Dire que l'individu est peu considéré dans l'étude de la scène internationale relève d'un doux euphémisme. « L'homme, personne privée, est en exil dans la société des États. Le dialogue entre l'homme et l'État s'est déroulé à l'intérieur des mêmes frontières. La démocratie a été instituée à la mesure de l'Etat. C'est à lui que l'homme a confié sa conservation, et sa participation à la vie internationale n'a été que médiate », écrivait René-Jean Dupuy en 1972 dans son « Que Sais-je » sur le droit international. Une « participation médiate » certes, mais quelle participation ? L'étude des relations internationales tend, encore aujourd'hui, à traiter les institutions comme des « boîtes noires » dont le contenu n'aurait qu'un faible intérêt. Dans l'école dite « réaliste », l'étude des relations internationales s'attache en priorité aux relations entre les États, aux enjeux de puissance ou de sécurité interétatiques. Le problème est qu'au-delà de quelques personnages emblématiques, l'étude des motivations individuelles des acteurs en jeu n'est pas poussée aussi loin qu'elle le mériterait, alors même que les choix faits par ces individus s'avèrent parfois déterminants.
Ce type de souci est généralement laissé à l'historien, qui peut, c'est selon, faire ressortir l'acharnement d'un Jean Monnet harcelant à longueur de journée ses interlocuteurs au téléphone pour faire avancer l'idée européenne. Ou bien au journaliste, qui peut faire des conjectures sur les motivations d'un Joseph Stiglitz à démissionner de la Banque mondiale, sur l'influence de cette décision sur ladite institution, et par extension sur la politique internationale. Certains autres champs scientifiques ont certainement une longueur d'avance en matière d'étude des individus. En sociologie, la question des rapports entre l'individu et le système qui l'entoure est centrale. Cette préoccupation culmine dans la notion d'individualisme méthodologique revendiquée par certaines écoles (en France, cf. Raymond Boudon).
L'idée, inspirée de certains postulats de la micro-économie, est de partir du sujet, des ses raisons d'agir et des arbitrages qu'il doit effectuer, pour comprendre par agrégation comment certains phénomènes collectifs peuvent avoir lieu. Sur ce plan, l'étude des relations internationales a connu un renouvellement à partir des années 1970, dans la foulée de James Rosenau. Là où certains se bornent à classer les individus dans la catégorie des « nouveaux acteurs » (cette nouveauté méritant démonstration), d'autres auteurs placent les comportements individuels au centre de leurs préoccupations. La question de l'individu permet dès lors de différencier les écoles les unes des autres, le courant dit « transnationaliste » se vantant d'être à l'avant-garde de cette « redécouverte ».
Avant de développer notre sujet, rappelons que la définition de la notion d'individu est sujette à discussion, ce mot étant « saturé de sens » du fait de sa longue histoire, comme le rappelle Michel Girard (cf. bibliographie). Pour l'heure, entendons-le simplement comme l'élément du corps social qui ne peut plus être divisé : l'individuum. Celui-ci serait en quelque sorte la dernière des poupées russes, qui s'emboîterait dans tous les autres groupes sociaux : nation, communauté religieuse, associations, armée, parti politique, électorat de gauche, de droite, de centre, et bien plus encore.
Rappeler qu'on ne crée pas d'association sans individu, ni de nation sans citoyen, semble un constat de bon sens. Mais au-delà de cette reconnaissance de l'individu comme acteur des relations internationales, il reste à mesurer son emprise réelle sur les relations internationales et les avancées scientifiques qui peuvent être tirées de ce changement de point de vue.
[...] Nye et Keohane, dans leurs travaux de 1970 (Transnational relations and world politics) introduisent cette thématique en affirmant que la société internationale est traversée par des flux qui contraignent les États aussi bien dans leur politique interne que dans leur politique étrangère. Les deux auteurs s'attachent à des flux divers et variés, touchant à l'économique, au religieux, à la diffusion du savoir ou encore aux mouvements révolutionnaires. Le point commun qui relie ces flux divers est la notion de réseau. [...]
[...] L'individu, acteur des relations internationales ? Introduction Dire que l'individu est peu considéré dans l'étude de la scène internationale relève d'un doux euphémisme. L'homme, personne privée, est en exil dans la société des États. Le dialogue entre l'homme et l'État s'est déroulé à l'intérieur des mêmes frontières. La démocratie a été instituée à la mesure de l'Etat. C'est à lui que l'homme a confié sa conservation, et sa participation à la vie internationale n'a été que médiate écrivait René-Jean Dupuy en 1972 dans son Que Sais-je sur le droit international. [...]
[...] Ce mouvement, peu hiérarchisé, a réussi à se poursuivre ses activités jusqu'à aujourd'hui et à influer, ne serait-ce qu'un peu, sur les rapports de force. Autre exemple, les tribunaux organisés par le même Bertrand Russel sur les crimes de guerre commis par l'armée américaine au Vietnam. La portée de ces actions est certes moins évidente que celles des diplomates, mais leur contribution mérite d'être prise au sérieux. Une extension de cette définition aux citoyens ordinaires Nous pouvons aller vers une définition plus extensive encore de l'influence de l'individu. [...]
[...] Blair en Iraq, même si les conséquences sur la politique internationale sont limitées. Quant au vote des citoyens français au référendum sur le Traité constitutionnel européen, il nous montre d'autant mieux l'impact des choix individuels que les partis de gouvernement s'avèrent incapables de peser de façon décisive sur le scrutin et que les résultats des sondages relancent en permanence la campagne. Les enjeux en sont bien, pour l'essentiel, internationaux. On pensera surtout aux migrants, dont le départ, et en tout cas la destination, résultent en grande partie d'un choix individuel. [...]
[...] Dans l'école dite réaliste l'étude des relations internationales s'attache en priorité aux relations entre les États, aux enjeux de puissance ou de sécurité interétatiques. Le problème est qu'au-delà de quelques personnages emblématiques, l'étude des motivations individuelles des acteurs en jeu n'est pas poussée aussi loin qu'elle le mériterait, alors même que les choix faits par ces individus s'avèrent parfois déterminants. Ce type de souci est généralement laissé à l'historien, qui peut, c'est selon, faire ressortir l'acharnement d'un Jean Monnet harcelant à longueur de journée ses interlocuteurs au téléphone pour faire avancer l'idée européenne. [...]
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