L'attitude initialement active de la France à l'égard de l'alliance doit toutefois être interprétée comme visant à mettre en œuvre ses ambitions propres : lui assurer un rôle mondial et affirmer son leadership en Europe, la sécurité européenne devant à ses yeux également reposer sur un pôle européen continental dont elle aurait assuré la direction. La tournure prise par la constitution de l'Alliance est ainsi à l'origine de frustrations qui s'avèrent déterminantes dans la « place particulière » que la France allait s'aménager dans le cadre de l'organisation : alliance dominée par les Anglo-Saxons qui refusent de lui reconnaître une place privilégiée en « trilatéralisant » leur special relationship, dilution de l'européen dans l'atlantique après l'échec de la création d'une entité européenne autonome… Les incompatibilités entre les ambitions françaises et la configuration de l'OTAN allaient être à l'origine du retrait de l'organisation militaire intégrée en mars 1966, décision fondatrice de la position particulière de la France dans l'OTAN. La spécificité de position française dans l'OTAN peut s'analyser selon deux acceptions : le rôle effectivement joué par la France dans le cadre de l'organisation, mais aussi la conception que celle-ci défend de l'Alliance atlantique.
[...] Avec le recul, il est apparu que la décision gaullienne n'avait pas conduit à une rupture militaire entre la France à l'OTAN, mais qu'elle avait au contraire permis le renforcement du rôle français dans la défense collective, sur une base renouvelée : la coopération entre OTAN et une puissance française nucléaire autonome, désormais placée en réserve de la défense avancée en Allemagne, en définitive plus appropriée à la nouvelle configuration de ses forces : une dissuasion autonome soutenue par des forces conventionnelles en croissance, placées sous commandement unique national. Dès l'été 1967sont signés les accords Ailleret-Lemnitzer (longtemps restés secrets) qui allaient constituer le cadre durable de la coopération, garantissant l'autonomie de décision française et le maintien de la solidarité militaire avec les alliés. Les années 70-80 marquèrent notamment un renforcement notable du rôle militaire de la France en Centre- europe, à tel point que l'ampleur de la participation éventuelle des forces françaises à la défense de l'Europe était inversement proportionnelle à la publicité qui lui était donnée. [...]
[...] De la guerre froide au nouvel ordre européen, éd Masson, IFRI Regroupant à l'origine les 12 pays signataires du Traité en 1949, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord s'est élargie pour comprendre aujourd'hui 26 membres (depuis 2004). De Gaulle confia à Alain Peyrefitte qu'il avait volontairement demandé la lune Ce préambule rappelle en effet l'attachement de la RFA à la défense commune dans le cadre de l'Alliance de l'Atlantique Nord et l'intégration des forces des pays appartenant à cette alliance ainsi qu'à l'unification de l'Europe [ ] en incluant la Grande-Bretagne L'idée fondamentale de la riposte graduée, qui remplace le concept de représailles massives qui prévalait jusqu'alors, est d'aménager une escalade contrôlée d'emploi des moyens en prolongeant, autant que possible, la phase conventionnelle d'un affrontement: à la diversification des attaques possibles répond la diversification des réactions par paliers, avec des pauses. [...]
[...] Paris jugeait ce changement inacceptable : il représentait un aveu de l'érosion de la dissuasion américaine élargie, et tendait à faire du Vieux continent un champ de bataille potentiel tout en sanctuarisant les territoires des deux Grands. Pour de Gaulle, seule la réalisation d'une capacité de dissuasion autonome française et peut-être à terme européenne, permettrait de garantir la sécurité européenne. La nouvelle capacité nucléaire française[5] devenait incompatible avec son intégration dans le cadre de l'OTAN en raison des divergences sérieuses sur les plans d'emploi et le franchissement du seuil de passage au nucléaire. B. [...]
[...] Engagé avec le chancelier Adenauer, le mouvement aboutit au Plan Fouchet, dont l'objectif est la création d'une Europe des Etats à six, dotée en particulier d'une capacité et autonomie propres en matière de politique étrangère et de défense, levier indispensable pour imposer aux alliés le rééquilibrage de l'ensemble occidental. Le rejet du projet en avril 1962 est en partie imputable aux arrières pensées atlantistes des partenaires de Paris et Bonn, et déboucha sur la signature en janvier 1963 du traité de l'Elysée, à son tour vidé de sa substance par le préambule ajouté par le Bundestag[3]. Dès lors, les ambitions stratégiques européennes de la France s'expriment avant tout dans son rejet de plus en plus ouvert de l'intégration atlantique. [...]
[...] Désormais, la remise en cause du statu quo atlantique s'accompagne d'une remise en cause plus fondamentale du statu quo des blocs : dépasser Yalta devient un maître mot de la politique étrangère de De Gaulle, ce qui implique une distanciation avec l'intégration atlantique, facteur de pérennisation du conflit Est-Ouest. Ce n'est pas un hasard si le voyage du président français (fin juin 1966) prend place trois mois à peine après l'annonce du retrait la logique de rupture stratégique : La question nucléaire devient à partir de 1962 l'enjeu central des rapports France-OTAN. Dès la fin de l'administration Eisenhower s'engage une réflexion stratégique aux E-U qui devait déboucher sur le concept de riposte graduée[4]. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture