Les humanitaires sont-ils apolitiques ?

Thèmes abordés

relations internationales, ONG, humanitaire, science politique, apolitique, acteurs transnationaux

Résumé du document

Les humanitaires font référence à l'ensemble des personnes et des organisations dont l'engagement a pour vocation de venir en aide à des populations ou à des personnes sinistrées, pauvres, ou victimes de la guerre, et ce afin de pallier tout type de besoins essentiels tels que la faim, la santé ou l'éducation. Ces organisations prennent la plupart du temps la forme d'organisations non gouvernementales (ONG) ou d'associations dont les militants humanitaires sont bénévoles ou non. On peut citer parmi celles-ci la Croix-Rouge, le Secours Catholique, Médecin Sans Frontières ou encore Amnesty International. L'apolitisme quand à lui correspond à une absence d'opinion politique, voire à un rejet ou à un éloignement du politique. Il s'agit dans cette doctrine d'adopter une certaine neutralité. Johanna Siméant, politiste française et chercheuse à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, a monopolisé ce champ des humanitaires à travers ses travaux sur la question. En les étudiant, elle a impulsé une vision particulière des acteurs transnationaux dans la mesure où elle y intègre la notion d'humanitaire, d'où l'intérêt sociologique de ce sujet. En effet, elle nous amène à nous demander quel est le rôle des humanitaires et en quoi leurs actions en font des acteurs transnationaux. Il est important de se pencher sur les raisons de l'engagement humanitaire, mais aussi sur les socialisations de ses acteurs. Nous élargirons également les champs de recherche à d'autres terrains comme par exemple les rapports qu'entretiennent les humanitaires avec le politique, ou les interactions qui existent entre ces deux domaines.

Extraits

[...] Le fait que ces personnes se soient engagées dans l'humanitaire ne signifie pas qu'elles n'auraient pas pu le faire dans un parti politique. En effet, la socialisation de base des jeunes humanitaires, qui passe souvent par des pratiques telles que le BAFA, le scoutisme, sont en réalité identiques à celle des jeunes militants politiques. Il y a également dans les familles des volontaires humanitaires des références au militantisme et à l'engagement, qu'il soit politique ou associatif. Ce qui va faire la différence, c'est le prestige social que cela apporte et le fait que l'humanitaire permet d'agir directement sur le réel. [...]

[...] Le conflit était purement politique mais face à l'incapacité des États à intervenir, ce sont les humanitaires qui ont agi. Les humanitaires dépendent donc de ce qu'il se passe au niveau politique et peuvent aussi être instrumentalisés par ceux-ci. Toujours au Darfour, on a par exemple vu que si les pouvoirs locaux voulaient effectuer des déplacements de population du nord au sud, il leur suffisait de dire aux humanitaires de s'installer au sud, et la population se déplaçait d'elle-même. Des humanitaires instrumentalisés par les politiques L'exemple du Darfour nous amène à réfléchir sur l'instrumentalisation des humanitaires par les politiques. [...]

[...] Les organisations humanitaires sont à la fois très liées au politique mais aussi dépendantes et instrumentalisées par celui-ci. En conclusion, nous avons vu tout d'abord que l'apolitisme est bien souvent une condition de l'humanitaire et qu'aussi bien les organisations que ses membres s'en réclament. Ceci est dû au fait que la dépolitisation soit un leitmotiv pour ces organisations d'une part et d'autre part au fait qu'il y ait une volonté de détachement des acteurs de ces organisations par rapport au politique. [...]

[...] Lorsqu'on étudie sociologiquement les humanitaires, il apparaît rapidement que ceux-ci se disent apolitiques. Que ce soient les ONG ou les membres de ces ONG, ils revendiquent tous cette neutralité par rapport au politique, or ceci constitue un paradoxe. Comment se fait-il que les associations humanitaires se définissent comme apolitiques alors qu'elles sont prises en permanence dans des intérêts politiques divers ? Nous expliquerons donc pourquoi les humanitaires se définissent comme apolitiques alors que leurs actions dépendent énormément de la politique. [...]

[...] Ainsi, on peut affirmer que les humanitaires sont assez proches des politiques du point de vue de leur socialisation, et cela se voit à travers leur engagement. Il y a trente ou quarante ans, ces personnes se seraient engagées en politique ou au ministère de la coopération, tandis qu'aujourd'hui elles vont s'engager dans des associations ou des organisations humanitaires. Des carrières militantes proches du champ politique Si on s'intéresse aux fondations des associations humanitaires telles que Médecins Sans Frontières on remarque qu'il y a beaucoup d'étudiants en médecine politisés qui s'engagent. [...]