En Turquie puis en Algérie, les dirigeants optent pour une politique linguistique qui fait la promotion d'une langue unique, respectivement le turc dès 1928 et l'arabe classique à partir des années 60. Cette langue unique, en tant que référant national, doit favoriser l'émancipation de la république turque du legs ottoman et de l'Algérie indépendante du joug français. Cependant, ces politiques linguistiques ne tiennent pas compte des réalités linguistiques plurielles de ces deux pays. En effet, l'arabisation de l'Algérie se fait au détriment de l'arabe algérien et du berbère ; et la turquification, au détriment de la langue kurde, principalement.
Ainsi, nous verrons en premier lieu les fondements de ces deux politiques linguistiques, inscrites chacune dans des processus d'émancipation et de cohésion nationale, et qui institutionnalisent des langues autrefois rejetées. Puis nous verrons dans un second temps comment, dans un réflexe défensif face au mythe séparatiste, l'Algérie et la Turquie excluent les langues parlées.
[...] Les Kabyles notamment ont vu dans l'arabisation une menace pour la survivance non seulement de leur langue mais aussi de leur identité propre. Les autorités algériennes dévalorisent donc les langues parlées afin d'imposer l'arabe classique, tout comme le colonisateur français assimilait l'arabe algérien à une langue barbaresque vulgaire afin d'imposer la langue française. De plus, l'idée du séparatisme kabyle est bien ancrée dans la mentalité des dirigeants algériens qui en ont fait une sorte de mythe. En effet, Messali Hadj, le père du nationalisme algérien, considérait l'arabe algérien et le berbère comme relevant d'une stratégie du colonialisme français pour diviser les Algériens, et cette idée est reprise par le FLN et les pouvoirs successifs depuis l'indépendance. [...]
[...] C'est cette langue, celle du Coran et de la prière, mais qui n'est nulle part une langue maternelle, qui est réintégrée, à la fin des années 60, afin de la substituer au français, dans le cadre de la révolution culturelle Dans l'enseignement : Dès octobre 1962, le président Ben Bella annonce l'enseignement de l'arabe dans les écoles: ce qui sera fait à la rentrée de 1963, à raison de 10 heures d'arabe sur 30 heures par semaine. En 1964, l'arabisation totale de la première année du primaire est réalisée. [...]
[...] Le 1er décembre de la même année, les journaux, revues, affiches, enseignes, cinémas doivent tous utiliser le nouvel alphabet. Suivent, à partir du 1er janvier 1929, la correspondance dans toute l'administration publique, les banques, les sociétés commerciales, les livres Ainsi, les inscriptions arabes disparaissent des rues et des documents en quelques semaines, alors que Mustafa Kemal, armé d'une craie et d'un tableau noir portatif, parcourt le pays pour donner lui-même des leçons d'écriture du nouvel alphabet dans les écoles et places publiques. [...]
[...] En 1973, les autorités suppriment la Chaire de Berbère de l'Université d'Alger. En 1996, c'est une loi sur la généralisation de l'utilisation de la langue arabe qui est votée à l'assemblée législative algérienne, à l'unanimité. Elle stipule qu'à la date du 5 juillet 1998 les administrations publiques, les institutions, les entreprises et les associations quelle que soit leur nature, sont tenues d'utiliser la seule langue arabe dans l'ensemble de leurs activités telles que la communication, la gestion administrative, financière technique et artistique. [...]
[...] Par ailleurs une tentative est faite pour diminuer la place de la langue française en lui substituant la langue anglaise en option à la quatrième année du primaire. L'arabisation se poursuit aussi dans l'environnement : arabisation de l'état-civil, des noms de rues, des plaques d'immatriculation. Le vendredi est déclaré jour de repos hebdomadaire, à la place du dimanche. Idéologie arabo-islamique sous-jacente : En 1967, le ministre de l'éducation de Boumédiène, Taleb Ibrahimi, décrit l'arabisation comme la récupération de l'âme algérienne par les Algériens Dès 1970 il l'inscrit dans un cadre plus large, celui de la révolution culturelle animée selon lui d'une volonté de transformation de l'homme et de la société afin de former un homme nouveau dans une société nouvelle Le nouveau type d'homme doit retourner aux sources de la culture arabo-islamique sa culture nationale d'origine Pour ce faire, Taleb Ibrahimi propose aux algériens un travail de désaliénation qui doit s'opérer au niveau des esprits de la manière la plus profonde possible afin de dépasser l'humiliation de la colonisation française (qui a mis en place le système éducatif français et fait du français la langue officielle). [...]
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