Depuis 1985 le nombre d'institutions internationales a presque doublé et leur champ d'action s'est notablement élargi. Une telle évolution semble devoir illustrer la montée en puissance du multilatéralisme dans le cadre d'un système international post-guerre froide souvent qualifié d'unipolaire. Pour Philippe Moreau Defarges le multilatéralisme se définit comme un système associant plusieurs Etats qui se lient entre eux par des obligations égales et mutuelles, par des règles communes. Il s'agit donc d'un système de coordination et de coopération fondé sur des principes de conduite prédéfinis. D'où l'importance des normes internationales et des organisations internationales qui sont l'incarnation du multilatéralisme. Mais ces institutions internationales fonctionnent sur le mode inter-étatique, reconnaissant de fait le rôle fondamental des Etats sur la scène internationale. On peut dès lors se demander si le multilatéralisme est porteur d'un ordre international radicalement différent de l'anarchie qui, d'après l'école réaliste, caractérise les rapports inter-étatiques depuis toujours. Autrement dit, le multilatéralisme limite-t-il le caractère structurant des rapports de puissance au niveau mondial ? Dans un premier temps j'insisterai sur l'encadrement théorique des enjeux de puissance au travers du multilatéralisme puis je montrerai qu'en réalité le multilatéralisme demeure largement le produit du jeu de puissance qui règne sur la scène internationale.
[...] Par ailleurs, le multilatéralisme institue une égalité de principe entre les Etats alors même qu'il existe une inégalité de fait ce qui aboutit à figer les inégalités à l'échelle mondiale. Les organisations internationales manquent donc de la crédibilité qui leur permettrait de jouer un rôle autonome significatif sur la scène internationale. Bibliographie Bertrand Badie, L'impuissance de la puissance, Fayard Rosemary Foot US Hegemony and International Organizations, Oxford University Press James P. Muldoon Jr, The Architecture of Global Governance, Westview Press Guillaume Devin, Etats-Unis et l'avenir du multilatéralisme” in Culture et Conflits (Paris), automne 2003 John Ikenberry, “Institutions, Strategic Restraint, and the Persistence of American Postwar Order” in International Security, winter 1998/1999 John Ikenberry, Etats-Unis et le multilatéralisme”, in Questions Internationales, septembre-octobre 2003 David Lake, Beyond Anarchy, importance of Security Institutions”, in International Security, Summer 2001 Philippe Moreau Defarges, Le Multilatéralisme et la fin de l'Histoire in Politique Etrangère, Automne 2004 Philippe Moreau Defarges, Unilatéralisme, multilatéralisme in Défense Nationale Franck Petiteville, “L'hégémonie américaine est-elle soluble dans le multilatéralisme ? [...]
[...] Seul le multilatéralisme serait donc à même de répondre aux défis du monde contemporain. Le terme de communauté internationale pour désigner les différents Etats membres d'une organisation indique d'ailleurs l'idée de défis et problèmes communs à l'ensemble des Etats. II Cependant le multilatéralisme est avant tout le produit du système international A Le multilatéralisme comme résultante du jeu de puissance 1 Le multilatéralisme comme outil de verrouillage des avantages acquis Dans le contexte d'anarchie fondamentale qui, selon les réalistes, caractérise les relations internationales, les coopérations ne sont viables que si la ou les puissance dominantes en endosse les principes et le fonctionnement. [...]
[...] En conclusion, le multilatéralisme atténue sans doute la polarisation du système. Cependant, l'efficacité du multilatéralisme repose sur sa crédibilité et sa légitimité. Or, le multilatéralisme demeure largement tributaire des rapports de puissance sur la scène internationale. Un consensus entre puissances s'avère en effet indispensable à l'efficacité du multilatéralisme. L'ONU fait ici figure de symbole : l'enceinte multilatérale que représente l'Assemblée Générale, n'émet que des recommandations alors que le Conseil de Sécurité qui représente l'oligarchie de la puissance détient le pouvoir juridique contraignant. [...]
[...] L'instance multilatérale dont la légitimité tient au respect de ces principes bafoués se fait en effet l'écho de leur violation et cherche à la condamner pour ne pas voir sa crédibilité affectée. On peut citer à cet égard le rôle de tribune de l'ONU pour les mouvements de décolonisation et la cause palestinienne conformément au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes inscrit dans la Charte des Nations-Unies Favorise des comportements de dialogue et de coopération a - la reconnaissance d'enjeux communs Le multilatéralisme fonctionne mieux lorsqu'il y a prise de conscience par les Etats de la présence d'intérêts communs. [...]
[...] Ainsi Woods insiste sur le fait que la grande majorité des responsables du FMI et de la banque mondiale ont été formés dans des universités américaines où ils auraient été séduits par les dogmes libéraux assurant alors la diffusion du fameux consensus de Washington b - L'identification de critères de différenciation entre Etats De nombreux auteurs insistent sur l'inégalité qui règne au sein des organisations internationales censées promouvoir par leur fonctionnement le multilatéralisme. Ainsi, la présence de membres permanents dotés du droit de veto au Conseil de Sécurité de l'ONU illustre le caractère faussement égalitaire du multilatéralisme. De même, au FMI et à la banque mondiale, les droits de vote et donc l'influence de chaque Etat est calculé en fonction des contributions c'est à dire in fine de la puissance économique des Etats membres. Même à l'OMC où le principe d'égalité des Etats est formellement respecté, les relations de puissance demeurent. [...]
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