L'Amérique latine est un continent immense et varié, dont les nombreux Etats ont pour principal point commun d'être des anciennes colonies espagnoles et portugaise et de ressentir, depuis les années 1820 (Doctrine Monroe), l'influence de leur puissant voisin du Nord, les Etats-Unis. Pour autant, ces pays se différencient fortement des pays du Tiers-monde asiatiques et africains du fait de leur indépendance ancienne (début du XIXeme siècle) et de la forte population d'origine européenne présente dans certains d'entre eux (Argentine, Uruguay, par exemple).
Du point de vue institutionnel, on assiste de ce fait à une situation particulièrement intéressante. Fondés sur les idéaux libéraux des Révolutions française et américaine, les régimes latino-américains n'en ont pas moins connu une situation politique spéciale caractérisée par un présidentialisme trop souvent dictatorial. On voit donc bien combien la situation institutionnelle de ces pays est différente de celle des pays récemment décolonisés : le présidentialisme dictatorial (caudillisme), caractéristique majeure, se comprend dans un phénomène général où la primauté de la Constitution, si elle est bafouée parfois, correspond à une réalité indéniable. Autrement dit, les institutions latino-américaines mêlent des traits du “Nord” avec des pratiques du “Sud”, ce qui montre bien que la pratique des institutions est profondément liée à la culture du pays dans lequel elle s'exerce.
Le propos qui est le nôtre est de montrer les caractéristiques particulières du système institutionnel latino-américain, sans s'inscrire dans le détail des textes nationaux. Seront dressées ici les grandes lignes qui permettent de comprendre la spécificité institutionnelle des pays de l'Amérique latine.
Il faut essayer de montrer ici qu'un contexte politico-historique particulier explique des pratiques institutionnelles non-démocratiques remises en cause par le renforcement de la démocratie du fait notamment de la justice constitutionnelle.
[...] C'est une institution souple, à la procédure simple et bien adaptée qui offre une image de rigueur face aux différents pouvoirs, de telle manière qu'elle ne donne pas lieu à des controverses politiques importantes qui pourraient la remettre en question ou affecter son efficacité. Toutefois, la justice constitutionnelle en Amérique latine connaît quelques problèmes, qu'il nous faut détailler ici. Il faut, tout d'abord, limiter le nombre de magistrats de la Cour Suprême qui sont désignés directement par l'Exécutif. Ce type de nomination peut porter atteinte gravement à l'impartialité de la Cour en la politisant. Au contraire, on doit augmenter et garantir la formation technico-juridique des magistrats, pour qu'elle soit cohérente avec la nature juridictionnelle de cet organe. [...]
[...] Cet objectif même d'obtenir un retournement du système vers une organisation du pouvoir avec une prédomination absolue de l'armée s'est obtenu parfois grâce à des articles ou même à des dispositions transitoires additionnelles qui sont venus modifier, de façon sensible, la portée de ces normes. Dans certains pays, l'obligation constitutionnelle d'obtenir l'autorisation du Congrès pour pouvoir déclarer l'état d'exception a buté sur la faiblesse de ces assemblées dominées par l'armée, ou même sur la pratique fréquente de déclarer l'état d'urgence en période de vacance des Chambres. De même les limitations constitutionnelles de la durée de ces situations d'exception ont été niées dans les faits par leur renouvellement successif. [...]
[...] Cette dichotomie se retrouve du point de vue institutionnel où, trop souvent, des constitutions libérales ont été appliquées de façon autoritaire. Ceci constitue une preuve supplémentaire de l'inanité de l'importation d'un texte si les structures sociales ne sont prêtes à le supporter. L'étude des institutions de ces pays pourrait faire penser que la démocratie occidentale n'est pas exportable. Toutefois, les récents et, semble-t-il, durables progrès de l'Etat de droit démocratique dans cette partie du continent ne peut que susciter un optimisme sincère sur le caractère universel de certaines idées. [...]
[...] Au contraire, les textes constitutionnels promulgués dans ces pays ont été très nombreux et même la doctrine parle “d'inflation constitutionnelle”. Les pays d'Amérique latine ont organisé leurs constitutions de façon rigide. Par exemple, les processus de réforme constitutionnelle sont très difficiles à mettre en place ou encore la règle du “non-continuisme”, c'est à dire l'impossibilité pour un Président d'effectuer plus de deux mandats successifs a empêché souvent la résolution des crises de façon constitutionnelle. Les crises se soldent très souvent par une intervention de l'armée, qui prend le pouvoir. [...]
[...] La démocratie dévoyée Les Constituants latino-américains, comme on l'a vu, se sont inspirés largement du modèle américain, en augmentant les pouvoirs dont dispose le Président, ce qui fausse complètement l'équilibre des pouvoirs. Qu'ils aient renoncé à fonder leurs systèmes politiques sur cette base ne signifie nullement qu'ils admettaient à l'avance une attitude despotique ou un comportement arbitraire de la part du Président. Ils voulurent même se garantir contre ce danger et crurent en trouver le moyen en limitant dans le temps les pouvoirs présidentiels : la quasi-totalité des Constitutions latino-américaines interdisent au Président de solliciter le renouvellement de son mandat. [...]
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