Dès le début des années 70, le monde connaît un accroissement, une intensification et une diversification des flux économiques, sociaux et culturels, à traversent les frontières et en dehors du contrôle des Etats. Ce phénomène n'est pas nouveau en lui-même, mais son ampleur semblent contredire singulièrement le paradigme réaliste d'un monde stato-centré selon lequel les Etats domineraient et règleraient sans contestation les affaires du mondes. L'autorité et l'identité de ces Etats font face en effet à l'émergence croissante d'acteurs transnationaux.
C'est dans ce cadre que se posent plusieurs questions :
- Qu'est ce qu'un acteur transnational ? Comment le définir ? Un acteur se définit par ses qualités propres, en relation avec un contexte, mais aussi par ses relations avec les autres acteurs, les effets de ses actions sur leurs comportements et, de manière générale, sur son environnement. C'est une question de statut et de rôle.
- Qui sont ces acteurs transnationaux ? Pourquoi seraient-ils reconnus, et par qui ? Quels sont les différents types de reconnaissance d'un acteur transnational ? Au-delà de ses relations avec l'Etat, qui semblent le cœur du sujet, il ne faut pas négliger le fait que cette reconnaissance est aussi celle des chercheurs, et que cette question de la reconnaissance pose une querelle de paradigme en RI.
Le sujet part d'un présupposé, « au-delà de la sphère interétatique », mais il n'est pas certain que ces acteurs transnationaux soient en mesure de créer un espace autonome et distinct de la sphère interétatique. C'est là tout le dilemme de la question. Interroger la reconnaissance des acteurs transnationaux, c'est aussi soulever le problème de leurs modes opératoires, de leurs capacités, et des opportunités qu'ils rencontrent. Ne se définissent-t-ils pas principalement par rapport aux frontières, et donc par opposition aux Etats ?
Une question importante : l'Etat et l'individu sont-ils réellement des acteurs transnationaux.
Nous allons traiter le sujet dans une approche plus réaliste que transnationaliste, afin de mener une critique plus efficace et pertinente des théories de Rosenau. Mais cette approche critique n'est elle-même pas exempte de contradictions et de présupposés (la place centrale de l'Etat par exemple).
Problématique : Quelle est la place et le rôle des acteurs transnationaux dans le système international ? Autrement dit la reconnaissance croissante dont bénéficient les différents acteurs transnationaux modifie-t-elle le comportement des Etats à leur égard?
Idée générale : Bien que la montée en puissance des acteurs transnationaux provoque des turbulences et ébranle la hiérarchie du système Westphalien, il paraît prématuré d'affirmer que la reconnaissance des acteurs transnationaux, même elle participe ou facilite un débordement des Etats, modifie réellement le rapport de ces acteurs avec l'Etat sur le plan international. La théorie d'un monde multi-centré est donc fragile, sinon contestable.
[...] Voici l'ébauche d'une typologie partielle : - Reconnaissance théorique (typologies et études) : ex-concept de sécurité humaine - Reconnaissance juridique (droit international) : ex droits de l'homme - Reconnaissance médiatique (visibilité publique) : ex l'altermondialisme - Reconnaissance financière (aide au budget) : ex les OIG - Reconnaissance politique (consultation/décision) : ex les ONG La reconnaissance est une représentation de l'autre et la prise en compte de son importance. C'est une typologie réduite, et qui prête à discussion. On aurait pu souligner le caractère institutionnel de la reconnaissance politique, puisque les acteurs transnationaux participent à des procédures avec des règles déterminées. On aurait pu aussi souligner le caractère très stratégique de certaines négociations politiques, comme dans le cas du terrorisme. Développons l'exemple de la reconnaissance théorique. [...]
[...] Ashley défend même l'idée que le monde stato-centré serait désormais devenu subordonné aux exigences et aux activités du monde multicentré, puisque les Etats seraient en position de faiblesse pour l'accès aux ressources et pour négocier (l'article correspondant est peut-être : Untying the Sovereign State: A Double Reading of the Anarchy Problematique." Millennium 17 (Summer 1988): 227-262 ; autrement il y a un article intéressant qui traite de cette question sous l'angle des weak states en reprenant en partie les théories d'Ashley : http://www.bisa.ac.uk/2006/pps/closson.pdf). En fait, la question qui se pose est : quelle est la mesure d'un tel débordement ? Est-il permanent ? [...]
[...] Il distingue huit catégories d'acteurs transnationaux (page 119 cf. tableau): - les citoyens, membres (l'entrepreneur Armand Hammer entre US et URRSS) - l'homme public (les personnalités, Mandela pour la paix) - les acteurs privés (l'étudiant Wang Weilin à Tien An Men) - les mouvements (religieux, sociaux, ethniques) - les foules sans leaders (les migrations, les spéculateurs) - les organisations transnationales (les firmes multinationales, les mafias, les ONG) - les sous-groupes (les régions, les administrations, la police par exemple) - les Etats Remarque : les sous-groupes sont des mouvements ou organisations dont les membres s'investissent sur le long terme, et dont les leaders occupent des postes de hiérarchies, et dont l'activité est soumise à la souveraineté ou la politique de l'Etat. [...]
[...] Elle repose plus sur une impression générale que sur une étude concrète. L'émergence d'une opinion publique mondiale stimulée par l'éducation de masse et les médias n'est pas une idée nouvelle et continue de faire son chemin, réactualisée notamment en 2003 par les nombreuses manifestations contre la guerre en Irak ; cela reste cependant à prouver (cf. Bourdieu l'opinion publique n'existe pas). Et la connaissance des sujets n'est pas synonyme d'esprit critique. Le problème est donc là : comment mesurer la compétence ? [...]
[...] Quelle reconnaissance donc pour quels acteurs transnationaux? - Cela dépend de l'autonomie, de la capacité à agir dans les structures et processus - Cela dépend aussi leurs moyens, de leurs ressources - Cela dépend de leurs objectifs. Que cherchent-ils à obtenir avec quelles valeurs ? Dans le domaine politique et stratégique, les Etats sont parfois obligés de reconnaître des groupes qui usent de la violence comme leurs égaux, ce qui affaiblit la représentation de leur souveraineté. Les individus peuvent être considérés comme acteurs transnationaux puisqu'ils participent activement aux procédures et aux enjeux de ce monde. [...]
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