La Seconde Guerre Mondiale a modifié de façon notable l'approche internationale de la plupart des Etats, mettant en lumière de nouveaux paradigmes, de nouvelles nécessités. De ce fait, la volonté de ceux-ci d'agir rationnellement, tout en diffusant des valeurs et des principes, apparaît de plus en plus marquée. D'une certaine manière, cela apparaît même comme une adaptation fondamentale, à posteriori, aux évolutions politiques et sociales entrevues depuis le début du siècle, et se poursuivant à travers la guerre froide et les mouvements de décolonisation. Le cas de l'attitude du bloc occidental à l'égard des satellites communistes d'Europe de l'Est et d'Europe centrale semble ici caractéristique de ces nouvelles modalités de définition de la politique étrangère des Etats. En effet, comme le souligne particulièrement la mise en place de radios comme Radio Free Europe ou Voice of America -radios visant les pays communistes européens-, les Etats agissent à la fois dans l'optique de soutenir les pays en difficultés, leur apportant des informations, des nouvelles de leurs familles, et de renforcer leur propre pays, leurs propres intérêts en se faisant porteurs de valeurs universelles et positives. Toute la controverse de la Guerre Froide, comme de la Guerre en Irak ou encore de la politique de soutien à l'Afrique de la France, est là : si l'action des Etats est profondément liée aux intérêts étatiques propres, celle-ci n'est elle nécessairement motivée que par cet intérêt, rationnellement et unilatéralement ? Cette controverse rejoint ici celle adressée à la doctrine réaliste et à son approche des relations internationales.
[...] Dans un premier temps, on peut voir qu'une approche réaliste des Relations Internationales correspondrait dans une certaine mesure à une approche de la politique étrangère entre rationalité des dirigeants et de leurs décisions et défense des intérêts nationaux. Cette théorie qui émerge dans l'entre-deux guerre et qui trouve un ancrage politique profond après la Seconde Guerre mondiale se construit en réponse à des idées faisant leur apparition après la Première Guerre mondiale, signe de l'espoir des hommes d'Etats de l'époque de voir se construire un système international basé sur la coopération, la négociation. [...]
[...] Il parait donc fondamental pour les Etats d'adopter une approche stratégique lors de leur réflexion sur la définition de leur politique étrangère, c'est-à-dire de la façon dont ils vont s'affirmer et agir au sein du système international. Tout système étant par essence flou et mouvant, la notion d'adaptation est primordial. De plus, les processus de décision, plus ou moins complexes, nécessitent une certaine flexibilité quant à la définition même des intérêts nationaux, et donc des objectifs recherchés. Les relations entre Etats, à l'instar des processus de négociation et d'action même, demeurent souvent indéterminées et se basent donc sur des jeux de stratégie. [...]
[...] De façon rationnelle ou non, il semble difficile de se couper totalement de la satisfaction des intérêts de l'Etat et de la communauté le composant, du fait de la nature même de la notion d'intérêt, sentiment égoïste qui nous attache à notre utilité particulière et de celle tout aussi égoïste de l'Etat. La mise en œuvre de la politique de l'Etat tend donc naturellement à se déplacer vers des Espaces extérieurs à celui-ci. Toutefois, si la politique étrangère a pour fonction première de faciliter par ses actions les missions de l'Etat, il n'est pas évident de définir si les dirigeants en ont le monopole, tout comme il est problématique d'affirmer que les positions défendues à l'étranger n'affectent pas directement l'intérêt des populations. [...]
[...] Ainsi, il apparaît compliqué, dans le contexte actuel d'affirmer que les Etats définissent leur politique étrangère rationnellement en fonction de leurs seuls intérêts. Si certaines théories ont été formulées allant dans ce sens, elles nécessitent une certaine adaptation pour être en mesure de conserver une certaine actualité. La place croissante des organisations internationales et de leur valeur symbolique, la multiplication des acteurs, la complexification des processus de décisions ou encore l'impossibilité d'occulter les mouvements internes empêchent les décideurs de jouir d'une parfaite autonomie et de faire preuve de rationalité pure. [...]
[...] La définition de la politique étrangère semble donc à l'épreuve de la mondialisation et de la modernité, mettant en valeur certains changements de paradigme. Depuis 1990 et la conceptualisation du hard et du soft power par Joseph Nye, le néoréalisme tend à céder sa place à des écoles néolibérales, voire constructivistes, plus optimistes, et laissant plus de place à des stratégies de coopération, à une pluralité d'acteurs et aux phénomènes d'interdépendance complexe (O'Keohane et Nye). L'unilatéralisme qui consisterait à définir une politique étrangère indépendamment du contexte, des acteurs et en fonction d'intérêts égoïstes semble dépassé, d'où la nécessité nouvelle d'allier Hard et Soft Power. [...]
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