L'histoire contemporaine, et plus spécifiquement le XXe siècle, a vu se développer une nouvelle forme de diplomatie qui mettait en évidence l'enjeu de la projection et de la protection de l'image d'un pays sur la scène internationale. La culture devenait une affaire d'Etat, l'influence culturelle un outil de relations internationales. Cette diplomatie culturelle se distinguait de l'action culturelle à l'extérieur, très en vogue au XIXe siècle par le seul fait qu'elle était devenue une préoccupation étatique. Il convient par ailleurs de s'interroger sur ce lien qui peut être fait entre l'apparition de cette diplomatie culturelle à caractère officiel et le XXe siècle, marqué par l'affrontement d'Etats-Nations, avides d'imposer leur domination et d'étendre leur influence. Et il convient de remettre ce phénomène dans un temps plus long de l'histoire contemporaine.
Dans les stratégies choisies par les Etats pour étendre leur influence, les réseaux d'instituts à l'étranger s'avèrent particulièrement efficaces, ils marquent une présence, jouent le rôle de vitrine, et proposent des manifestations qui permettent de mieux cerner et de mieux apprécier la culture du pays qu'ils représentent. Ils sont à la fois destinés à séduire l'élite cultivée du pays d'accueil et à affirmer un dynamisme culturel fort. Apparus au cours du XXe siècle, ils retracent à eux seuls tous les défis auxquels dut faire face la diplomatie culturelle, et résument ses évolutions. Pour mieux appréhender le phénomène, il convient de s'intéresser à la place de ces instituts dans une ville au rayonnement culturel international très important, comme Paris. Toutefois, les instituts culturels n'ont fait l'objet que de quelques monographies et non pas d'études historiques approfondies et globales et les champs étudiés restent profondément européens comme l'atteste l'ouvrage de François Roche, La crise des institutions nationales d'échanges culturels en Europe. C'est pourquoi nous tenterons de montrer en quoi les instituts obéissent aux dynamiques qui ont scandé la diplomatie culturelle et ce propos sera illustré par les exemples des établissements présents dans Paris. On peut alors s'interroger sur les nouvelles fonctions diplomatiques qu'ont endossées ces établissements dans la capitale française.
Ainsi, ce sujet peut être abordé en deux temps.
[...] À ce titre, la France a fait figure de précurseur en instituant une politique culturelle internationale dès la fin du XIXe siècle. On peut ainsi parler d'un moyen de pallier les pertes dans d'autres domaines de l'évaluation internationale. Il convient de revenir rapidement sur le cas français pour comprendre les enjeux de cette diplomatie palliative En effet, après la défaite de Sedan fut considéré à l'époque comme un cataclysme culturel et malgré la croissance et la prospérité de la Belle Époque, la France est reléguée au quatrième rang des puissances mondiales, se faisant surpasser par la Grande-Bretagne, l'Allemagne et surtout les États-Unis. [...]
[...] Si l'on peut dire que toute diplomatie peut être qualifiée de culturelle, dans la mesure où les décisions et les actions diplomatiques sont des produits culturels agents décisionnaires reflètent le milieu historique auquel ils appartiennent-, il semble toutefois que qu'il est encore possible de distinguer une diplomatie culturelle consciemment poursuivie pour elle-même –comme le font les anciennes grandes nations européennes- et une diplomatie plus traditionnelle, définie pour atteindre des objectifs nationaux spécifiques, tels que la défense, l'intégrité du territoire ou le commerce. La diplomatie culturelle poursuivrait alors des quêtes plus globales, comme la promotion de la compréhension mutuelle. [...]
[...] Pourtant, la diplomatie culturelle est un enjeu fondamental des relations internationales. Imagine-t-on un seul instant un État contemporain se priver de l'opportunité d'user de son influence linguistique ou culturelle pour renforcer ses positions diplomatiques, stratégiques et commerciales ? Peut-il se désintéresser de l'image qu'il offre de lui-même à l'étranger ou de celle que ses concurrents véhiculent de lui ? Enfin, peut-il ignorer les revenus provenant de sa production artistique, l'intérêt que représente le nom de ses artistes, ou de ses écrivains et surtout les millions de touristes que son prestige culturel peut drainer vers ses frontières ? [...]
[...] Par ailleurs, cette institution aura eu un rôle fondamental durant la guerre froide du fait de la position-clé de l'Allemagne sur la scène européenne, une mission de promotion de la paix et de la liberté (Förderung von Frieden und Freiheit) lui est confiée en 1975 qui se place dans le courant qui mène la même année aux accords d'Helsinki.[24] Et après la chute du communisme, le Goethe Institut dut se confronter à la réunification et hérita-t-il du système est-allemand de coopération culturelle au caractère dirigiste, voire totalitaire. Au cours du XXe siècle, les instituts culturels ont donc dû faire face à des défis essentiels, et à des crises géopolitiques importantes. Ainsi, ces institutions nationales ont-elles été confrontées à des conflits nationaux, européens ou mondiaux, à des chocs idéologiques violents ou larvés, à des bouleversements politiques importants qui ont contribué à les façonner. [...]
[...] “Culture determines what the ends of a nations are, power provides the means for obtaining dans Cultural Internationalism and World Order, Baltimore, The John Hopkins University Press p. 11-12 Tel que mis en évidence dans l'article Diplomaties culturelles et décadences nationales : réflexion sur le XXe siècle de Jean-Marc DELAUNAY dans Géopolitique de la culture, op. cit. Ce lien particulier entre Paris et les pays de l'Est est développé dans l'article de Michel TREBITSCH, Paris, capitale culturelle de l'Europe centrale ? Vingtième siècle, vol nº47, année 1995, p. 201- 205 Expression empruntée à Jean-Marc DELAUNAY dans l'article Diplomaties culturelles et décadences nationales op. [...]
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