La Côte d'Ivoire est en guerre civile depuis 2002, guerre civile qui oppose des rebelles se sentant exclus du pouvoir, au gouvernement officiel, représenté par le président Gbabgo; entre ces deux forces, l'armée française s'était d'abord interposée pour assurer la sécurité de ses ressortissants puis pour ouvrir « la voie de la réconciliation politique ». Telle est la présentation qui a été faite de la situation ivoirienne le dimanche 4 mars 2007dans un journal télévisé français. Or, selon le même journal, le pays serait en voie de réconciliation puisque le président Gbagbo et le chef de la rébellion Guillaume Soro négocient en présence du président burkinabé, un accord visant à relancer le processus de paix ivoirien qui prévoit un nouveau gouvernement et le départ à terme des troupes étrangères, notamment françaises, du pays. Le reportage se finit sur un commentaire pour le moins surprenant : « la paix en Côte d'Ivoire dépend de la volonté des ivoiriens ». Cette phrase porte en son sein un grand nombre d'ambiguïtés. N'est il pas le signe d'un point de vue occidental qui regarde le conflit africain en considérant que les populations africaines sont seules responsables des crises qu'elles traversent ? Ne serait ce pas sous entendre qu'il existerait, chez ces peuples, des « prédispositions » qui les pousseraient au déchirement ? N'est ce pas masquer les véritables enjeux et ressorts d'une crise et couper ainsi tout un pays de son histoire économique, sociale et politique ? N'est ce pas aussi présenter une situation quelque peu flatteuse pour une France qui ne serait intervenue que pour éviter les violences et engager la paix ?
La Côte d'Ivoire, ancienne colonie française, a connu l'indépendance en 1960. De cette date jusqu'au début des années 9O, le pays est gouverné par Houphouët Bonny, représentant du parti politique unique. Celui-ci a développé un partenariat très fort avec la France et a engagé son pays dans un fort développement économique. Ainsi, la Côte d'Ivoire était qualifiée « de modèle », on soulignait le « miracle ivoirien » tant en termes économiques qu'en termes d'union et paix nationales. La situation semble bien différente de nos jours et depuis le début des années 90, date de la mort de celui qui gouverna pendant plus de 30 ans : instabilité politique, crise économique et sociale, coup d'Etat en 99 puis en 2002 et depuis 2002 guerre civile dans un pays scindé en deux (Nord/Sud) et en proie à des violences multiples. Comment peut-on comprendre le passage entre ces deux situations pour le moins opposées ? Dans les années 90, l'identité nationale ivoirienne devient un débat omniprésent dans la sphère publique. A travers le concept d' « ivoirité » des hommes politiques vont redéfinir qui est ivoirien. Comment les successeurs de Houphouët Bonny vont-ils radicaliser l'acception du vocable « ivoirité » le faisant glisser d'un discours nationaliste, qui devait fédérer les ivoiriens à un discours xénophobe ? Pourquoi de tels hommes ont eu recours au début des années 90 à une telle idéologie ? Quelles vont en être les conséquences ?
[...] Selon Bédié, ce concept permet de mieux préserver l'identité nationale, en réalité cela lui permet d'évincer son principal adversaire. Ainsi pour être ivoirien il faut remplir deux critères : le critère de la nationalité ivoirienne (nationalité transmise par les deux parents, qui doivent eux –même tous deux avoir des parents ivoiriens) et l'appartenance à une ethnie autochtone, que la CURDIPHE prendra soin de lister. Au final, Bédié par l'intermédiaire de concept a créé un outil discriminatoire qui distinguera les vrais ivoiriens des autres. [...]
[...] Comment et pourquoi le sentiment d'ivoirité s'est il radicalisé dans les années 90 ? La Côte d'Ivoire est en guerre civile depuis 2002, guerre civile qui oppose des rebelles se sentant exclus du pouvoir, au gouvernement officiel, représenté par le président Gbabgo; entre ces deux forces, l'armée française s'était d'abord interposée pour assurer la sécurité de ses ressortissants puis pour ouvrir la voie de la réconciliation politique Telle est la présentation qui a été faite de la situation ivoirienne le dimanche 4 mars 2007dans un journal télévisé français. [...]
[...] En effet, la construction étatique telle qu'elle a été menée par Houphouët Bonny loin d'avoir assurer la paix intérieure, a toujours été faite avec une certaine forme de partialité de telle sorte que certains groupes ethniques se sentaient exclus ou discriminés .En effet, s'il a assumé une politique d'ouverture des frontières, il a mené en parallèle une politique discriminatoire. Certains postes de la fonction publique et de l'armée étaient réservés à certaines ethnies : cette préférence nationale sera d'ailleurs étendue dans la plupart des entreprises privées. [...]
[...] S'appuyant sur ce contexte de fragilité, les prétendants à sa succession vont instrumentaliser la notion d'ivoirité à des vues stratégiques. En effet, à la mort de cet homme, le pays est en recherche de cohérence Dès lors, le concept devient l'outil d'une véritable idéologie, qui va faire basculer le concept d'une acception nationaliste à la xénophobie. Dans cet esprit il nous faudra étudier la genèse de ce concept et son utilisation sous Bédié avant de s'intéresser à l'emploi que les successeurs, Guei et Gbagbo feront de la notion (B).Cette analyse soulignera comment une politique qui se voulait nationaliste est devenue xénophobe, renforcent ainsi nettement les rivalités interethniques issues du règne de Houphouët Bonny. [...]
[...] Le concept d'ivoirité en distinguant les ivoiriens de souche des autres a permis de véhiculer une sorte de supériorité des ivoiriens de souche avec un certain nombre de droits privilégiés. Déjà dans les années 80, un mythe de l'étranger s'était progressivement développé dans les couches populaires : il s'agirait de gens pauvres, responsables de la criminalité. D'ailleurs le CES (Conseil économique et sociale) en 1998, signe un rapport dans lequel il conclut que l'immigration massive depuis l'indépendance a eu des conséquences négatives sur les équilibres démographiques, sur la vie politique, sur l'emploi, la sécurité et la paix sociale, venant en quelque sorte conférer au mythe de l'étranger toute sa légitimité, et participant à asseoir la radicalisation du sentiment d'ivoirité. [...]
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