Il convient, en premier lieu, de souligner qu'il ne faut pas confondre identité religieuse et religions : en effet, ces dernières, en tant qu'institutions cléricales, sont dites, sauf exceptions, largement en retrait (sécularisation de la pratique religieuse), alors que l'identité religieuse consiste en l'identification au corpus idéologique qui a abouti à l'allégeance à une communauté d'échelle le plus souvent régionale (l'Europe chrétienne ou le Maghreb musulman, par exemple). Le tout est ensuite de savoir dans quelle mesure cet élément d'une identité (l'identité religieuse) influence les relations internationales. Depuis le « renversement du monde » (M.-C. Smouts et B. Badie), on a en effet souvent dit que l'Islam, en particulier, était en passe de prendre la place du communisme dans les principaux facteurs de risques. Ainsi, il s'agit d'interpréter ce retour du religieux sur la scène géopolitique mondiale depuis la fin de la guerre froide et l'effondrement des idéologies : assiste-t-on à une redéfinition des allégeances ? Les identités religieuses sont-elles un enjeu, et donc la source, des conflits internationaux ou au contraire un simple facteur consolidant, et donc un simple prétexte, à ces derniers ? Bref, le ciel continue-t-il de « troubler la terre » ou est-ce simplement que la terre se cherche un nouveau visage ?
Il s'agira de montrer que, si l'identité religieuse, en tant qu'élément essentiel de toute identité nationale, demeure un enjeu non négligeable dans les relations internationales (I), cela est en fait surtout révélateur de son instrumentalisation politique croissante, implicite ou explicite, ainsi que d'une redéfinition globale des allégeances sur la scène mondiale (II).
...
[...] définition d'Ernest Renan de la Nation : l'identité religieuse y est mentionnée. Nationalismes et fondamentalismes religieux ont ainsi souvent fait route commune, depuis les liens d'hier entre l'extrême-droite nationaliste française et le clergé catholique jusqu'aux Nationalistes hindous d'aujourd'hui Ces derniers sont arrivés au pouvoir grâce aux élections générales qui se sont tenues du 23 février au 7 mars 1998. Le mouvement nationaliste hindou s'est constitué à partir des années 20 autour de l'Association des volontaires nationaux une organisation soucieuse de "renforcer" les hindous face aux musulmans, minorité dans laquelle elle voyait une menace en raison, notamment, de ses liens panislamiques. [...]
[...] Il est ainsi maintenant établi que les attentats anti-américains d'après 1992 ont été le fait de membres de ces réseaux, qui n'ont, par ailleurs, aucun rapport avec l'Iran, contrairement à ce qu'ont pu opportunément prétendre les autorités américaines : on l'a vu avec l'attentat contre le World Trade Center, à New York, en 1993, ou les attaques contre des conseillers américains en Arabie saoudite (novembre 1995). Dès lors, si l'identité religieuse est devenue une nouvelle force du champ transnational, c'est bien souvent parce que son instrumentalisation au niveau international est devenue stratégique en termes de conflits locaux. [...]
[...] Le contexte de mondialisation accélérée que l'on connaît actuellement renforce ce constat en donnant une dimension mondiale aux moindres conflits locaux et en offrant ainsi à l'identité religieuse une caisse de résonance inespérée, avec par là même un risque dangereux de collusion des réseaux transnationaux clandestins (terrorisme, guérillas, trafic d'armes et de drogues, sectes, mafias, etc.). Prétexte plutôt qu'enjeu, le facteur religieux ne doit par conséquent pas être minimisé, mais il faut souligner qu'il n'a pris que l'espace que l'on a bien voulu lui donner : la diplomatie a parfois besoin d'armes culturelles pour détourner l'attention des véritables enjeux, politiques ou économiques, mais ne mesure parfois pas toujours les effets de son soutien opportuniste à des mouvements d'autant plus dangereux qu'on les fait sortir de l'ombre . [...]
[...] Le RSS a créé un parti à l'occasion des premières élections générales de 1951-1952. Son nom, Association du peuple indien (Bharatiya Jana Sangh, BJS), traduisait alors sa volonté de ne pas s'enfermer dans un label purement hindou. Le parti a d'ailleurs oscillé entre une stratégie modérée "attrape-tout" et des efforts de mobilisation ethno-religieuse propres à attirer les voix de la communauté majoritaire. La stratégie modérée échoua lorsque les partenaires du BJS, qui lui reprochaient ses liens avec le RSS, firent éclater, en 1980, le Janata Party. [...]
[...] Ainsi, il s'agit d'interpréter ce retour du religieux sur la scène géopolitique mondiale depuis la fin de la guerre froide et l'effondrement des idéologies : assiste-t-on à une redéfinition des allégeances ? Les identités religieuses sont-elles un enjeu, et donc la source, des conflits internationaux ou au contraire un simple facteur consolidant, et donc un simple prétexte, à ces derniers ? Bref, le ciel continue-t-il de troubler la terre ou est-ce simplement que la terre se cherche un nouveau visage ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture