En 1945, l'Iran est un pays occupé, aux frontières menacées par les ambitions soviétiques, économiquement contrôlé par le Royaume-Uni et en passe de se voir greffer au bloc occidental. Moins de cinquante ans plus tard, en 2002, l'Iran est désigné par le Président américain George W. Bush comme un État membre de l' « Axe du Mal », un « État voyou » constituant une menace sérieuse pour un Occident l'ayant dominé pendant des siècles. Sans se transformer en grande puissance, l'Iran s'est affranchi de son ancienne tutelle et est à présent considéré comme une sérieuse épine dans le pied du monde occidental.
Comment expliquer un tel retournement de situation ? L'on pense aussitôt à la date-charnière de 1979 et à la Révolution islamiste, qui a vu l'accession au pouvoir suprême de chefs religieux radicalement opposés à la « civilisation occidentale » et aux États-Unis. Aux dires de nombreux commentateurs, cet événement est aussi décisif que les Révolutions française de 1789 et russe de 1917. Et, de fait, il a profondément marqué l'Histoire du Moyen-Orient et a suscité dans le reste du monde des réactions très diverses, mais jamais l'indifférence.
Cependant, l'autonomisation de l'Iran par rapport à l'Occident a été en réalité un long processus, entamé dès l'avènement de Mohammed-Reza Chah en 1941. C'est bien sous le règne de celui que l'ayatollah Khomeyni dépeignait comme « la marionnette des Américains » que l'Iran s'est peu à peu détaché de ses anciens « protecteurs ». A cet égard la Révolution de 1979 n'a fait qu'accélérer l'Histoire.
Nous nous efforcerons ici de retracer les principales étapes de l'évolution qui a vu l'Iran passer du statut peu enviable de pays-victime, de pays-enjeu (car à la fois vulnérable, situé à un carrefour stratégique entre Proche-Orient, Russie et Océan indien et très largement pourvu en ressources pétrolières), au statut de puissance régionale négociant presque sur un pied d'égalité avec Washington, puis d' « État-voyou » faisant figure d'électron libre dans le jeu des relations internationales.
[...] Une telle pensée manichéenne mène nécessairement à une politique hostile à l'égard du reste du monde. Et, de fait, l'Iran va mener une guerre totale contre ceux qu'il perçoit comme ses principaux opposants, occidentaux ou arabes. Cette guerre prend trois formes. Il s'agit en premier lieu d'une guerre des idées. Le Grand Guide multiplie les invectives contre le nationalisme arabe (fondement idéologique de nombreux régimes, et notamment de l'Irak et de la Syrie baasistes) et les systèmes de pensée occidentaux en général. [...]
[...] Des multiples chevaux de bataille de l'ayatollah de l'ayatollah, c'est peut-être cette bataille idéologique qui s'est avéré, à long terme, la plus fructueuse. Ce n'est pourtant pas elle qui, au moment des faits, inquiète le plus. En effet, la guerre de l'ayatollah est avant tout et plus classiquement, une guerre militaire ; ses discours n'ayant pas eu l'onde de choc escomptée sur le Moyen-Orient, il n'hésite pas à utiliser la force contre ses rivaux, notamment en fomentant des coups d'État et en planifiant des attentats terroristes. [...]
[...] L'Iran de la décennie 1979-1989 donne donc l'impression d'être en guerre plus ou moins ouverte avec le monde entier. De pays plus ou moins fortement influencé par les puissances occidentales, l'Iran est devenu une sorte d'électron libre dans le jeu des relations internationales, rompant son alliance stratégique avec les États-Unis et semant le chaos en Europe occidentale et dans le monde arabo-musulman. Les choses vont progressivement changer à partir de la fin des années 1980, avec la prise de conscience de l'impasse politique du terrorisme, l'arrêt effectif des combats contre l'Irak et le décès d'Ali Khomeyni le 3 juin 1989. [...]
[...] Nous nous efforcerons ici de retracer les principales étapes de l'évolution qui a vu l'Iran passer du statut peu enviable de pays-victime, de pays- enjeu (car à la fois vulnérable, situé à un carrefour stratégique entre Proche-Orient, Russie et Océan indien et très largement pourvu en ressources pétrolières), au statut de puissance régionale négociant presque sur un pied d'égalité avec Washington, puis d' État-voyou faisant figure d'électron libre dans le jeu des relations internationales. La situation de l'Iran en 1945 ne présageait guère une telle destinée, tant l'implantation étrangère y prenait des aspects coloniaux. Et, de fait, l'Histoire de l'Iran de 1945 jusqu'à la fin des années 1950 est marquée par l'influence d'un certain nombre d'États occidentaux ; sa politique étrangère, notamment, reste entièrement dépendante des rapports de force entre ces derniers. Quelles sont les origines et les manifestations de cette domination étrangère ? [...]
[...] À cette occupation militaire de six ans, à la fois humiliante pour le Chah et menaçante pour la souveraineté politique et territoriale de l'Iran, vient s'ajouter un durcissement de l'exploitation économique du pays par les puissances occidentales. Le terme n'est pas trop fort, bien que cette pratique fondée sur le droit du plus fort aie toutes les apparences de la légalité. Dès la fin du XVIIIème siècle, les Britanniques ont en effet pris conscience de l'intérêt qu'ils auraient à s'implanter en Perse conviction qui s'est renforcé au XIXème siècle avec l'accroissement de la rivalité anglo-russe et au XXème siècle avec les débuts de l'exploitation pétrolière. [...]
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