Le 1er mars 2003, la Turquie refusait aux Etats-Unis l'utilisation de la base d'Injati et le stationnement de troupes américaines sur son territoire empêchant ainsi l'ouverture d'un second front par la coalition menée par les Etats-Unis dans sa campagne iraquienne, entraînant ainsi une tension dans ses relations avec Washington. Même si depuis lors, de nombreux efforts ont été fournis par l'Administration Bush pour créer un rapprochement, les rapports entre les deux pays restent indéniablement tendus, marqués par un manque de confiance mutuel. Une nouvelle période semble s'être ouverte avec la fin du soutien automatique de la Turquie à la politique d'interventionnisme américaine et la prise de conscience et en considération par les dirigeants turcs de ses propres intérêts stratégiques et une volonté d'autonomisation en matière militaire et défensive.
Actuellement, ni la position stratégique, ni sa force militaire, ni les nouveaux dangers et enjeux sécuritaires mondiaux ne permettent pas à la Turquie de jouer cavalier seul. Sa volonté séculaire de se voir rattachée à l'Occident la mène donc à la croisée des chemins avec, d'une part, une alliance stratégique avec les Etats-Unis et d'autre part la perspective d'une adhésion à l'Union européenne. Cependant, dans les deux cas, ses rapports avec les nations occidentales sont inégaux. S'étant quelque peu distancée des Etats-Unis depuis la campagne iraquienne de 2003 et s'engageant dans un processus de négociations d'adhésion avec l'Union européenne – processus promettant d'être long et difficile – la Turquie se retrouve actuellement à équidistance de ces deux pôles défensifs. Cette position pourrait se révéler avantageuse pour la Turquie puisqu'elle pourrait lui permettre d'accroître son poids dans ses rapports de forces avec les autres pays. En effet, que se soit avec les Etats-Unis ou l'Union européenne, la Turquie souffre d'une infériorité chronique due au fait qu'elle est la demanderesse principale dans la relation et qu'elle dépend effectivement du bon vouloir de ses interlocuteurs. A plus d'une reprise, la Turquie s'est retrouvée confrontée à la réalité de sa politique étrangère : coincée entre sa volonté farouche d'appartenance à l'Europe et le fait que sa relation bilatérale principale n'est pas avec l'Europe mais avec les Etats-Unis.
Un mouvement de balancier entre les deux pôles occidentaux pourrait renverser ce rapport de force et octroyer à la Turquie une place accrue au sein des alliances stratégiques ainsi qu'une plus grande prise en compte de sa voix et de ses intérêts propres. Dans quelle mesure cette option pourrait-elle être envisageable ? Est-ce ce que le gouvernement turc entreprend depuis 2003 ? Les Etats-Unis et l'Union européenne sont-ils disposés à rentrer dans ce jeu ? La Turquie ne risquerait-elle pas de se retrouver isolée ? C'est ce que cette étude tâchera d'éclaircir. Premièrement, nous opérerons une analyse comparative de ce qu'un rapprochement avec chacun de ces deux pôles comporte comme avantages mais aussi comme concession pour la Turquie. Nous verrons ensuite les options qui s'offrent concrètement à elle et quelle voie elle semble prendre actuellement ainsi que les implications qu'une telle orientation de sa politique diplomatique et stratégique entraîne.
[...] D'autre part, on peut mesurer l'importance accordée par l'administration Bush à la restauration de son alliance avec la Turquie par la multiplication des visites officielles et déclarations faites en sa faveur. La première eut lieu immédiatement la crise de mars 2003. Colin Powell, alors secrétaire d'Etat, effectua un premier voyage dès le début du mois d'avril suivant afin de tenter de colmater les brèches existantes dans les relations des deux pays et afin de réclamer à nouveau l'assistance de la Turquie. [...]
[...] La naissance du pôle européen de sécurité et de défense Pour constituer ce pilier européen, il ne restait plus alors que l'Union européenne. Et pour que ce projet de mise en place d'une défense européenne autonome ne mette pas en péril les relations américano- européennes, il était nécessaire que celle-ci ne soit pas conçue comme option alternative mais complémentaire aux missions que l'OTAN s'était assignées. Si le traité de Maastricht jeta en la matière les premières bases mais tout restait à faire. L'interrogation consistait alors dans le rôle à attribuer à l'UEO. [...]
[...] En effet, si l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne implique la fin du systématisme de l'appui diplomatique et militaire turc apporté à la politique américaine, l'adhésion permettrait aux Etats-Unis de conserver la Turquie dans sa sphère d'influence puisque l'Union européenne a clairement fait le choix de limiter l'autonomie de la PESD vis-à-vis des structures de l'OTAN. Cette adhésion est donc le meilleur moyen d'ancrer durablement la Turquie dans le bloc occidental sans minimiser l'atout considérable d'une alliance solide avec la Turquie, tant au niveau géostratégique que militaire. [...]
[...] A l'Est, elle est le véritable bouclier des nations occidentales. Face au monde caucasien, elle oppose sa barrière à l'Iran. Au sud-est enfin, la Turquie constitue à la fois le contrefort et le prolongement de l'Europe face aux turbulences secouant le Proche-Orient. La Turquie s'affirme donc de toute part comme la pièce maîtresse de la sécurité occidentale[5]. Le 11 septembre marqua particulièrement un tournant dans ce domaine avec un regain d'intérêt pour la Turquie particulièrement auprès des Etats-Unis[6]. Dans le cadre de la lutte internationale contre le terrorisme et les états voyous instiguée par ces derniers, la Turquie fut à nouveau envisagée comme étant un pays stratégiquement vital pour la coalition de part son voisinage direct avec l'Irak et l'Iran. [...]
[...] Cependant, la Turquie ne peut que constater sa soumission structurelle à l'agenda et à priorités imposées par les Etats-Unis. Un exemple de l'indigence du principe égalitaire au sein de l'Alliance réside dans le système de prise de décision. Le Traité fondateur prévoit que cette prise de décision doit se faire par la voie du consensus ce qui devrait constituer un atout non négligeable pour la Turquie, lui permettant ainsi d'exposer sa position et de partager sa vision et ses intérêts sur les différentes questions traitées au sein de l'Alliance sur un pied d'égalité avec les autres états membres, y compris les Etats-Unis et les pays membres de l'Union européenne. [...]
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