Nord-Sud, centre-périphérie, zones de paix-zones de guerre, l'Ouest et le reste... Les représentations binaires du monde sont-elles pertinentes ?

Résumé du document

La chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'URSS qui l'a suivie a provoqué la fin de la bipolarisation. Cependant, la division Est-Ouest à peine disparue, les observateurs de l'après-guerre froide ont construit de nouvelles représentations binaires pour rendre compte du nouvel ordre mondial

Extraits

[...] Enfin, la mondialisation des rapports économiques bouscule l'opposition les rapports entre centre et périphérie et privilégie la formation de réseaux productifs et marchands mobilisant sélectivement les compétences locales, ce qu'Olivier Dolfus dans la mondialisation définit comme une préférence donnée aux lieus choisis en fonction de leurs qualités propres. Le processus de mondialisation tend donc à mettre en échec et à faire éclater la cohérence interne des visions binaires du monde. Enfin, les représentations dichotomiques paraissent bien sommaires pour décrire un monde qui va en se complexifiant. [...]

[...] Mais la division Nord-Sud a aussi sa version culturaliste opposant l'Ouest et le reste. Après l'affrontement idéologique de la guerre froide opposant marxisme et libéralisme, l'heure serait aujourd'hui venue d'un conflit entre bloc de civilisation, les valeurs et la culture occidentale entrant en conflit avec une coalition islamo-confucéenne. C'est la thèse soutenue par Samuel Huntington dans le clash des civilisations : "Les prétentions de l'Occident à l'universalité le conduisent de plus en plus à entrer en conflits avec d'autres civilisations, en particulier l'islam et la Chine ( ) L'axe central de la politique mondiale d'après la guerre froide est ainsi l'interaction, entre d'une part, la puissance et la culture de l'Occident, et, d'autre part, la puissance et la culture des civilisations non-occidentales". [...]

[...] En fait, une meilleure compréhension de notre monde naît de l'utilisation conjointe des représentations binaires du monde pour l'analyse d'une même situation. Ainsi, nous avons vu que le drame du Kossovo peut être analysé grâce à la distinction zone de paix-zone de trouble, mais si cette dichotomie est opérante, elle ne l'est pas à l'exclusion des autres, au contraire seule la pluralité des approches permise par cette confrontation de système dual de représentation du monde peut ne pas simplifier et schématiser à l'extrême une réalité complexe. [...]

[...] N'y t-il là qu'une tentative pour projet une vision simplificatrice car duale du monde héritée de la guerre froide sur un monde aux réalités plurielles et nettement plus "désorganisées" ou au contraire ces analyses binaires constituent-elles des grille de lecture pertinentes de celui-ci ? Pour évaluer la pertinence de celles-ci, il nous faut d'abord tenter de les définir et de les illustrer, ensuite nous devons nous interroger sur leur capacité à rendre compte du nouvel ordre mondial et de la complexité accrue du monde en voie de globalisation, enfin nous serons amenés à réfléchir sur notre façon d'utiliser ces dichotomies comme instruments d'une perception du monde plus pertinente. [...]

[...] Ainsi, en Iran cité par Jean-Christophe Rufin pour illustrer la catégorie des pays du Sud fermés, L'Etat interdit à d'autres que les universitaires d'avoir des antennes paraboliques mais la société civile sait tourner ces interdictions et les simples particuliers se sont très rapidement dotés d'antennes paraboliques. L'information pénètre même dans les zones de troubles : aujourd'hui, les serbes échappent à la censure de l'information grâce à Internet où continue d'émettre la radio indépendante B92 en dépit de son interdiction. Mais au delà de ce point qui pourrait être considéré de détail, l'avènement progressif de ce que Marshall McLuhan appelle le "village planétaire", dans lequel tout arrive à chacun au même moment", met sérieusement en cause les dichotomies traditionnelles. [...]