Les formes de références au religieux et plus largement au sacré (qui, par son opposition au profane, marque l'essence du phénomène religieux) sur la scène internationale comme au niveau national se multiplient dans l'actualité et ce depuis quelques dizaines années. La colorisation du discours politique par un discours religieux relève de ce que, toutes disciplines confondues, on appelle le « retour du sacré ». Le consensus est majeur quand à la réalité de ce phénomène sans pour autant qu'on puisse en donner une définition claire. En effet, s'il y a bien une résurgence de l'énonciation religieuse et de revendications relevant de celle-ci, les points de vue restent flous sur l'époque de comparaison qui justifierait la notion de « retour ». La période de mise sous silence du religieux serait marquée par la deuxième partie du XXème siècle où la bipolarité régissait l'ordre mondial, et donc cristallisait la teinte idéologique des conflits. Cependant, il est difficile de faire ressortir, à travers la bibliographie, un « âge d'or » du sacré sur la scène internationale. Je partirai donc du fait que ce sont les Lumières, dans le cours de l'Histoire occidentale, qui aura marqué le passage d'une société basée sur la foi et les croyances à une société et un mode de fonctionnement basé sur la raison. Ainsi, les moments forts du religieux sur la scène internationale seraient principalement les conflits menés « au nom du sacré », c'est-à-dire typiquement les guerres de colonisation ou encore les croisades.
Ainsi les phénomènes que nous observons depuis la fin de la bipolarité (et pour Kepel qui date de la moitié des années 1970) relèvent-ils de la volonté de teinter le discours politique des élites par la religion pour lui donner plus de force, ou bien cela relève-t-il d'un processus tout à fait inédit ?
Je structurerai donc ma réflexion selon deux axes qui viseront à déterminer en quoi le retour du sacré s'est bien fait en partie à travers des stratégies élaborées par des élites lors de conflits, mais qui n'a été que la voie pour l'expression du sacré par d'autres moyens et d'autres acteurs sur la scène internationale.
[...] Par ailleurs, les sectes (dont l'émergence est permise par la dynamique de ces mouvements sociaux) encouragent également une nouvelle énonciation des problèmes de politique internationale. Elles se veulent en effet porteuse d'une critique radicale de l'ici-bas, de la remise en cause des hiérarchies, etc et s'érigent ainsi en parfait substitut au démantèlement des idéologies politiques révolutionnaires. Dans le contexte de la mondialisation, elles disposent d'une forte capacité de mobilisation et d'organisation de réseaux transnationaux, défiant les souverainetés étatiques. Les sectes s'emparent d'espaces sociaux démobilisés, bénéficient de la délégitimation des Etats, comme de l'affaiblissement des Eglises, s'alimentent des phénomènes de résistance des structures sociales communautaires. [...]
[...] Leur influence est telle qu'ils voient certains pays islamiques en appeler à leur soutien dans un souci de légitimation et relaient les discours religieux. Cependant, la forme la plus poussée de ce fondamentalisme fait passer la contestation qui se tournait jusqu'alors à l'encontre de l'Etat-Nation, vers l'Ordre International, et particulièrement la culture occidentale La contestation de l'ordre mondial En effet, selon Badie, un discours de contestation qui se limiterait systématiquement à la dénonciation de l'ordre interne abandonnerait une bonne part de sa pertinence. [...]
[...] Ces espaces vont donc pouvoir être comblés par des entrepreneurs identitaires, et dans des cas plus précis, religieux, d'autant plus facilement que le sacré est un phénomène transnational par excellence. C'est le cas par exemple des mouvements associatifs à caractères religieux, notamment chrétiens. En Afrique subsaharienne par exemple, l'échec de l'Etat est suffisamment manifeste pour qu'ils puissent jouir d'une certaine influence. Les sociétés tendent à se restructurer autour de ces réseaux puisqu'ils constituent un contrôle efficace des politiques de développement, mais permettent aussi une réelle cogestion, avec l'Etat, de la fonction citoyenne. [...]
[...] La stratégie déployée se fait selon différents axes : on compare d'abord ses prétentions à celles de l‘adversaire, dans une logique de Dieu contre Satan, où toutes les affirmations en compétition apparaissent comme blasphématoires. C'est le cas de la guerre civile en Yougoslavie où le destin du président serbe et de ses compagnons était identifié à celui de Jésus, alors que les bosniaques musulmans étaient comparés à Juda, qui n'était pas en position d'être pardonné. Par ailleurs, la radicalisation qui s'opère de fait conduit à l'utilisation et l'instrumentalisation du terme de sacrifice (dont la version la plus poussée sont les kamikazes). [...]
[...] Ainsi, dans un premier temps la crise de l'Etat-Nation, notamment dans les pays du Sud où les modèles politiques importés se caractérisent par leur fragilité, a conduit à un déplacement de l'allégeance nationale à l'allégeance religieuse. Kepel prend notamment l'exemple des mouvements de réislamisation en Iran, qui seraient nés dans les années 1970, dans un contexte de crise de légitimité de l'Etat-Nation. La génération émergente y consistuait une partie de l'explosion démographique et la première à n'avoir jamais connu directement la colonisation et à disposer d'un certain niveau d'éducation. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture