats sont demandeurs d'intégration internationale c'est pourquoi ils contractent en peu de temps de nombreux traités. Contrairement à l'opinion de Guzman mais aussi à celle de Downs et Jones, les Etats ne participent pas tant aux traités pour en retirer des bénéfices qu'afin de s'intégrer et donc d'acquérir l'estime des autres pays. Alex Geisinger et Michael Ashley Stein montrent habilement en effet que les Etats ne retirent presque rien d'un traité sur les droits de l'Homme, excepté l'intégration dans une communauté d'idées. [...]
[...] Selon lui, la réputation ne peut pas se former dans les conflits à cause de la nature anarchique des relations internationales. Cela pousse alors les responsables politiques à envisager le pire dans les relations internationales ce qui renforce à terme le culte de la réputation. Ce raisonnement est par exemple tout à fait flagrant dans le cas de la seconde guerre du Liban menée par Tsahal en rétorsion à la capture et à la mort de soldats par le groupe terroriste Hezbollah. [...]
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