Il est devenu commun de parler des effets pervers de la mondialisation. Parmi eux, il est de plus en plus fait mention des paradis fiscaux, en soulignant les effets négatifs et la mauvaise image qu'ils donnent à la mondialisation, entendue alors dans son sens économique. Récemment, de nombreuses réactions de la part d'Etats et d'organisation internationales ont été enregistrées contre ce phénomène. On peut ainsi recenser au moins six travaux sur les paradis fiscaux réalisés ces dernières années. Toutes ces études tendent à faire des paradis fiscaux la plaie de la mondialisation. On peut pourtant se demander s'il s'agit d'une vision juste de la réalité. Les paradis fiscaux sont-ils vraiment des 'passagers clandestins' de la mondialisation ?
[...] Les termes de “passagers clandestins” font appel, à travers la métaphore, à une double idée. Non seulement des Etats qui participent à la mondialisation sans y être invités, c'est à dire des intrus, mais aussi des Etats qui profitent de la mondialisation sans en payer le prix, quel qu'il soit, c'est à dire des parasites. Avant même d'apporter une réponse, il faut rappeler la diversité qui se cache sous le vocable de paradis fiscaux. Ceux ci représentent près de 90 territoires, qui constituent non seulement des paradis fiscaux, mais aussi des paradis bancaires et juridiques. [...]
[...] Ces deux activités font des paradis fiscaux des parasites de la mondialisation. Profitant des lacunes dans les réglementations fiscales des Etats, les paradis fiscaux drainent chaque année des flux de capitaux qui échappent sciemment à la taxation dans l'Etat de résidence de leurs bénéficiaires. On parle alors d'évasion fiscale. Ceci a une influence néfaste sur les politiques fiscales des Etats, mais aussi sur les flux financiers mondiaux. Le rapport de l'OCDE de 1998 a souligné les effets néfastes des paradis fiscaux sur les politiques fiscales nationales, en rappelant qu'ils sapent la base d'imposition des Etats. [...]
[...] On peut encore citer l'utilisation de paradis fiscaux par des banques centrales. La banque centrale italienne a confié pendant longtemps une partie de ses réserves de change au fond spéculatif américain LTCM, jusqu'à sa quasi faillite en 1998. Dans un autre registre, la banque centrale russe a caché 150 milliards de dollars de ses réserves à Jersey pour échapper à ses créditeurs étrangers. On peut enfin citer le cas d'Etats industrialisés qui entrent dans le jeu de l'offshore. Londres a ainsi permis à ses entreprises de payer des intérêts à l'étranger, sans taxe, ce qui revient à faciliter l'évasion fiscale tout en retirant des bénéfices fiscaux de l'afflux de capitaux. [...]
[...] L'exemple des Pays Bas est tout aussi pertinent. Le réseau de traités fiscaux constitué par ce pays a permis de rapatrier des capitaux aux Etats-Unis sans taxation, par un phénomène appelé treaty shopping, c'est à dire l'utilisation de ce type de réseau par l'intermédiaire de sociétés relais, profitant alors de chemins fiscaux détournés. En définitive, il apparaît que les paradis fiscaux ont toujours été connus, voire parfois instrumentalisés. Aujourd'hui, les paradis fiscaux font partie intégrante de la mondialisation, en tant qu'élément de l'infrastructure de l'économie mondiale. [...]
[...] Dès lors, les paradis fiscaux empêchent toute régulation internationale des flux de capitaux. Ils accentuent cette situation en détournant les capitaux de leurs destinations prévisibles. Le Forum de Stabilité Financière a ainsi souligné que ces paradis fiscaux constituent une “menace systémique potentielle pour la stabilité financière globale”. A titre d'exemple, on peut citer la crise financière asiatique de 1997, ou les crises au Venezuela en 1994 et en Argentine en 1995, favorisées par les paradis fiscaux. En définitive, les paradis fiscaux sont un facteur de fragilité du système financier international, le “maillon faible” d'un système de plus en plus intégré et interdépendant. [...]
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