Nous nous efforcerons, dans un premier temps, d'analyser et de commenter cette lettre, en conservant à l'esprit la manière très sino-chinoise dont est traité le débat. Puis, nous élargirons la réflexion aux positions d'autres Chinois, dissidents et non-continentaux, afin de dégager les grandes lignes de la question tibétaine aujourd'hui dans le regard des marginaux du régime
[...] Dans la forme même, le discours de Wei Jingsheng n'est pas dépourvu de cette ambiguïté que nous avons soulignée précédemment. Car son but est double : il est de dénoncer les erreurs de la politique communiste au Tibet depuis 1950, et ce faisant, de dénoncer la politique générale menée par le PCC. Mais il reste convaincu que le Tibet ne pourra s'épanouir que grâce à une autonomie de fait, et non plus un simulacre d'autonomie. Il n'est pas favorable à l'indépendance du Tibet, et pourtant il a bien montré que celui- ci y avait droit. [...]
[...] L'ambiguité du discours et du personnage est d'autant plus flagrante si on la compare à celle d'autres dissidents ou de Chinois non-continentaux. II. Quand on s'interroge sur le problème tibétain, on constate qu'il y a en fait deux problèmes, mais qui sont étroitement liés : la question de l'indépendance et celle de la violation des droits de l'homme au Tibet. La position des Chinois est à cet égard très intéressante, car beaucoup, aussi bien des gens du peuple que des dissidents outre-mer, ne comprennent pas l'accent porté par les Occidentaux sur la violation des droits de l'homme. [...]
[...] Dans cette optique, il lui paraît indispensable que Chinois Han et Tibétains s'entendent et puissent cohabiter pacifiquement. Il propose trois idées de réformes pour réparer les méfaits commis par la Chine au Tibet depuis l'invasion des troupes communistes le 7 octobre 1950. Il dénonce en premier lieu le racisme des chinois à l'égard des Tibétains, et s'appuie sur son expérience propre pour le démontrer (il est marié à une Tibétaine et a passé de nombreuses années dans des laogai au Qinghai, une province du "Tibet historique"). [...]
[...] Jamais les délégations tibétaines n'ont été reçues comme des délégations étatiques, et bien souvent, seul le passeport chinois leur permettait de pénétrer dans tel ou tel Etat. “Tibet tried to inform President Roosevelt in 1943 that she was now independent.[ ] the United States took no response to that claim” (TENG (Ronald W.C.) "The politics of Sovereignty : China's claims over Tibet" Asian Journal of Political Science, vol 1995). Pour démontrer les méfaits d'une séparation éventuelle du Tibet, il prend deux exemples : la chute de l'URSS et de la République fédérale yougoslave. [...]
[...] Il est cependant dommage que Wei Jingsheng se soit limité à la période Qing pour évaluer la valeur des prétentions souverainistes chinoises. En effet, selon certains spécialistes, la période Ming présente une coupure intéressante dans l'histoire des relations Chine-Tibet, puisque cet empire Han, contrairement aux Yuan et aux Qing, n'a pas entretenu avec les autorités tibétaines de relation particulière, celle que les Tibétains appellent chö-yön (relation de protecteur-religieux). Son analyse historique jsqu'au début du XXème siècle est globalement correcte. Mais quand il aborde la question de l'indépendance tibétaine à partir de 1911, ses arguments ne tiennent pas tous. [...]
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