Le terme apparaît dans l'Après Guerre aux USA mais seulement au début des années 1960 en France1, désignant le procédé qui consiste pour les États à élaborer collectivement les règles régissant leurs relations et à conduire des politiques concertées (on l'opposera à l'unilatéralisme ou au bilatéralisme).
Fait marquant du XXème siècle, le multilatéralisme s'est considérablement étendu pour prendre aujourd'hui des formes juridiques et institutionnelles très diverses et plus ou moins denses (de 3 à 193 États). Aucun enjeu des RI ne semble aujourd'hui échapper à une forme de multilatéralisme (1500 traités en vigueur, 250 OIG et 3500 réunions annuelles ONU en 2009). Il ne peut être réduit à un processus fonctionnel, en ce qu'il constitue un principe de coopération et porte certaines valeurs, à prétention universelle (idéologie d'un ordre international spécifique, projet d'organisation du monde).
Il ne peut non plus être réduit aux relations interétatiques, même si les autres acteurs n'interviennent qu'à titre subsidiaire et indirect.
[...] L'intervention de 2003 en Irak, l'élargissement du champ d'action de l'OTAN (Kosovo, Afghanistan et Libye) et le rejet de l'unilatéralisme US ont créé des divisions géopolitiques durables. De même, sur le plan économique, depuis l'échec du consensus de Washington et des politiques d'ajustement structurel7, le FMI tente de s'adapter à la nouvelle donne idéologique, mais faute d'avoir profondément renouvelé sa gouvernance et sa représentativité, voit sa crédibilité remise en question Malgré ses limites et sa fragilité, le multilatéralisme pourrait, à certaines conditions, s'imposer à long terme comme principal outil de régulation des RI L'interdépendance étatique rend l'horizon multilatéral incontournable. [...]
[...] La réappropriation par les États de l'exercice unilatéral de la puissance (Afghanistan 2001) les conduits à ignorer ou à mettre au défi le cadre multilatéral (Irak 2003). Les projets communs faisant l'objet d'une sélectivité croissante, les organisations régionales développent un multilatéralisme de projection (OTAN en Afghanistan depuis 2001, Opération Artemis en Iturie) ou de gestion (UA au Darfour). D'une certaine façon, l'ONU est conduite à légitimer des zones d'influence (FR en Côte d'Ivoire, UK en Sierra Leone, USA en Haïti, Irak et Afghanistan). De manière générale, aucun grand dossier multilatéral n'est parvenu à faire échec ou à corriger la puissance (Israël, Corée du Nord). [...]
[...] Le régime du commerce international est emblématique du multilatéralisme (interdépendance, coopération, négociation réciprocité), mais s'est longtemps limité à un minilatéralisme de club (fixation des objectifs de négociation, élaboration des compromis et accords finaux, autant d'étapes dominées par les grandes puissances). Initiative US (qui souhaitaient mettre fin aux tarifs spécifiques du Commonwealth), l'accord en forme simplifié (GATT) signé entre 23 États en 1947 aurait du être intégré à la charte de La Havane (signée par 53 États en 1948), qui prévoyait une OIC, mais devant l'hostilité du Sénat, Truman renonça à la ratification en 1950. [...]
[...] La notion de régime international illustre la complexité et les limites politiques des systèmes multilatéraux, marqués par des degrés divers de coopération, d'intégration et de contrainte pesant sur les États, comme de développement bureaucratique (plusieurs régimes sont dépourvus d'organisation centralisée). Les diplomaties doivent s'adapter : systématisation des RP et missions permanentes, développement d'une expertise spécifique, transformation des modes de négociation (jeux de coalition). Sa reconnaissance par les États tend à élargir son emprise sur les principaux centres d'intérêt de la communauté internationale, mais ce succès rend plus difficile la recherche du consensus. [...]
[...] Enfin, les constructivistes (Wendt est le plus célèbre d'entre eux), soulignent que le multilatéralisme relève d'un processus d'interaction entre identités étatiques et de socialisation de ces acteurs autour de normes partagées, l'intégration des valeurs et pratiques portées par le multilatéralisme conduisant à des évolutions culturelles (l'auteur distingue les cultures hobbesienne, lockienne et kantienne). Malgré sa fragilité, le multilatéralisme s'installe peu à peu dans l'espace mondial. Les limites et contraintes du cadre onusien favorisent le développement de formes ad hoc et généralement ambigües de coopération : ainsi, une coalition of the willing pourra se voir confier un mandat ONU au titre du Chap VII (cf la coalition menée par Australie au Timor oriental). L'émergence de nouveaux pôles de puissance place le système multilatéral sous tension, rendant les négociations chaque fois plus délicates. [...]
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