Alors qu'il était Ministre de la Défense du Gouvernement Balladur, François Léotard déclarait au Parlement que « nos exportations s'inscrivent dans une logique de paix ». Au-delà du paradoxe non dissimulé que révèle sa formulation, on peut saisir tout l'enjeu de la question de l'armement, tant en ce qui concerne la position stratégique et politique de la France que celui lié à des enjeux plus spécifiquement économiques. Et pour cause, si les exportations françaises sont porteuses de paix, c'est qu'elles sont alors légitimes et qu'elles légitimeraient du même coup la production d'armement des industries françaises. Et si la question économique est au cœur du sujet des importations et des exportations d'armes en France, celles-ci s'inscrivent donc bien et avant tout dans un cadre politique. L'économique ne saurait donc à lui seul, rendre compte des enjeux des exportations d'armements, même si une piste à creuser pourrait être celle qui consisterait à considérer ces exportations comme autant d'investissement en puissance, en place et en influence mondiales.
[...] On appelle compensation, toute contrepartie accordée contre des exportations d'armement visant à réduire immédiatement ou à terme, la charge monétaire pour le pays acheteur. Celles-ci peuvent passer par du troc, des contre- achats concomitants, une rétrocession des charges de travail, et/ou des transferts de technologie[19]. Pour reprendre l'expression de Couvert, les accords de compensation impliquent une responsabilité et une action conjointe des deux partenaires dans la fabrication de certains biens exportés par l'entreprise exportatrice Et même si les exportateurs d'armement chiffrent ces compensations, l'acheteur également, si bien que de plus en plus, les compensations en jeu constituent une façon d'emporter le marché. [...]
[...] De plus, il ne saurait être fait abstraction du fait que l'exportation d'armement constitue un risque en soi. En effet, donner à des armées étrangères, des équipements militaires peut constituer une menace potentielle pour les nationaux[6]. A. Depuis 1980, une stratégie d'exportation massive, nécessaire mais de plus en plus contrariée Au cours de la décennie 19970, les exportations françaises représentaient près de 15% du marché mondial. Au cours des années 80, cependant, celles-ci ont accusé une nette diminution du fait du développement de la concurrence internationale (Inde et Brésil notamment), de la réduction des commandes de la part des pays de l'OPEP, d'une politique stratégique française moins indépendante que pendant la période gaulliste, et d'une perte progressive des marchés traditionnels. [...]
[...] Concernant les relations avec les Etats-Unis, on note une tendance à la baisse des échanges commerciaux, contrebalancée par une augmentation des exportations françaises réamorcée à partir de 1991 et 1994 du fait de la réalisation du contrat RITA et de la conclusion de contrats de compensation en contrepartie des achats français d'avions Awacs puis Hawkeye. On perçoit donc une dynamique générale à la baisse des exportations françaises d'armement au cours de la période. Et, tant dans les rapports que dans les discours politiques, cette situation est analysée selon un certain pessimisme. Pour autant, celui-ci est-il justifié ? La politique commerciale française tournée vers l'export est-elle rationnelle et économiquement pertinente? [...]
[...] A la veille de l'effondrement de l'Union Soviétique, la France reste cependant en 1990, le troisième exportateur d'armements derrière l'URSS et les Etats-Unis. Cette chute s'explique en premier lieu, par le changement de politique de l'URSS qui avait cessé dans la décennie 80 de livrer des armes à des conditions préférentielles (voire gratuité) à ses alliés. Et d'autre part, par l'accroissement de la concurrence, l'élévation des coûts des programmes d'équipements, et par le contexte général de la réduction des budgets militaires en période de fin de la guerre froide. [...]
[...] A une telle politique, nombre de justifications sont avancées, dont la justification et la légitimation morale comprise dans la phrase de François Léotard ne ferait que refléter l'importance. Pour autant, une telle politique n'existe pas sans occasionner des coûts pour la puissance publique. Si bien que sa justification économique pose question. Au-delà du discours généralement admis[5], les exportations d'armement favorisent-elles le bien-être de la société française ? Les exportations d'armement, au cœur de la politique commerciale française A la manière de remarques préalables, rappelons tout d'abord que le poste le plus important de la balance extérieure française n'est pas celui des armements . [...]
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