Dans le discours sur l'immigration, le codéveloppement utilisé comme synonyme du développement se présente comme une évidence vertueuse. Il prétend s'attaquer aux causes de l'émigration et propose d'y remédier. Puisque l'émigration résulte du sous-développement et des inégalités de développement, il suffirait pour arrêter l'émigration de développer les pays et les régions d'origine. Le constat de départ sous-estime la complexité du rapport entre migrations et développement.
D'une manière générale, les migrations favorisent de manière déterminante le développement. En matière d'émigration, les effets ont été historiquement souvent vérifiés pour les régions d'origine ; toute l'histoire de la France et de l'Europe le confirme L'allégement de la pression démographique, l'élévation de la productivité agricole, la libération de main-d'œuvre pour l'industrie constituent les préalables de l'industrialisation capitaliste.
[...] Dans cette situation, c'est la nature de la société française qui est en cause. L'analogie reste grande avec la colonisation dont l'immigration reste, dans l'imaginaire en France, un prolongement. Et on se rappelle l'avertissement que lançait Aimé Césaire, dans le Discours sur le colonialisme en 1955, la colonisation avilit le colonisateur, on voit monter en Europe le lent ensauvagement du continent Le co-développement a été galvaudé par son instrumentalisation dans la gestion des flux migratoires. Il faut trancher dans l'imbrication aujourd'hui néfaste entre politiques de développement, politiques de coopération et politiques migratoires. [...]
[...] La France est aujourd'hui un des pays européens qui a la politique la plus restrictive et la plus humiliante. Le refus de la chasse honteuse aux clandestins, de la multiplication des camps de rétention, de la militarisation des frontières de l'Europe, de la remise en cause du droit d'asile, de la politique humiliante des visas concerne directement l'avenir et la nature de la société française. C'est d'abord une revendication de dignité, celle de la reconnaissance du rôle historique des migrants et celle de la lutte contre la régression de la société française. [...]
[...] La raison en est que tout développement, toute transformation sociale produisent des déséquilibres. Dans des régions rurales, le bouleversement des rapports sociaux entraîne un exode et alimente les flux migratoires. L'accroissement de la productivité du travail libère une partie du travail qui alimente l'émigration. Ce n'est que dans un deuxième temps, bien longtemps après, quand les effets combinés de la transition démographique et de l'accroissement de la productivité agricole se font sentir, que l'émigration s'épuise et que les flux se tarissent, voire s'inversent. [...]
[...] La simplification outrancière du rapport entre migrations et développement n'est pas anodine. Le discours dominant affirme ainsi, avec cynisme et hypocrisie, qu'il suffirait d'accroître l'aide et les investissements vers les pays d'émigration et dans le même temps d'interdire l'immigration et de forcer aux retours, sans se préoccuper plus avant de la différence de temporalité dans la relation entre migrations et développement. On mesure là les glissements progressifs du discours. On part de l'idée qu'il faut s'attaquer aux causes des flux migratoires. [...]
[...] Ainsi, donner une priorité relative au développement des régions d'origine des migrants, même s'il ne contribue pas à réduire significativement les flux à court terme présente un double avantage : il fonde la coopération sur une histoire commune et par là même la concrétise ; il peut s'appuyer sur l'apport essentiel des migrants. Les migrants ont esquissé des réponses, partielles mais très intéressantes, à la conception dominante du développement. La coopération des migrants est inscrite dans une conception endogène du développement. Elle concerne au premier chef le développement local, la mobilisation de l'épargne domestique, la création de services locaux de proximité dans les villages et les quartiers, l'élévation du niveau de qualification et d'ouverture des groupes locaux. [...]
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