« Je veux utiliser une diplomatie robuste et le développement pour renforcer nos partenariats avec d'autres gouvernements et créer des réseaux collaboratifs d'individus et d'ONG, pour trouver des solutions innovantes aux problèmes globaux. C'est cela que nous appelons le smart power ». Ainsi, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton résumait en ces termes sa conception de la politique étrangère lors de son voyage à Séoul le 21 février dernier.
Le smart power a en effet le vent en poupe aux Etats-Unis en proposant une coordination intelligente entre hard et soft power. Il est issu de la pensée de Joseph Nye, théoricien du hard et soft power, et s'inscrit d'un mouvement intellectuel repensant le leadership américain dont l'image s'est dégradée nettement dans l'opinion publique mondiale. Ainsi, est formée en novembre 2007 sous la houlette de Nye, une commission sur le smart power dans le cadre du think-thank Center for Strategic and International Studies (CSIS) dont le rapport est pensé comme une nouvelle ligne de conduite de la politique étrangère américaine.
Le « smart power » est-il une base de refondation profonde de la politique étrangère des Etats-Unis sous un mode multilatéral, ou réaffirme-t-il le leadership américain ?
[...] dissocier les valeurs soutenues par les Etats-Unis de leur supposé américanisme Le rapport du CSIS attribue aux Etats-Unis une mission de pourvoyeur de biens publics mondiaux : Les Etats-Unis doivent adopter le smart power en investissant dans les biens globaux et en pourvoyant les choses que les peuples et gouvernements mondiaux veulent mais ne peuvent pas atteindre en l'absence d'un leadership américain Nye identifie alors six missions américaines envers le reste du monde : 1. maintenir les équilibres régionaux des pouvoirs 2. promouvoir l'ouverture des économies 3. protéger les biens publics globaux tels le climat 4. développer et maintenir internationalement les institutions et régimes légaux 5. [...]
[...] Or, si ces valeurs sont globalement acceptées même dans les pays de culture musulmane, il n'en résulte pas pour autant une adhésion à la politique des Etats-Unis. Ainsi, pour Cammack, il serait dans l'intérêt des Etats-Unis de dissocier les valeurs qu'ils promeuvent de leur supposé caractère américain en acceptant de partager ce leadership moral avec l'Union européenne. La crédibilité et la légitimité de ces valeurs seraient alors renforcées, permettant leur plus large diffusion. accepter et accompagner la création d'un monde multilatéral Jouer le jeu multilatéral suppose que les Etats-Unis retrouvent la confiance des autres Etats du globe en commençant par signer le protocole de Kyoto et la Convention des droits de l'enfant et par accepter la juridiction de la Cour Pénale Internationale, ainsi que le préconise le rapport du CSIS. [...]
[...] Les Etats-Unis témoignent d'une confiance démesurée dans leur capacité de hard power comme source la plus tangible de leur pouvoir Les instruments du soft power, du fait du refus culturel d'un Etat fort, sont peu développés au niveau étatique La fragmentation des institutions en charge de la politique étrangère américaine nuit à la cohérence de cette politique. visant une coopération multilatérale Ce smart power sera également soucieux de la perception de son action comme légitime, permettant de se rallier les opinions publiques mondiales. [...]
[...] L'attachement étatique au hard power explique l'importance des budgets militaires le concrétisant, plaçant les Etats-Unis au premier plan. Le soft power est un pouvoir d'attraction plus diffus qui se base sur trois piliers : la culture, la diplomatie étrangère et les valeurs politiques. Ses outils sont aussi divers que les programmes d'échanges académiques, la diffusion des produits de consommation, l'aide humanitaire Par exemple, le Coca Cola contribue à la diffusion de l' american way of life comme peut l'illustrer l'ouverture des Dieux sont tombés sur la tête, film de Jamie Uys (1980). [...]
[...] Une guerre engagée par un pays sur un autre peut nuire aux intérêts économiques nationaux du pays attaquant, dans un contexte d'interdépendance des économies L'Etat est concurrencé par de multiples acteurs qui peuvent également exercer des formes abâtardies de hard power telles les multinationales ou les groupes terroristes La résurgence des nationalismes augmente le risque de guérillas contre lesquelles l'armée régulière attaquante sera relativement impuissante : guerres asymétriques La diffusion des technologies militaires et la prolifération des armes nucléaires découragent l'usage du hard power sous sa forme guerrière classique Les enjeux globaux chers aux opinions publiques mondiales, tels le réchauffement climatique, appellent des solutions dépassant le cadre stato-centré du hard power. Le soft power connait lui aussi des limites. Les néoréalistes le conçoivent seulement comme le halo du hard power car il serait trop diffus et lent pour véritablement constituer un pouvoir. Un exemple assez frappant de ce constat d'échec serait d'après Joffe l'invasion de la Russie en Géorgie : tandis que les Européens se gargarisaient avec le soft power, Poutine sonnait le retour du hard power. [...]
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